La lenteur dans l’octroi de l’autorisation de mise des MTA sur le marché menace d’anéantir l’espoir de certains laboratoires
On prête à la médecine traditionnelle, et cela à juste raison, de nombreuses vertus. Cette pratique ancienne s’inscrit dans la complémentarité avec la médecine conventionnelle et reste bien acceptée par les différentes communautés. De l’avis d’experts et autres professionnels de la santé, près de 80% de la population ont recours à cette médecine.
Ce constat est admis et partagé par tous puisque quelque soit le statut social, le niveau d’instruction et le sexe, chacun a eu recours à ces vieilles recettes de grand-mères sur d’autres plantes médicinales pour vraiment se soigner.
Notre pays a même accompli de gros efforts pour valoriser la médecine traditionnelle, à travers la création du département de médecine traditionnelle qui reste dans le giron de l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP).
Ce département a mis au point plus d’une bonne demi-douzaine de médicaments traditionnels améliorés (MTA). Ceux-ci sont vendus dans les officines pharmaceutiques de la place. C’est le décret 04-557/P_RM de décembre 2004, qui a institué l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments à usage humain et vétérinaire. Ses textes ont été adoptés pour amener les fabricants de médicaments à s’inscrire dans une démarche qualité et produire des médicaments qui répondent aux exigences requises pour la consommation des produits pharmaceutiques y compris les médicaments traditionnels.
Aujourd’hui l’acquisition de cette AMM semble être un casse-tête pour les laboratoires et chercheurs qui évoluent dans la fabrication des MTA. La lenteur constatée dans l’octroi de cette autorisation menace d’anéantir l’espoir de certains laboratoires qui ne demandent qu’une simple application des textes, régissant la médecine traditionnelle, dans notre pays. C’est le cas du laboratoire Phyko. Cet établissement de recherche en médecine traditionnelle a fabriqué deux MTA.
Il s’agit du malariaphyko contre le paludisme et le gastryphyko, destiné à la prise en charge des gastrites. Il a constitué un dossier en bonne en due forme en vue d’acquérir une AMM pour ces deux produits. Le Pr Mamadou Koumaré, pharmacien, ancien directeur de l’Office malien de pharmacie d’alors, expert de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en matière de médecine traditionnelle et président de la Société malienne de phytothérapie, est responsable de ce laboratoire. Il dit ne pas comprendre la lenteur dans l’octroi d’une AMM pour ces produits.
Sa crainte se nourrit de l’incapacité des responsables de la Commission nationale des AMM à donner des explications convaincantes. La formule consacrée est : « le blocage se situe au niveau de la tutelle » comme pour incriminer le département de la Santé et de l’Hygiène publique. Une disposition du décret instituant l’AMM pour les médicaments à usage humain ou vétérinaire, stipule que la décision portant octroi, refus, retrait ou suspension de l’AMM est prise par le ministère en charge de la Santé après avis conforme de la Commission nationale des AMM. Le Pr Mamadou Koumaré déplore le retard dans le traitement des dossiers par la commission visa. Cet organe, normalement doit se réunir deux fois par an, mais il se trouve que pour des difficultés financières à faire face aux émoluments de ses membres, ces rencontres statutaires ne se tiennent plus.
Notre interlocuteur explique que toutes les actions entreprises par lui, sont restées vaines. Mêmes les correspondances adressées au département de la Santé et de l’Hygiène publique, dans ce sens, sont restées vraiment sans suite pour l’intéressé. Autre situation incompréhensible. Les services de la direction de la pharmacie et du médicament (DPL) et de l’Inspection de la santé, ont fait une inspection sur les lieux de fabrication des deux produits. Il s’agissait de s’assurer que les normes de bonnes pratiques pharmaceutiques sont bien respectées.
Ces services ont délivré le certificat de conformité qui a été joint au dossier et transmis à la Commission nationale des AMM. Celle-ci devrait également s’assurer de l’innocuité des deux MTA et autres exigences.
Mais depuis près de deux ans, le laboratoire Phyko prend son mal en patience en attendant qu’il y ait un avis motivé sur le dossier. Le Pr Mamadou Koumaré, est un féru de la science pharmaceutique traditionnelle. Il s’est attaché à la promotion de cette médecine, à travers la formation mais surtout la recherche. Il ne comprend pas la lenteur actuelle de l’AMM.
Y aurait-il un désintérêt pour les MTA ? En tout cas les textes précisent clairement que la Commission nationale des AMM, a mission d’examiner le rapport d’experts cliniciens, analystes, toxicologues, pharmaciens et biologistes. Ce rapport de synthèse doit faire ressortir les avantages et inconvénients des médicaments pour lesquels la demande d’autorisation de mise sur le marché a été formulée. Donc les choses sont très claires. La commission doit, dans le délai requis, examiner les dossiers et se prononcer sans état d’âme.
Elle n’a pas à garder les dossiers pour l’éternité. Aujourd’hui, le challenge c’est de mettre les chercheurs, au défi de produire des médicaments de qualité et non de les bloquer dans leurs initiatives. Il est souhaitable que le visa soit bien accordé aux médicaments qui répondent aux normes pharmaceutiques requises. Mais que ceux qui ne sont pas conformes soient purement et simplement rejetés.