En jetant, en pâture Rangdold Ressources à un cabinet londonien de communication (Cadogan PR) à sa solde et en profitant de son poste pour vilipender cette société minière, le ministre malien de l’Économie et des Finances, Boubou Cissé a, au fil des jours, nourri l’hostilité des maliens à son endroit. Mais surtout, celle de ses collègues, qui n’hésitent plus à réclamer sa démission jugée salutaire pour la gouvernance du régime IBK, désormais, en voie de déperdition.
« Après toutes ces imprudences, commises à tort ou à raison dans ce dossier, le ministre de l’Économie et des Finances doit avoir le courage de rendre le tablier. Ne serait-ce que pour le salut de son âme ». En colère, un responsable de l’hôtel des finances –qui a requis l’anonymat –passe, outre la solidarité départementale, pour fustiger ce qu’il appelle, volontiers, les « erreurs de casting de Boubou Cissé dans le contentieux fiscal Randgold-État du Mali ». Et d’ajouter, avec un sourire crispé : « Nous espérons qu’il le fera, avant que d’autres scandales n’éclatent à sa figure ».
Bref, en quelques jours, le « Ministre chouchou » de l’ère IBK est passé de la grâce à la disgrâce. Du statut de « sauveur » de l’économie nationale à celui de « saigneur » de l’hôtel des finances. Et sans transition, aucune.
Même au sein de l’attelage gouvernemental, certains ministres n’hésitent plus à prendre leur distance, vis-à-vis d’un homme, devenu, subitement, encombrant. À l’origine de la descente aux enfers du « locataire » des Finances, ses accointances dans le litige fiscal de Randgold-État du Mali.
Ainsi, dans un tract envoyé par un cabinet Londonien de communication, Cadogan PR, à la solde du ministre Boubou Cissé, aux partenaires stratégiques de Randgold, un peu partout dans le monde, des nouvelles révélations sont parvenues à notre rédaction sur le contentieux fiscal opposant les sociétés minières de Randgold à l’État du Mali.
Dans le cadre de nos investigations, la société Randgold s’est dite surprise de constater que des informations fournies sous le sceau de la confidentialité aient pu se retrouver sur la place publique et de plus à l’étranger. Toutefois, Randgold a rassuré qu’au moment d’engager des discussions avec l’administration fiscale du Mali, en vue d’un règlement global des litiges fiscaux la concernant, elle n’entendait pas en rajouter à la polémique mais elle se réservait le droit de commenter le moment venu une publication faite de contre-vérités.
Par ailleurs, les investigations ont permis, ces derniers temps, de formuler des commentaires et de relever de nombreuses contre-vérités.
Du recours proprement dit
La Somilo a saisi la Cour Suprême par un recours en sursis d’exécution, mais la publication recommandée par le « sinistre » Boubou Cissé, ne dit rien de ce qui a résulté de cette action à savoir que la Cour suprême a ordonné à l’administration fiscale malienne de surseoir à l’exécution du commandement à payer délivré par le service des impôts en attendant qu’elle statue sur le fonds de l’affaire. Du coup, l’administration fiscale du Mali est passée outre et s’est servie dans les crédits de TVA de la Somilo détenus par elle pour un montant de plus de 24 milliards FCFA. Jugeant cette affaire dans le fond, la Chambre administrative de la Cour suprême s’est déclarée incompétente au motif qu’elle ne pouvait être juge de l’interprétation des dispositions d’une convention d’établissement et ce, d’autant plus que l’affaire avait été portée par la Somilo devant le Tribunal arbitral du Centre International de Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI). Comme prévu par la convention d’établissement dont bénéficie la Société.
Règlement du différend à l’amiable
De nos investigations, il ressort que ce dossier a fait l’objet d’une tentative de règlement à l’amiable sur une période de plus d’une année au cours de laquelle Boubou Cissé en sa qualité de sinistre des mines, pardon, ministre des mines, s’est beaucoup investi auprès du Ministère des Finances et de Randgold pour trouver une solution à l’amiable aux litiges fiscaux existant entre les sociétés du groupe Randgold et le Ministère des Finances. C’est au cours de cette période de tentative de règlement à l’amiable que les parties ont convenu de « geler » les dossiers fiscaux de 2011, 2012 et 2013 aujourd’hui sur la sellette et que les solutions qui résulteraient des discussions qu’elles entendaient engager sur les dossiers de 2008, 2009 et 2010 soumis à l’arbitrage, seraient appliquées pour le traitement des dossiers « gelés ». Malheureusement, c’est au cours de ces discussions qui n’ont pas abouti à un accord entre les parties que le tribunal arbitral a rendu sa décision par laquelle la Somilo a été condamnée à procéder à la retenue de TVA sur les prestataires étrangers au profit de l’État avec les pénalités au taux de 50% et non de 100% imposé par le service des impôts.
Pour le reste, il a été donné raison à la Somilo qui s’est vue rembourser 19 milliards sur les 24 que l’administration avait prélevés dans les crédits de TVA de la société.
Est-ce à dire que c’est cette décision défavorable au Gouvernement malien qui est à la base de la détérioration des relations entre partenaires d’autant plus qu’entre temps, Boubou Cissé est passé du ministère des Mines à celui de l’Économie et des Finances ? En tout cas, tout porte à croire que l’homme est résolu à prendre sa revanche sur son partenaire.
Enjeux financiers du dossier
À en croire nos enquêtes, les montants divulgués par voie de presse ne sont que la portion congrue du gâteau. Les redressements opérés par l’administration fiscale malienne au titre de 2011, 2012, et 2013, à la charge des 3 sociétés concernées, porteraient sur plus de 130 milliards FCFA. Et ce dont la presse se fait abondamment l’écho aujourd’hui, n’est qu’une confirmation partielle portant sur environ 46 milliards FCFA et sur lesquels la Somilo a reconnu et payé le montant d’environ 15 milliards FCFA, tout en contestant le reste des réclamations. Ce paiement de quelques 15 milliards a été jugé insuffisant par le « sinistre » Boubou Cissé des Finances qui s’est en fait substitué au service des impôts dans le traitement de ce dossier, contrairement à toutes les règles de procédure en la matière.
Pour obtenir d’une part, la réouverture des bureaux de Randgold à Bamako qui ont été fermés, entre temps, sur instructions du « sinistre » Boubou et engager des discussions pour le règlement global des problèmes fiscaux en instance d’autre part, il a été demandé à Randgold un paiement complémentaire substantiel qui s’est élevé à 15 milliards FCFA que Randgold a accepté de faire, étant entendu qu’à l’issue des discussions, tout paiement injustifié serait remboursé. D’où un versement de plus de 30 milliards FCFA fait à ce jour par la Somilo. Et c’est par voie de presse que Randgold a appris que les discussions devraient débuter à partir du 24 Octobre dernier pour une période d’un mois.
Des amalgames en série
Il ressort de la publication commanditée par le « sinistre » Boubou Cissé des Finances que c’est sur la base des conclusions de la Cour d’arbitrage que les sociétés du Groupe Randgold sont redevables des montants réclamés. Cela est inexact dans la mesure où la Cour d’arbitrage n’a jamais eu à se prononcer sur les dossiers fiscaux de Somilo, Gounkoto, Morila et Kankou Moussa, au titre de 2011, 2012, et 2013. L’arbitrage dont la décision a été rendue le 31 Mai 2016 a porté, exclusivement, sur les dossiers de 2008, 2009, et 2010 étant entendu que les conclusions de la Cour sur ces dossiers peuvent avoir une incidence sur les dossiers 2011, 2012, 2013 en raison de la similitude de certains problèmes.
En bloc, il ressort des investigations que contrairement aux propos et autres déclarations tendant à faire croire que les paiements réclamés à la Somilo dans le dossier actuel portent sur le paiement de la TVA auquel la Somilo a été condamnée par le Tribunal arbitral, les sociétés Somilo et Gounkoto SA payent régulièrement la TVA et bénéficient au contraire des crédits importants de TVA à rembourser par l’État. Comme cela a été précédemment souligné, les questions relevant du contentieux actuel n’ont jamais été soumis à l’arbitrage.
Contrairement à l’intox des zombies de l’hôtel des Finances par rapport au non-paiement par la Somilo et Gounkoto de la retenue de la TVA sur les prestataires étrangers au titre des années 2014 et 2015, les deux sociétés rassurent avoir acquittés ces paiements et disposent des quittances délivrées par l’administration fiscale à cet égard.
De la TVA au taux de 10%
À en croire les dossiers à notre possession, ce taux est prévu par le code des Impôts de 1970 qui est selon la décision du tribunal arbitral, la loi fiscale applicable à la Somilo.
Contrairement à ce que Boubou tend à faire croire, il n’y a aucun agissement frauduleux sur ce point et il est clair que le service des impôts s’est empressé de sanctionner et à juste raison.
Il serait grossier de la part de Somilo, d’acquitter la TVA à 10% et d’en réclamer le remboursement à 18% par l’administration fiscale surtout quand on sait que le remboursement des crédits de TVA fait l’objet d’une procédure spéciale donnant lieu à un contrôle préalable avant le remboursement.
Le non-paiement de dividendes par la Somilo
Il revient que cette situation résulte de l’application des dispositions de l’accord d’actionnaires qui lie les actionnaires de la Somilo dont l’État du Mali détient effectivement 20% du capital de la société. À ce titre , l’État a droit à 20% de dividendes sauf que l’accord d’actionnaires signé par le Gouvernement en sa qualité d’actionnaire de la société, dispose qu’il ne peut pas avoir de distribution de dividendes avant l’apurement par la société des dettes dues aux créanciers .
Cette disposition est encore reprise par la convention signée par l’État en sa qualité de puissance publique. La question qui serait intéressante à poser est celle de savoir si Randgold en tant qu’actionnaire à 80% mais assurant le financement de 100% des investissements de la Somilo, touche des dividendes. Il a été répondu que Randgold ne percevait pas non plus de dividendes.
Que veut le Ministre Boubou Cissé qui semble vouloir internationaliser un litige fiscal dont il a abondement inondé les médias locaux à coup de contre-vérités et d’amalgames.
Pris en flagrant délit de mensonge dans la tourmente des recrutements frauduleux dans la fonction publique, Boubou Cissé cherche probablement un nouveau bouc émissaire à travers le dossier fiscal des sociétés du Groupe Randgold pour détourner l’attention de l’opinion publique. En allant si loin dans la campagne d’intoxication autour de ce problème et la volonté affichée de salir la société Randgold, le ministre Boubou Cissé ne semble pas laisser d’autres choix à la société Randgold que d’aller de nouveau à l’arbitrage international du CIRDI contre l’État du Mali. Sans préjuger de ce que sera la décision des juges, ce serait une première dans l’histoire de voir le même État assigner deux fois dans la même année devant un tribunal étranger. La disgrâce…
En confiant le ministère de l’Économie et des Finances à Boubou Cissé, le Président de la République était loin d’imaginer le pire. La preuve : de sa nomination à la tête de l’hôtel des finances à aujourd’hui, les irrégularités se succèdent. Alternant, parfois avec les youyous des casseroles. Une addition trop salée pour celui en charge de la Primature.
Pour certains proches de Boubou, il est victime d’une campagne, lancée par ses détracteurs décidés à s’adjuger le ministère des Finances. Ceux-ci, indiquent nos interlocuteurs, auraient débloqué plusieurs dizaines de millions de nos francs pour lancer ce qu’ils appellent une « campagne anti-Boubou ».
En attendant la preuve de cette affirmation, la démission de Boubou Cissé du gouvernement revient au devant de l’actualité. Sans tambour, ni trompette. Déjà, à la suite de l’annulation du recrutement bidon qu’il avait concocté, le Chef de l’État aurait eu un « dialogue très corsé » avec son neveu de ministre.
« Pour la première fois, je l’ai vu très remonté contre le ministre Boubou Cissé qu’il considère, du reste, comme son fils et son homme de confiance au sein du gouvernement », rassure notre source, qui précise, au passage, que c’est le signe d’un désaveu cinglant.
Bref, tout se passe, aujourd’hui, comme si le ministre de l’Économie et des Finances est devenu persona non gratta.
De l’avis de nos sources, il n’est ni en odeur de sainteté avec ses collègues, ni avec le président IBK, son employeur.
Pour les uns comme les autres, Boubou Cissé n’a plus le choix : ou il rend son tablier, ou il sera démis de ses fonctions. Car, disent-ils, trop c’est trop !
En politique comme à la guerre, l’erreur ne se pardonne guère. Elle se paie chère. Très chère.