Pour ceux qu’on appelle déjà les rénovateurs, le changement intervenu dans le paysage institutionnel du Mali à partir du 22 mars doit transparaître dans le fonctionnement de l’Adéma-Pasj, le parti qui a essuyé le plus grand nombre de critiques de la part des pro-putschistes. Ils proposent de changer les règles du jeu dans le choix du candidat du parti à la prochaine élection présidentielle en donnant par exemple la parole à la base. Les dinosaures ou les conservateurs ne l’entendent pas de cette oreille. Ils tiennent à ce que le comité exécutif soit toujours le faiseur de roi.
Le président de la transition, Pr Dioncounda Traoré ne pouvant plus être candidat à la prochaine élection présidentielle, plusieurs cadres commencent à faire des pieds et des mains pour être choisi comme prochain porte-étendard du parti dans la course pour la conquête du luxueux palais de Koulouba.
C’est lors de sa dernière réunion, tenue le mercredi 14 février, que le comité exécutif (CE) de l’Alliance pour la démocratie au Mali-parti africain pour la solidarité et la justice (Adéma-Pasj) a clairement décidé que le parti de l’abeille aura un candidat issu de ses rangs pour l’élection présidentielle du 7 juillet prochain. La question d’une candidature unique du FDR est à ranger désormais au placard!
Des pourparlers informels avaient tenté d’opter pour un seul candidat pour le Front uni pour la défense de la démocratie et de la République (FDR), dont les partis phares sont l’Adéma, l’Urd, le Pdes, le Parena, le Mpr, l’Udd, le PSP. Dans ces échanges entre certains responsables, le nom de Soumaïla Cissé de l’Urd avait été longuement cité. C’était sans compter avec la détermination de l’Adéma de répondre au rendez-vous de l’histoire : très critiqué après le coup d’Etat du 22 mars 2012, le parti de l’abeille estime devoir jauger sa force de frappe électorale.
La majorité des caciques de cette thèse affirme que le parti de l’abeille » doit présenter son propre candidat et gagner les élections pour prouver aux détracteurs que malgré les critiques, l’Adéma demeure une foudre de guerre électorale. Donc, il n’est pas question de s’abriter derrière un candidat qui ne soit pas sorti de ses rangs « . Désormais, les différents acteurs du FDR veulent considérer le cadre du FDR comme une plate-forme dont la dynamique unitaire ne sera enclenchée, le cas échéant, qu’au second tour de la présidentielle. Exactement comme dans le scénario ivoirien du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et le progrès (RHDP). Surtout que l’URD, la 2ème force politique, ne fait aucun mystère de la candidature de son mentor, Soumaïla Cissé pour la prochaine présidentielle. On annonce, du reste, le retour de celui-ci à Bamako cette semaine ou dans tous les cas avant la fin de ce mois de février.
C’est dans ce climat de supputations que différents responsables se positionnent comme potentiels candidats. On parle des « anciens » comme Ibrahima N’Diaye, l’actuel président par intérim du parti, Boubacar Bah dit Bill, le 7ème vice-président et président de l’association des municipalités du Mali (AMM), Soumeylou Boubèye Maïga, le 4ème vice-président du parti, Me Kassoum Tapo, membre de l’organe dirigeant du parti et non moins 4ème vice-président de l’Assemblée nationale, Sékou Diakité, le 2ème vice-président. A ces ténors s’ajoutent d’autres cadres comme Moustaph Dicko, Tiémoko Sangaré.
Tout ce beau monde, à l’exception de Me Tapo, qui venait d’adhérer au parti après la disparition de son RND d’origine, est taxé par certains jeunes du parti de « conservateurs ». Ils ont pendant longtemps marqué le parcours du parti. Ces jeunes « rénovateurs« , qui préfèrent être appelé «légalistes»(tenant à l’application des textes du parti) appuyés par quelques ténors de l’organe dirigeant du parti, aspirent à aller vers un rajeunissement du leadership, comme signe du renouveau qui doit marquer l’Adéma, longtemps malmené par les pro-putschistes. Les adeptes du changement souhaitent que la parole soit simplement donnée aux sections qui doivent se prononcer clairement sur le meilleur des potentiels candidats.
Selon eux, il ne doit plus être question de conciliabules ni de secrets marchandages au niveau du CE pour en sortir un candidat imposé à tous les militants. Pour une responsable du mouvement des femmes qui a requis l’anonymat, si le parti ne procède à aucun changement dans ses méthodes de sélection de son candidat, il risque de décevoir plusieurs militants. » Car les élections, c’est la base. Ce n’est pas les salons huppés de Bamako… Ceux qui veulent être les candidats du parti doivent avoir la majorité des sections derrière eux. Ce n’est pas bon qu’on essaie d’imposer des gens déconnectés de la base du parti comme candidats « , a-t-elle déclaré.
C’est ainsi que trois groupes de cadres et militants se sont constitués au sein du parti, et en toute discrétion, pour soutenir certains responsables membres du CE comme potentiels candidats. Le dernier groupe, qui incarne l’opinion des rénovateurs et se réclame de la mouvance des jeunes du parti pointe le nez pour poser « le problème d’un changement de perspective « dans le choix du candidat du parti de l’abeille. Ce groupe, tracté par Dramane Dembélé, l’ancien Directeur des Mines et de la géologie (DNGM), est composé du député Yaya Sangaré, le secrétaire politique de la section de Yanfolila, Adama Noumpounon Diarra, Ousmane Maïga (directeur du barrage de Sélingué), Bréhima Sangaré, l’ancien Chef de cabinet du ministre Tiémoko Sangaré et secrétaire général adjoint de la section de Yanfolila, etc. Il serait soutenu par plusieurs membres du comité exécutif.
Pour ce dernier groupe, le changement intervenu le 22 mars impose à l’Adéma de prendre du sang neuf, à travers « un jeune » pour la prochaine présidentielle. On parle de Dramane Dembélé comme probable candidat de ce clan. Toute chose que les « conservateurs » contestent pour diverses raisons. Certains estiment que du fait que l’ancien patron de la DNGM avait eu récemment maille à partir avec l’ex-junte (il a été détenu pendant un moment), il n’est pas la bonne étoffe pour incarner les couleurs rouges et blanches du parti de l’abeille. Vouloir le positionner comme candidat sera interprété par les milieux proches de Kati comme un pied de nez à leur endroit.
Selon certaines sources, le parti doit tenir une conférence nationale en mars ou avril prochain, mais d’ores et déjà, certains ténors ont décidé de prendre leur bâton de pèlerin pour concilier les positions afin de sauver les meubles. La 6éme vice-présidente, Mme Konté Fatoumata Doumbia, pourrait jouer ce rôle.