Les élections communales du 20 novembre 2016, conduites au forceps, alors que leurs issues incertaines n’étaient qu’un secret de Polichinelle, ont produit les résultats prévisibles. Outre les pratiques honteuses d’achat de vote, consistant à distribuer de l’argent aux électeurs contre leurs votes, certains hommes politiques, qui avaient certainement amassé de l’argent pour les besoins de la cause ont pu se livrer à leur sale besogne sans être inquiétés. Au nord du pays, ou à Mopti au centre, ainsi qu’à Ségou à 250 km de Bamako, des actes criminels ont été commis causant des pertes en vies humaines, la destruction de matériels électoraux.
Après quatre reports de ces élections communales, à cause de l’insécurité et l’absence du pays de plusieurs électeurs refugiés dans les pays voisins, on savait pourtant qu’au 20 novembre la situation sécuritaire ne s’était pas améliorée, et qu’au contraire, elle s’était dégradée drastiquement. En plus, des parties signataires de l’accord de paix avaient menacé de troubler ces consultations communales, si le gouvernement ne revoyait pas sa copie. De son côté, l’opposition, sans boycotter les communales, a crié sur tous les toits la nécessité d’un consensus à travers des concertations nationales impliquant gouvernement, classe politique (majorité et opposition), société civile et militaires, pour baliser la voie du Mali de demain. Programmées au moment où la situation sécuritaire échappe à tout contrôle, et alors qu’il n’y a aucune assurance du bon déroulement d’un scrutin crédible, que les manifestations quotidiennes de la mal gouvernance crèvent les yeux, pouvait-on mieux attendre de ces élections ?
Ainsi là où le bruit des armes, n’a pas empêché le scrutin, c’est des espèces sonnantes et trébuchantes qui ont inondé les centres pour s’octroyer la victoire en achetant les voix des citoyens appauvris pas une gouvernance chaotique de l’Etat.
Le pouvoir n’a pas prêté une oreille attentive aux suggestions ni de l’opposition qui craignaient une « fraude généralisée en faveur du parti au pouvoir : le RPM », ni des Organisations de la Société Civile comme l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali (OBSERVATOIRE), une plateforme de 36 Organisations Non Gouvernementales (ONG) et Associations de la société civile, qui recommandait, avant la tenue des municipales, « une meilleure sécurisation des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national, un retour effectif de l’Administration dans les localités où elle est absente, un retour des réfugiés et des déplacés pour leur pleine participation aux échéances électorales ». De même, des irrégularités constatées au niveau des spécimen et des bulletins de vote n’ont pas été réparées.
La région de Kidal et plusieurs communes dans les régions de Tombouctou, Gao, Mopti et Ségou n’ont pu accomplir leur devoir civique parce que la situation échappe à tout contrôle. Dans ces localités du nord des groupes armés ont manifesté contre le scrutin, le matériel électoral a été saccagé ou confisqué.
Elections endeuillées
Ces élections ont été ensanglantée et dramatique. Une dizaine de soldats maliens trouvent la mort dans le Centre et le Nord, en cette journée électorale. Une attaque des assaillants armés près de Bambara Maoude, dans la région de Tombouctou, contre les forces de défense et de sécurité maliennes chargées de sécuriser les élections, a fait cinq victimes et plusieurs blessés, selon un communiqué de la Minusma. Le même soir, un convoi des Famas transportant du matériel électoral a été attaqué par des assaillants à une trentaine de kilomètres de Douentza, faisant cinq morts.
Dans un communiqué de presse signé le 21 novembre 2016 par trois mouvements armés de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), à savoir, la Coalition des peuples pour l'azawad (Cpa) ; la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (Cmfpr2) et le Mouvement pour le salut de l'azawad (Msa) regrettent les actes d'intimidation et de vandalisme, mais aussi la défaillance du dispositif sécuritaire qui n'a pas permis le déroulement du scrutin dans toutes les communes. Ils appellent le Gouvernement du Mali à poursuivre ce processus électoral dans les communes où cela n'a pas été possible et mettre en place dans les meilleurs délais les conditions d'une Gouvernance (Création des collectivités territoriales) des régions de Ménaka et de Taoudéni.
L’appel au dialogue de l’UE
Le Porte-parole de l’Union européenne a déclaré au lendemain du scrutin que « les élections locales tenues le 20 Novembre au Mali constituent une étape importante dans la normalisation de la situation dans le pays. Une partie des électeurs, en particulier dans le nord du pays, n'a pas eu la possibilité de s'exprimer par la voie des urnes notamment à cause des conditions sécuritaires » a-t-il déploré. Selon l’Union européenne, « il est essentiel que tous les acteurs maliens restent engagés dans le dialogue et dans les efforts pour avancer dans la mise en œuvre de l'accord de paix avec détermination, au profit de la stabilité et de la paix au Mali et dans la région du Sahel ».