PolitiqueNouhoum Tapily, Président de la Cour Suprême du Mali : ‘’ La mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation est fortement entamée par le terrorisme’
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Publié le vendredi 11 novembre 2016 | Le Républicain
Le Palais de la culture Amadou Hampâté de Bamako a abrité le jeudi 10 novembre 2016 l’audience solennelle de la rentrée des Cours et Tribunaux 2016-2016 placée sous le thème : « La contribution de la justice dans la lutte contre le terrorisme au Mali». Les travaux étaient présidés par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, en présence des membres du gouvernement, des chefs d’institutions, des diplomates accrédités au Mali et l’ensemble de la famille judiciaire. Les juges entendent jouer leur rôle dans la lutte contre le terrorisme mais pour cela, ils réclament des moyens conséquents. Au cours de cette cérémonie, le président de la Cour Suprême du Mali, Nouhoum Tapily a fait savoir que la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation signé et parachevé à Bamako les 15 mai et 20 juin 2015, est fortement entamée par le terrorisme, qui au-delà de notre pays, affecte tous les pays du Sahel ou presque tous les continents.
« La contribution de la justice dans la lutte contre le terrorisme au Mali» est le thème choisi pour cette rentrée judiciaire 2016-2017. Comment le juge peut-il lutter contre ce mal planétaire qui sème la terreur et la désolation dans les villes et dans les campagnes et n’épargne aucune couche de la société ? Quelle est la place du juge dans le dispositif juridique et institutionnel de lutte contre le terrorisme au Mali ? Comment met-il en œuvre les moyens dont il dispose et avec quelle efficacité ? Ce sont les principales questions que soulève le sujet soumis à l’analyse. Après l’exécution de l’hymne national du mali, le président de la Cour Suprême, Nouhoum Tapily, a fait savoir que le thème de la rentrée judiciaire 2016-2017 s’inscrit dans la logique des sujets de préoccupation nationale. « Clé de voûte de l’Etat de droit, la justice apparait, de toute évidence, comme un rempart dans la croisade contre le terrorisme. Le rôle qui doit revenir à la justice dans la lutte contre le terrorisme est une question qui n’est pas sans soulever des controverses. Certes, l’objectif primordial des stratégies antiterroristes doit être de prévenir des actes de terrorisme, mais il n’en demeure pas moins que, fréquemment, les systèmes de justice savent mieux, intervenir et réprimer l’acte déjà commis que le prévenir », a-t-il dit. Avant d’ajouter que l’action de la justice peut aider à éviter une escalade de la violence et un recours à la force. Pour lui, l’on doit respecter l’état de droit et les droits de l’homme, même, face à la menace terroriste. « Notre pays a signé et ratifié plusieurs instruments juridiques internationaux de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Ainsi s’est-il doté de textes qui répriment les actes terroristes, son financement mais également et plus généralement d’instruments juridiques qui prennent en charge la répression de tout ce que renferme la criminalité transnationale. Il s’agit notamment de la loi N°2008-025 du 23 juillet 2008 portant répression du terrorisme et la loi N°10-062 du 30 décembre 2010 portant loi uniforme relative à la lutte contre le financement du terrorisme au Mali, abrogée et remplacée par la loi N°2016-008 du 17 mars 2016 portant loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme », a-t-il dit. Malgré ces mesures, poursuit-il, la persistance de l’insécurité, particulièrement dans la partie nord et le centre du territoire national, permet d’entrevoir ou de comprendre, la gravité de la menace terroriste et de la criminalité transnationale organisée sur la stabilité de l’Etat du Mali et de la sous- Région. C’est pourquoi, indique-t-il, le Pôle Judiciaire a été créé pour prendre en compte le traitement des infractions concernées. A l’en croire, si l’on veut que la justice puisse jouer son rôle de prévention de la violence terroriste, il faut élaborer une stratégie conjuguant judicieusement, criminalisation, pouvoirs et méthodes d’enquête, règles appropriées en matière de preuve et de coopération internationale. « Pour l’Institution judiciaire Malienne, il ne fait aucun doute, que le sacerdoce sera accompli dans cette lutte implacable contre le terrorisme afin que règnent la paix, la sécurité et le développement », a conclu le président de la cour suprême.
Les juges déplorent la libération de certains terroristes
A sa suite, le Rapporteur du thème, Mahamadou Yattara, Substitut au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune I du District de Bamako a fait un long exposé. Il définit le terrorisme comme étant un ensemble d’actes de violence (attentats, prises d’otages etc…) commis par une organisation pour créer un climat d’insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, ou satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays ou d’un système.
Dans son exposé, il a fait savoir que des centaines de dossiers concernant d’actes terroristes ont été instruits par la justice malienne et d’autres sont en cours d’instructions. Bien que des efforts aient été faits dans la lutte contre le terrorisme, néanmoins, le rapporteur a mis l’accent sur les insuffisances d’ordre opérationnel et textuel. Il a souhaité des moyens financiers, humains et matériels dans la lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, il a déploré la libération de certains terroristes. « La répression du terrorisme au Mali souffre de l’implication d’autres facteurs qui échappent au contrôle du juge. Des terroristes notoires arrêtés ont été libérés, des mandats d’arrêts décernés ont été levés, tous pour des considérations moins juridiques, et cette attitude a pour conséquence de décourager les acteurs engagés dans la lutte contre le terrorisme », a-t-il dit.
Dans son réquisitoire, le ministère public a recommandé la création de cadres d’échanges et de concertation entre les différents acteurs impliqués dans la lutte contres les terroristes. Solidaires et engagés dans la lutte contre le terrorisme, le bâtonnier de l’ordre des Avocats du Mali, Seydou Sidiki Coulibaly a précisé que les avocats du Mali resteront attentifs au respect des droits de l’homme. Quant au président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta qui assurait la police des débats, il a fait savoir que la contribution de la justice dans la lutte contre le terrorisme est essentielle et incontournable. Enfin, il a promis à ce que les juges aient plus de moyens dans la lutte contre le terrorisme. En outre, il y a eu la signature du plumitif par le président IBK.