NIAMEY - "On ne nous a rien dit, on ignore tout de notre
sort", lâche Hamid. Cantonnés près de Niamey, les quelques centaines de
soldats maliens qui, comme lui, ont fui au Niger devant rebelles touareg et
islamistes armés du nord du Mali, attendent de connaître leur avenir.
"On mange, on dort, un peu de sport et c`est tout: nous ne savons rien sur
ce que demain nous réserve", chuchote ce jeune militaire, la tête enveloppée
d`un turban vert. Comme ses compagnons interrogés par l`AFP, il préfère ne pas
donner son identité complète, consigne de silence - passée par leurs chefs -
oblige.
A Saguia, village à quelques kilomètres au sud de la capitale nigérienne,
ces 400 à 500 soldats maliens, en majorité touareg, vivent depuis début mai
sous des tentes aménagées sur une zone militaire au bord du fleuve Niger.
Ils étaient dirigés par le colonel Alaji Ag Gamou, qui fut un pilier de
l`armée malienne dans le Nord mais avait fui fin mars face aux rebelles
touareg du Mouvement national de libération de l`Azawad (MNLA). Depuis bientôt
deux mois, l`immense région nord est sous le contrôle de groupes armés: le
MNLA et le mouvement islamiste Ansar Dine, qui ont annoncé samedi leur fusion,
ainsi qu`Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Le colonel-major Ag Gamou avait d`abord pris position avec ses hommes dans
la zone de Labezanga, dans l`ouest du Niger, près de la frontière avec le
Mali. Avant d`arriver à Niamey, ses éléments ont été désarmés, selon une
source sécuritaire nigérienne.
Accès interdit au camp, gardé par des gendarmes nigériens. Hamid fait
quelques pas devant l`entrée. "On s`ennuie trop. Dans le désert on est libre,
ici c`est un vase clos, on veut partir", confie Alhassane, l`un de ses
compagnons. "Il faut que les ordres tombent vite du sommet", lâche-t-il.
Tout près, des soldats discutent avec un vendeur de vêtements, d`autres
forment un cercle autour d`un vendeur de viande grillée.
pas "d`autre choix que la fuite"
Depuis l`extérieur, on voit des soldats assis ou couchés sur le sol devant
leur tente. D`autres font un jogging.
"Nous n`avions d`autre choix que la fuite", la "puissance de feu" du camp
adverse était "supérieure", raconte Hamid, qui ne s`étend pas sur la débandade
des soldats du Mali.
Agali porte toujours sa tenue militaire. Turban marron autour du visage, ce
soldat d`une vingtaine d`années accuse le capitaine Amadou Haya Sanogo, auteur
du putsch du 22 mars à Bamako qui a précipité la chute du Nord malien, d`être
responsable de la "déconfiture du Mali".
"Il a tout +gâté+ (gâché, ndlr) au Mali", peste-t-il. "Pendant qu`il fout
la pagaille à Bamako, les islamistes gagnent du terrain au Nord".
Pour laver "l`affront", tous jurent comme un seul homme être prêts à
retourner au front "combattre les islamistes".
Hamid a son plan d`attaque. "Avec l`aide de la Cédéao (Communauté
économique des Etats d`Afrique de l`Ouest), si on ouvre un front à partir de
Bamako, un autre de l`Algérie et un troisième du Niger, et avec un important
soutien aérien, on est sûr de reprendre le Nord", ose-t-il.
Le Niger, confronté par le passé à des rébellions touareg, ne s`est
toujours pas publiquement expliqué sur la présence de ces soldats déserteurs
sur son sol.
Vendredi, des représentants du Collectif nigérien d`organisations de
défense des droits de l`Homme et de la démocratie (CODDHD), venus visiter le
camp, se sont heurtés à un colonel malien, qui leur a refusé l`entrée malgré
l`accord donné par Niamey.
"Nous ne sommes pas des réfugiés, nous sommes des militaires maliens!", a
clamé le gradé.
Pour Kanny Anbdoulaye, coordonnateur du CODDHD, il est temps que le
gouvernement nigérien "clarifie le statut de ces militaires". "Cette présence
nous inquiète", dit-il à l`AFP.
Le colonel-major Ag Gamou avait dit dans un premier temps, fin mars,
rejoindre le MNLA. Une "ruse" pour échapper à l`ennemi, avait-il expliqué
après coup. Signalé ensuite au Burkina Faso, il a été reçu cette semaine par
les autorités algériennes, qui s`inquiètent de la crise chez leur voisin
malien.