Le terme « génocide » (du grec « genos », race tribu, et du latin « cide », tuer) est généralement utilisé pour décrire un effort de destruction méthodique dirigé contre un groupe humain ciblé, dont les membres partagent une caractéristique définitionnelle donnée. Dans son sens le plus général, il décrit toute pratique visant à l’anéantissement délibéré d’un groupe, et par extension, l’extermination d’un grand nombre de personnes vulnérables, généralement en peu de temps. Son véritable sens, plus technique, est juridique, et s’emploie pour qualifier certains actes d’une gravité telle qu’ils constituent des comportements criminels aux yeux du droit international.
La notion juridique : le « crime de génocide »
Dans la foulée des exactions commises durant la Seconde Guerre mondiale, certains actes se sont vus élevés au rang exceptionnel de « crime de droit international », entraînant la responsabilité pénale individuelle des coupables et l’application à leur égard du principe de la compétence universelle. Le génocide appartient sans conteste à cette catégorie « d’atrocités qui défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine », menaçant de par leur gravité « la paix, la sécurité et le bien-être du monde » (préambule du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale).
Qu’est-ce qu’un crime de droit international ?
Ce terme, dont l’emploi demeure exceptionnel, est réservé à des comportements particulièrement répréhensibles, néfastes ou dangereux : la piraterie et la traite des esclaves constituent les premiers exemples de telles infractions. Ils constituent une violation particulièrement grave de normes de droit international et nécessite un effort de répression particulièrement vigoureux.
De par la structure même du droit international, cette répression, s’exerçant à l’égard d’individus devant individuellement répondre de leurs actes, a d’abord été diffuse : c’est aux États que revenait – et que revient encore – la charge de poursuivre et de châtier les coupables. Toutefois, la qualification internationale des crimes en jeu permettait une entorse au principe usuel exigeant un critère de rattachement du crime à l’État impliqué (crime commis sur son territoire, par ou à l’encontre de l’un de ses ressortissants, etc.) : en vertu de l’application de la compétence universelle, tout État était en droit d’arrêter les responsables et de les condamner en vertu de ses propres lois.
Le génocide, crime de droit international
Le génocide entendu comme acte criminel entraînant la responsabilité internationale du coupable a été définie pour la première fois dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, signée à Genève en 1948. Cette définition, reprise dans les statuts des tribunaux internationaux pénaux ad hoc établis par le Conseil de sécurité de l’ONU et intégrée à l’article 6 du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, se lit comme suit :
(…) le [crime de] génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : a) Meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
A l’issue des négociations entourant le texte de la Convention, les Etats ont renoncé à englober dans la définition le génocide politique ou culturel. Cependant, des actes similaires (commis de manière générale et systématique et dans le cadre d’une politique arrêtée) contre les membres de tels groupes constituent sans aucun doute, et à tout le moins, des crimes contre l’humanité.
A l’instar du crime contre l’humanité, un génocide peut être commis sans égard aux circonstances – en temps de paix comme en temps de guerre – et est frappé d’imprescriptibilité : le crime pourra être poursuivi en tout temps, sans limite fixée au dépôt d’une poursuite, garantissant l’intervention judiciaire contre l’érosion due au temps. Nul n’est censé pouvoir échapper à la répression, qui peut frapper les chefs de l’État comme les exécutants.
En outre, il importe peu que les actes punissables aient constitué une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés : « le fait que le droit interne ne punit pas un acte qui constitue un crime de droit international ne dégage pas la responsabilité en droit international de celui qui l’a commis ». (Principes de Nuremberg).
Certains comportements criminels associés au génocide sont également punissables à ce titre (l’entente, la complicité, la commande, l’assistance,…) dès lors qu’il y a commission ou tentative de commission du crime. Toutefois, l’incitation directe et publique à la commission d’un génocide constitue en elle-même une infraction, et ce même en l’absence d’actes ultérieurs.
Deux éléments essentiels doivent être établis afin que l’on puisse légalement qualifier un acte de « génocide » : un élément matériel, soit la commission de l’un quelconque des actes énumérés dans l’article cité ci-dessus, et un élément psychologique constitué généralement par l’intention coupable, dans ce cas particulier « l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». La preuve de ces deux éléments, parfois difficile, est nécessaire pour obtenir une condamnation pénale sous le chef de génocide.
Dans l’intention de détruire (…) un groupe
La violence génocidaire est formulée et commise par des individus, mais les actes doivent s’intégrer dans un plan systématique visant la destruction du groupe, ou à tout le moins à un tissu d’actes similaires dont il sera possible d’inférer une intention génocidaire. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de rattacher le programme de destruction à la politique d’un Etat, si tant est qu’un autre groupe organisé (organisation internationale, gouvernement sub-national, milices, organisation terroriste, puissance occupante, etc.) peut remplir ce rôle, en autant qu’il puisse raisonnablement disposer des moyens requis pour imaginer mener à bien l’entreprise.
Dans l’intention de détruire (…) un groupe (…) comme tel
L’acte commis doit en outre l’être dans l’intention explicite de détruire le groupe, et conçu pour favoriser la réalisation de cet objectif. Le génocide est dirigé contre le groupe en tant qu’entité : les actions qu’il entraîne sont menées contre des individus, non en raison de leurs qualités individuelles, mais uniquement parce qu’ils sont membres du groupe visé. Ainsi, la victime ultime du crime n’est pas l’individu, mais le groupe. Ce dernier est par ailleurs le plus souvent défini et circonscrit par les agresseurs, sans qu’il soit nécessaire de manifester de sentiment d’appartenance ou même de choisir (ou de nier) son rattachement.
Dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe
Point n’est besoin de planifier l’éradication de la population choisie dans son ensemble ou à l’échelle du globe. La portion ciblée par les coupables doit être vue comme une entité distincte et marquée pour annihilation en tant que telle. On doit pouvoir déceler l’intention d’en éliminer sinon l’ensemble, du moins une partie substantielle au-delà de laquelle la viabilité du groupe est atteinte. Il en va de même lorsqu’on a, pour ce faire, identifié les dirigeants ou autorités socio-culturelles les plus significatives.
Il n’y a pas de seuil quantitatif de victimes : ainsi, il est concevable que le meurtre d’une seule personne puisse donner lieu à une accusation de génocide, si l’on peut prouver l’intention requise associée à sa commission ; inversement, un massacre de masse peut échapper à la qualification de génocide si cette intention est absente ou ne peut être prouvée. Ceci peut créer des problèmes de compréhension, notamment au sein du grand public.