Six malades ont été opérés à cœur ouvert en septembre dernier au Mali. Ces opérations, les premières dans le pays, ont eu lieu grâce à l'initiative humanitaire ''Caravane à cœur ouvert'', lancée par des médecins marocains et maliens.
L'une de ces opérations, à laquelle nous avons pu assister, s'est déroulée à l'Hôpital de Bamako, la capitale malienne. Selon le professeur Zebra Driss, chef du service de chirurgie cardiaque et vasculaire du centre hospitalier universitaire (CHU) de Marrakech, elle a consisté "à arrêter le cœur, enlever une valve malade et la remplacer par une valve synthétique".
"Pendant la phase de l'arrêt cardiaque, le cœur est pris en charge par ce qu'on appelle la circulation extracorporelle, un cœur-poumon artificiel'', explique le médecin marocain.
L'opération a duré six heures. Les patients ont été ensuite transportés dans une salle de détente, où ils sont restés durant leur convalescence, qui a duré plusieurs semaines.
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Le médecin Zebra Driss, du CHU de Marrakech, fait partie de l'équipe médicale marocaine qui a effectué les premières opérations du cœur au Mali.
La "Caravane à cœur ouvert" est le fruit d'une initiative entre l'Hôpital de Bamako, le CHU de Marrrakech et le Club des amis de Tombouctou, présenté par ses membres comme une association à but non lucratif.
Les médecins maliens, dont c'était le baptême du feu, apprécient cette coopération entre le Mali et le Maroc. Le cardiologue malien Nouhoum Ouologuem dit avoir appris ''beaucoup de choses" grâce à la collaboration avec ses confrères marocains.
"Nous avons suivi les patients depuis le début de la maladie. Au bloc opératoire, nous avons vu comment ça s'est passé. Et nous sommes vraiment outillés pour mieux suivre les patients en phase postopératoire. Nous avons appris beaucoup de choses'', a commenté le docteur Ouologuem.
Si l'Etat pouvait mettre en place une unité ici, au Mali, pour soigner cette catégorie de maladies, ce serait vraiment une chance pour les malades.
Sokona, la soeur d'une patiente
Les parents des malades étaient enthousiastes. Adiaratou, assise sous un hangar, dans la cour de l'Hôpital de Bamako, près de la salle réservée aux malades en convalescence, n'est pas autorisée par les médecins à aller voir son fils, mais elle affiche une mine souriante.
"L'enfant avait vraiment mal au cœur. Il piquait régulièrement une crise et ne pouvait pas travailler. Il ne pouvait même pas marcher sur une longue distance. Au fur et à mesure qu'il grandissait, la maladie s'aggravait (…) On n'avait pas les moyens de l'évacuer à l'étranger", se souvient Adiaratou.
"Dieu merci, il a été opéré sans frais. De l'analyse à la prise en charge de la convalescence, en passant par l'opération, tout est gratuit'', se réjouit-elle.
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Les opérations du cœur ne sont pas possibles au Mali, à cause du sous-équipement des établissements de santé et de la faiblesse des compétences médicales.
Sokona, elle, est la sœur d'une autre malade, qui souffrait depuis plusieurs années. "C'est un sentiment de joie. Vraiment, c'est un miracle pour nous. La maladie de ma sœur a été diagnostiquée quand elle n'avait que 13 ans. Maintenant, elle en a 29. Quand elle avait des malaises, on allait à l'hôpital et on lui donnait juste des médicaments pour la soulager. Cette opération était nécessaire", rappelle Sokona.
"On salue le Club des amis de Tombouctou et l'équipe médicale marocaine. Si l'Etat pouvait mettre en place une unité ici, au Mali, pour soigner cette catégorie de maladies, ce serait vraiment une chance pour les malades'', poursuit-elle.
A cause de la pauvreté, très peu de Maliens peuvent payer une évacuation sanitaire à l'étranger. De nombreux malades meurent au Mali, faute de moyens de se faire soigner.
Selon des études menées en 2012-2013 à l'hôpital de Ségou, les maladies cardiovasculaires représentent 18 % des motifs des consultations, et environ 22 % à l'Hôpital de Bamako, selon une étude effectuée entre 2000 et 2004.
Ilo Bella Diallo, un cardiologue du CHU du Point G
Les opérations du cœur ne sont pas possibles au Mali, non seulement à cause du sous-équipement des établissements de santé, mais aussi en raison de la faiblesse des compétences médicales du pays, qui n'a que 50 cardiologues pour ses 16 millions d'habitants.
Au Mali, les maladies du cœur sont assez fréquentes, selon des statistiques officielles.
Ilo Bella Diallo, cardiologue au CHU du Point G, un quartier de Bamako, signale que des études ont été menées dans différents centres hospitaliers universitaires et des hôpitaux régionaux du pays.
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Une partie des équipements avec lesquels ont été effectuées les opérations du cœur.
"Nous avons mené une étude en 2012-2013 à l'hôpital de Ségou (centre-est), où les maladies cardiovasculaires représentent 18 % des motifs des consultations. A Bamako, des études menées au CHU du Point G entre 2000 et 2004 ont montré que le taux de prévalence de ces maladies avoisinait 22 %. Les maladies nécessitant une opération du cœur sont fréquentes (…) au Mali'', explique M. Diallo.
Il n'y a pas encore suffisamment de cardiologues, même si une formation en cardiologie est dispensée dans le pays depuis 1999. Pour accéder à cette formation, il faut d'abord passer sept années d'études en médecine générale.
En attendant une amélioration de la prise en charge des patients souffrant des maladies du cœur, les Maliens souhaitent la vulgarisation de l'initiative ''Caravane à cœur ouvert''.
La cardiologie n'est pas le seul ''parent pauvre'' du système de santé du Mali, où les travailleurs de la santé vont souvent en grève pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail.