Dans notre précédente édition, nous évoquions dans un article intitulé: «533 millions de FCFA de dette intérieure validés sur 80,1milliards», nous expliquions que les EPA totalisaient 15, 2 milliards de FCFA de prétendues dettes intérieures sur ce pactole et nous disions que cela ne pouvait pas s’expliquer, en raison de la typologie de leur budget, équilibré en ressources et en dépenses.
Ainsi, nous avons promis de revenir sur les noms des EPA concernés, après avoir révélé ceux des projets OPIB (18 milliards), PADEPA (9 milliards), PADC (7 milliards).
Eh bien! Les établissements publics à caractère administratif et financier (EPA) sont des services publics dotés de l’autonomie administrative et financière. Ils sont dirigés par un Directeur Général et un Conseil d’administration. Leur budget comprend les ressources propres et les subventions accordées par l’État et est toujours voté en équilibre absolu.
Pour bien s’assurer de l’équilibre de leur budget, la loi rend obligatoire l’approbation de leur budget par le Ministre de l’Economie et des Finances. Comment alors, après l’approbation desdits budgets en équilibre, les EPA concernés ont-ils pu envoyer au Consultant Lepoultier des dizaines de milliards d’arriérés?
Les principaux EPA concernés sont l’AGETIPE, l’AGETIER, l’AGEROUTE, le CENOU, l’Hôpital Gabriel Touré, l’Hôpital du Point G, l’Hôpital de Kati, l’API Mali, dont l’un des meneurs de la soi disant Association des fournisseurs est familier, le Palais de la culture, l’OMATHO, ….
En plus de ces EPA, il y a certains EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) comme l’EDM, la SOMAGEP, la SOTELMA… Il s’agit bien des arriérés de l’Etat avant privatisation de cette dernière société. La vente, en effet, doit prendre en compte le passif et l’actif. Alors, comment des fournisseurs de la SOTELMA peuvent-ils prétendre avoir des arriérés avec l’Etat?
Même un cabinet d’avocats de la place réclame, lui aussi, 500 millions à l’Etat, dans le cadre de ses honoraires pour le processus de privatisation. Ce cabinet, nous a-t-on assuré, a été renvoyé vers la SOTELMA pour être payé.
Quant aux fournisseurs de la SOMAGEP et d’EDM-SA, ils demandent des arriérés d’avant restructuration. Qui doit payer? L’Etat ou ces sociétés? Ce sont bien sûr ces dernières et non l’Etat, qui ne gère que le budget d’Etat. Si, à la faveur de l’épuration de la dette intérieure (1995 – 2002), ces EPIC et EPA ont multiplié les fausses factures, croyant qu’ils seraient concernés, ils ont vraiment raté le coche.
La situation va se retourner contre eux, parce qu’ils ont des budgets équilibrés en recettes – dans lesquelles il y une subvention de l’Etat – et en dépenses. Sortir de ce cadre est synonyme de mauvaise gouvernance, voire de vol ou détournement de deniers publics. C’est tout sauf de l’orthodoxie budgétaire. Nos investigations continuent pour connaître de manière exhaustive de ces EPA et EPIC.
D’après l’analyse des termes de référence du Consultant, dont nous avons pu obtenir une copie, il ressort que l’audit de ce dernier concernait exclusivement le budget de l’Etat, stricto sensu. Pourquoi le Consultant a-t-il, dans ces conditions, accepté les arriérés provenant de ces EPA et EPIC, en violation flagrante de ses propres termes de référence?
Contacté par nos soins, l’un de ses agents nous a confié que le cabinet Lepoultier aurait reçu instruction du ministre des Finances d’alors de prendre en compte les arriérés sur les projets, les EPA et les EPIC. En tout cas, la responsabilité du consultant est clairement établie, car il n’aurait pas du exécuter une instruction en porte à faux avec ses propres termes de référence.
Selon un auditeur de la place, une instruction ne suffit pas pour violer une procédure. Encore qu’il n’est pas établi pour l’instant que Lepoultier ait bien reçu un ordre de piétiner ses propres termes de référence. Si c’est un nègre qui agit de cette manière, on trouve cela scandaleux, mais si c’est un blanc et, de surcroit un Français, on trouve toujours des excuses et des portes de sortie. Dura lex sed lex (la loi est dure mais c’est la loi). Elle n’a pas de couleur et doit s’appliquer aux blancs comme aux noirs.
Le scénario est le même que pour les projets. Le fournisseur X apporte plusieurs millions à l’EPA concerné, qui l’inscrit ensuite dans la liste des faux créanciers de l’Etat pour 400 ou 500 millions, sans aucune exécution d’un marché public, parce qu’il n’existe tout simplement pas de marché public. Pas de PV de réception, pas de rapport du contrôle financier. Pas même d’inscription budgétaire. C’est pourquoi, aujourd’hui, on parle d’arriérés. Si la procédure avait été respectée, on n’en serait pas là.
Voilà comment des fournisseurs voleurs de la République, avec leurs complices responsables des EPA et EPIC, ont voulu dépouiller notre pays de ses maigres ressources pour plusieurs dizaines de milliards de nos francs, n’eut été la détermination forte du Ministre Boubou Cissé à vouloir défendre coûte que coûte nos deniers publics, contre cette bande mafieuse. Laquelle a eu le culot de se constituer en association de fournisseurs, en vue de faire du chantage et d’aboutir au paiement de leurs faux et usages de faux. Quelle aberration!
Ces voyous malfaiteurs ont eu aussi le culot de mentir à visage découvert, en disant que la Banque mondiale avait donné à notre pays 200 milliards de nos francs pour payer les arriérés. Faux et archifaux, explique un député de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, car les paiements des arriérés se font, selon lui, sur nos recettes budgétaires, sans l’appui d’aucun bailleur de fonds.
D’après nos enquêtes, beaucoup de ces faux fournisseurs seraient en fait des fonctionnaires, c’est-à-dire des responsables de ces EPA et EPIC. D’autres sont des hommes politiques, notamment des députés ou des élus communaux, qui, pour l’occasion, se sont transformés en fournisseurs pour dépouiller l’État de ces maigres ressources.
Aujourd’hui encore, nombreux sont ces mêmes écumeurs qui tournent dans les structures de l’Etat pour enlever des marchés de plusieurs centaines de millions de FCFA, mettant ainsi en chômage les véritables opérateurs économiques.
En tout cas, le jeune ministre des Finances, sorti du sérail de la Banque Mondiale, est déterminé à ne pas céder au chantage honteux. Il campe sur sa position: «L’Etat n’a pas à payer ce qu’il ne doit pas».
Nos investigations continuent pour publier les noms de tous ces fournisseurs qui veulent voler l’Etat, afin qu’ils soient démasqués.