Dans le cadre de son projet « jeunes-chômages-radicalisation» ,financé par l’Agence Japonaise pour la Coopération Internationale et le Centre de Recherche et de Développement International du Canada, l’Institut d’Etudes et de Sécurité(ISS) basé à DAKAR a mené une Etude sur l’engagement des jeunes maliens dans les rangs des djihadistes(de Mars à Juillet 2016 sur l’étendue du territoire malien), avec la collaboration de chercheurs Maliens dont le docteur Fodié TANDJIGORA ,sociologue, enseignant à l’université de BAMAKO qui nous a accordé cet entretien.
Que faut-il comprendre par radicalisation ?
Docteur Fodié TANDJIGORA : Malheureusement pour le cas du Mali, c’est la connotation religieuse qui a pris le dessus. On s’est rendu compte que beaucoup se sont radicalisés même dans le crime. La radicalisation est un comportement extrême qui peut être d’ordre politique, social, religieux ou dans toute autre activité, idéologie sans mesure.
Combien estimez-vous le nombre de jeunes radicalisés et quelles en sont les raisons ?
Docteur Fodié TANDJIGORA : quant au nombre de jeunes engagés, nous ne disposons pas de données fiables parce qu’il faut les dénombrer d’abord pour avoir une idée de ce qu’ils représentent. Les effectifs restent importants. Pour les raisons, celles qui reviennent assez souvent sont de nature sociologique, la marginalisation et la frustration de certaines communautés les ont conduites à rejoindre les rangs des djihadistes pour rehausser leur statut social et assurer leur protection. La faillite de l’Etat dans son rôle régalien de sécurisation des populations et de leurs biens a laissé un vide sécuritaire dans des zones comme le delta où le sentiment d’abandon pousse des jeunes à s’engager aux côtés des groupes radicaux. Le chômage oblige également quelques uns à coopérer avec les djihadistes comme des informateurs ou des poseurs d’explosifs pour gagner de l’argent. Nous avons noté aussi le motif religieux dans nos entretiens, mais, le référent religieux dans le contexte malien a moins d’importance dans l’engagement des jeunes, certains nous ont témoigné qu’ils ne prient même pas. Toutefois, une minorité des ex-engagés étaient émus par le discours religieux par manque de capacité de discernement. Ce sont ces différentes raisons que nous avons retenu dans notre enquête.
Quelles solutions proposez-vous pour lutter contre la radicalisation ?
Docteur Fodié TANDJIGORA : il faut renforcer l’autorité de l’Etat, pendant très longtemps l’Etat a compté sur l’esprit pacifique, voire pacifiste des citoyens, mais, avec les évènements que le Mali a vécus on s’est rendu compte que l’Etat n’était plus auprès des populations notamment celles du delta où le phénomène radical s’intensifie.
Il est important de trouver des alternatives économiques pour faciliter l’insertion des jeunes surtout ceux du septentrion bien que 60 à 70% des projets y soient localisés, la demande d’emploi reste forte.
Autre facteur essentiel, même si la religion n’est pas la cause principale de radicalisation dans le cas spécifique du Mali, la réglementation des prêches s’avère être une nécessité. L’Etat doit mettre en place un commissariat aux prêches, pour les cadrer et empêcher à tout le monde d’être prêcheur comme c’est le cas aujourd’hui.