Selon l’ancien ministre Ousmane Sy, pour un Mali uni et stable, il ne suffit plus de réviser la constitution, mais de la refonder. Il rejette donc le processus actuellement en cours qui rassemble autour de la révision de la Constitution des techniciens et non l’ensemble de la population sensée respecter ce « contrat social ».
« La participation de toute la diversité humaine et territoriale de notre pays à la définition et à la codification des règles du vivre ensemble constitue une garantie essentielle de l’adéquation des normes et valeurs que la constitution véhicule et de sa défense collective », explique l’expert de la décentralisation.
Dans l’une de ses propositions de sortie de crise publiée récemment, M. Sy explique qu’en dehors de la parenthèse des conférences nationales, les procédés qui permettent d’associer toutes les composantes de la nation à l’élaboration des constitutions sont restés caricaturaux. Il précise que le plus souvent, le contenu de la constitution n’est mis en débat que dans des cercles restreints de techniciens.
« La caution populaire n’intervient que dans la phase d’adoption par référendum, les populations étant davantage appelées à se prononcer sur un « prêt-à-porter » qu’à effectuer un choix éclairé sur des changements voulus et dont elles comprennent les enjeux », ajoute-t-il.
Dès lors, propose M. Sy, le questionnement sur la crise politico-institutionnelle en cours dans notre pays doit être replacé dans un contexte plus global d’adéquation de la norme constitutionnelle aux règles du vivre ensemble des individus et des communautés qu’elle est censée réguler. Posée plus clairement, elle interroge la problématique de la légitimité du contrat social qu’est la constitution.
Cesser l’importation des valeurs inadaptées à nos sociétés
« N’aurait-on pas, sous le couvert du principe d’universalité, importé dans nos constitutions des valeurs inadaptées à nos sociétés et subséquemment des procédés de légitimation du pouvoir, qui ne correspondent pas avec leur substrat historique, social et culturel ? N’aurait-on pas aussi essayé d’enfermer dans un corpus juridique moniste des sociétés traversées par une diversité qu’elles ont su réguler pendant des siècles en acceptant de s’ordonner autour du pluralisme ? Ceci explique le fait que les populations, parce qu’elles n’ont pas le sentiment d’être les gardiennes de ces valeurs, se mobilisent peu pour la défense des constitutions suite aux coups d’Etat militaires ou politiques qui surviennent souvent », analyse Ousmane Sy.
Des consultations avant le travail des experts
Il explique donc que la participation de toute la diversité humaine et territoriale du pays à la définition et à la codification des règles du vivre ensemble constitue une garantie essentielle de l’adéquation des normes et valeurs que la constitution véhicule et de sa défense collective. Pour lui, il y a des étapes préalables de consultation des citoyens dans leurs communautés avant la mise au travail de toute expertise technique. Cette consultation doit dépasser la collecte de simples avis sur un projet ficelé et être le moment de construire collectivement un contrat de société et de donner un véritable sens à la notion de la loi fondamentale.