2 novembre 2013 – 02 novembre 2016 ! Il y a trois ans que nos deux confrères de Radio France Internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont été sauvagement assassinés à Kidal dans des circonstances toujours obscures. Les deux envoyés spéciaux de RFI ont été enlevés, puis exécutés après une interview avec un responsable du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA).
Dans une tribune publiée il y a plus d’une semaine, « les Sociétés des journalistes et Sociétés des rédacteurs de RFI, France 24, Agence France Presse, Radio France, Europe 1, RTL, Le Monde, Le Figaro, Libération, L’Humanité, France 2, BFM TV, Canal + – ITélé, Le Point, L’Obs, Mediapart, Télérama, Capa, Premières Lignes, La TéléLibre appellent les autorités françaises et maliennes à se mobiliser pour permettre à la justice de passer ». Selon les signataires de cette tribune, « il n’est pas concevable en démocratie de laisser impuni l’assassinat de deux journalistes. Pourquoi le Ministre de la Défense a-t-il mis autant de temps à accepter de déclassifier les documents demandés par le juge? Pourquoi aucun juge ne s’est-il rendu au Mali depuis novembre 2013 ? Pourquoi la justice malienne se désintéresse-t-elle de ce dossier ? », s’interrogent-ils en manifestant leurs plus grandes inquiétudes.
En hommage à Ghislaine et Claude, RFI a initié la « Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon » qui est à sa troisième édition. Sur décision de l’ONU, le 2 novembre de chaque année est célébrée comme la Journée Internationale de la fin de l’impunité des crimes commis contre les journalistes. Cela ne suffit pas. Hier comme aujourd’hui, il faut la vérité sur cette affaire et la justice pour nos deux confrères.
Le gouvernement de la République ne fait rien dans les enquêtes sur l’assassinat et étale son hypocrisie. Depuis 2012, aucun service d’enquêteurs ou judiciaire n’est présent à Kidal. Au moment de ce drame, Bamako n’avait la maîtrise que sur une très petite portion de la ville de Kidal, devenue un no man’s land par la faute du gouvernement français qui a confié le contrôle de Kidal à ses amis du MNLA qui avaient pourtant été déculottés par les islamistes du MUJAO sur les terres de leur imaginaire République de l’Azawad. Pis, depuis mai 2014, Kidal échappe à tout contrôle du gouvernement du Président Ibrahim Boubacar Kéïta qui est obligé d’accepter tout pour pouvoir y mettre le pied.
L’armée française et les services secrets de l’ancienne puissance coloniale savent quelque chose sur les circonstances de l’assassinat de Gislaine et Claude. Il est peu probable que nous sachions un jour la vérité sur cette affaire qui embrasse au plus haut niveau les autorités françaises qui ont noué des alliances compromettantes avec des personnalités à la moralité et aux fréquentations douteuses. Il est peu probable que nous sachions la vérité sur cette affaire puisque l’armée qui contrôle ce vaste espace depuis janvier 2013, s’est attribué ‘’un permis de tuer’’ pour reprendre une expression de l’ancien diplomate français, Laurent Bigot. L’armée française annonce avoir éliminé des chefs terroristes à coup de grands communiqués soigneusement rédigés. Des éliminations difficilement vérifiables par le commun des mortels. Il est peu probable que les parents de Gislaine et Claude et leurs collègues obtiennent un jour justice.
Et pourtant, il faut la vérité et la justice pour nos deux confrères froidement abattus par des individus sans foi ni loi.
Chiaka Doumbia