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Problématique de carburants toxiques au Mali : L’urgence d’une règlementation respectueuse de l’environnement
Publié le jeudi 3 novembre 2016  |  Le Matin
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Si les plus hautes autorités croisent les bras face à la problématique de l’importation et la vente des carburants toxiques au Mali, certaines organisations de la société civile ont décidé de prendre à bras le corps cette affaire afin de trouver une solution pérenne. Elles invitent le gouvernement à se réveiller et à réviser la réglementation en la matière.

Ce n’est qu’un secret de polichinelle que, en Afrique, la plupart des véhicules roulent avec des carburants d’une qualité considérablement inférieure aux normes en vigueur dans les pays de l’OCDE.

En raison de leur haute teneur en soufre, ces carburants que l’industrie occidentale qualifie de «qualité africaine» contribuent grandement à la pollution de l’air en milieu urbain et nuisent à la santé ainsi qu’à l’environnement de millions de personnes.

Une importante partie de ces carburants de mauvaise qualité sont produits et vendus en Afrique par de grandes sociétés suisses de négoce de matières premières qui tirent profit de la différence entre les réglementations sur la teneur en soufre des carburants entre certains pays de l’OCDE et les Etats africains.

Procédant à des «arbitrages» réglementaires pour optimiser leurs profits, les négociants suisses ont une responsabilité directe dans la pollution atmosphérique que subit le continent africain et enfreignent le droit à la santé des populations.

L’Afrique inondée de carburants toxiques

Public Eye, une ONG Suisse précédemment appelée Campagne de Berne, a fait des recherches dans plusieurs pays de l’Afrique dont le Mali et produit un rapport dénommé «Dirty Diesel». Ce document explosif révèle que les négociants suisses tels que Vitol, Trafigura, Glencore, Mercuria ou Guncor inondent l’Afrique de carburants toxiques.

Profitant des faibles standards en Afrique, ils produisent, livrent et vendent des carburants à haute teneur en soufre. Ces négociants suisses ont pris le relais des multinationales pétrolières comme Shell ou BP (British Petroleum) qui avaient bâtis des réseaux de stations-services, des citernes, des terminaux de stockage et de distribution. Sans compter les contrats d’approvisionnement en essence et en diesel, des marchés aéroportuaires, etc. Addax et Oryx Group sont aussi présents en Afrique à travers AOG.

Résultat de 3 années d’enquête par l’ONG Suisse dans 08 pays de l’Afrique (Angola, Bénin, République du Congo, Ghana, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal et Zambie), ce rapport révèle que les carburants présentent une teneur élevée en soufre ainsi que des substances toxiques comme du benzène et les composés aromatiques à des niveaux interdits en Europe. Ces teneurs en soufre mettent en danger la santé des populations exposées aux particules fines et à d’autres substances chimiques cancérigènes.

Mais contrairement à l’Union Européenne, qui a limité la teneur en soufre des carburants à une valeur minimale de 10 Parties Par Millions (PPM), soit 0.001/% du volume, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne n’ont pas adopté de réglementations strictes sur l’essence et le diesel. En moyenne, nos pays tolèrent des carburants présentant jusqu’à 200 fois la teneur en soufre autorisée par la norme européenne.

Des prélèvements d’échantillons d’essence et du diesel vendus par Trafigura (qui contrôle les stations-services Puma, mais aussi Pumangol en Angola, Gazelle Trading au Bénin et UBI au Ghana), Vitol (à travers Vivo Energy), Addax et Oryx Group (Oryx) et Lynx Energy (X-Oil) ont ensuite été analysés par un laboratoire indépendant de renommée internationale.

Les résultats des échantillons prélevés à la pompe par Public Eye sont choquants car ils révèlent que les carburants analysés présentent une teneur en soufre très élevée, plusieurs centaines de fois supérieure à la limite autorisée en Europe (10 ppm). En effet, plus des deux-tiers (17 sur 25) des échantillons de diesel dépassent 1500 ppm. L’échantillon le plus soufré provient d’une station-service Oryx au Mali et affiche une teneur en soufre de 3’780 ppm.

Le Mali, un dépotoir des carburants toxiques

En vendant ces carburants nocifs dans nos pays, ces négociants suisses contribuent à la pollution de l’air dont les conséquences sont néfastes pour la santé car favorisant les maladies respiratoires, cardio-vasculaires, cancers…

Face à la gravité de la situation, des sociétés civiles maliennes comme l’Association malienne pour la sauvegarde du Bien-être familial (AMASBIF) et l’Association malienne d’éveil au développement durable (AMEDD) ont décidé de mener une campagne visant à contribuer à la réduction des dégâts causés par les carburants à haute teneur en soufre sur la santé des habitants des zones urbaines africaines. Et cela à travers l’introduction de normes plus strictes en matière de qualité des carburants en Afrique.

Réduire progressivement la teneur autorisée en soufre dans les carburants au même niveau qu’au sein de l’Union européenne permettrait de prévenir 25 000 décès prématurés en 2030 en Afrique, et près de 100 000 en 2050.

Et les gouvernements africains ont la capacité d’agir. Selon un responsable de la société civile malienne, cette exploitation est illégitime et doit immédiatement cesser. Il exige donc «une réglementation plus stricte» en matière de carburants.

Même son de cloche pour le Directeur de l’AMEDD, M. Oumar Samaké, qui pense que «le gouvernement malien doit réviser la règlementation en la matière». Et cela d’autant plus que, a-t-il précisé, «ces carburants font des dégâts extrêmement importants».

Ainsi, a-t-il exhorté, «les décideurs doivent prendre des décisions urgentes». Selon plusieurs responsables de la société civile la règlementation en vigueur dans notre pays par rapport aux carburants date de plus de 20 ans.

Ils estiment que cette règlementation ne colle plus aux réalités du moment. C’est pourquoi, ils invitent les plus hautes autorités avec insistance à adapter ce texte à la réalité mondiale.

Alors à quand la réglementation en la matière en Afrique, particulièrement au Mali ? Ce n’est en tout cas pour l’instant, en attendant les carburants toxiques continuent de tuer les Maliens à petit feu !

Aliou Touré
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