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Rétrospective : Le discours pour la Côte d’Ivoire que n’a pas prononcé Laurent Gbagbo (suite et fin)
Publié le lundi 28 novembre 2016  |  Infosept
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« J’ai donc longuement réfléchi. J’ai repris les comptes. Devant les graves irrégularités constatées dans les régions sous contrôle des Forces nouvelles, de nombreux recours ont été déposés auprès du Conseil constitutionnel. Mais ces réclamations additionnées ne permettent pas de renverser le résultat. Quant à la suggestion du président du Conseil constitutionnel, elle est un signe d’amitié à mon égard, mais elle contrevient au code électoral accepté par tous.

La logique institutionnelle veut donc qu’Alassane Ouattara soit reconnu président de la République.
Je vais maintenant vous dire ce qui a emporté ma décision de ne pas contester davantage l’issue des élections. Le fait pour moi le plus marquant de cette séquence politique est le taux de participation. Dans toutes les régions du pays, les citoyennes et les citoyens se sont levés en masse pour aller voter. L’expérience du terrain et les reportages que nous avons pu voir à la télévision nationale ont montré qu’ils avaient conscience d’agir pour la paix et l’unité du pays. La plupart affirmaient sereinement vouloir respecter le verdict des urnes quel qu’il soit. J’en ai été frappé, car d’habitude notre vie politique inspire plutôt la défiance et l’exacerbation des appétits contraires. Nos États sont des pièces rapportées.Encadré : FOCCART JACQUES
(1913-1997)

« Homme de l'ombre », « éminence grise », « deus ex machina » : comme tous ces personnages mystérieux et transformés de leur vivant en légende, « Foccart l'Africain », mort le 19 mars 1997 à l'âge de quatre-vingt-trois ans, avait accumulé les surnoms au fil d'une longue carrière. Une vie surtout marquée par son influence en Afrique, d'abord au service du général de Gaulle, puis de Georges Pompidou, et enfin de Jacques Chirac. Ironie de l'histoire, Jacques Foccart est mort au moment même où l'un de ses « protégés » les plus controversés, le maréchal Mobutu, devait quitter le pouvoir au Zaïre sous la pression d'une guérilla francophobe.

Jacques Foccart est né à Ambrières (Mayenne), en 1913. Il passe sa petite enfance aux Antilles, où il reviendra plus tard, au lendemain de la guerre, pour les besoins de la Safiex, une entreprise d'import-export de bananes et de fruits exotiques qu'il a conservée jusqu'en 1991. Ainsi a-t-il toujours gardé son indépendance économique. « Il était aux ordres du général, mais il ne dépendait pas de lui », a fait remarquer Alain Peyrefitte. La Seconde Guerre mondiale le surprend en Mayenne, où il est concessionnaire et exportateur pour Renault. Il monte un réseau de résistance, termine avec le grade de lieutenant-colonel, mais il ne rencontre de Gaulle qu'en 1945. Lorsque le fondateur de la France libre quitte le pouvoir, il lui demande de participer à la création du R.P.F. Il y est spécialiste des questions coloniales. Dernier secrétaire général du Rassemblement du peuple français, où il succède à Louis Terrenoire, Jacques Foccart aura, à la fin de 1954, la pénible tâche de mettre un terme à cette aventure.
Mais les liens entre les deux hommes ont été établis ; ils ne se distendront plus. En 1953, Jacques Foccart, qui est conseiller de l'Union française, organise deux grandes tournées en Afrique pour le général.

Universalis
Ils sont la mauvaise copie d’institutions nées d’une autre histoire, par le génie d’autres peuples, mues par des raisons que nous avons du mal à partager parce qu’elles nous ont été inoculées par la force. L’État, nous le savons tous, peu y voient le représentant de l’intérêt général et beaucoup de ceux qui en ont l’occasion s’en servent et s’y servent sans scrupule. Mais nous sommes coincés. Sous l’empire de l’Occident, l’État à l’occidentale est devenu la seule forme réputée légitime de représentation des peuples. Les vieilles institutions par lesquelles nous nous gouvernions ont perdu leur capacité politique. Je peux envoyer mon cousin en ambassade chez mon voisin, pas à l’ONU. On ne reviendra pas sur cet état de fait et nous devons faire avec 83 % de votants au premier tour, un peu moins au second, c’est une donnée nouvelle.

Les Ivoiriens ont eu confiance, sinon dans l’État, au moins dans la règle du jeu que constitue le suffrage majoritaire. Ils ont pensé que cette façon de faire permettait de s’entendre sans s’aligner les uns sur les autres. Ils ont voté comme ils sont, c’est-à-dire avec en eux les sédiments d’anciennes institutions que souvent l’Occident caractérise avec mépris comme « ethniques » voire « tribales », mais qui sont notre patrimoine politique. Statistiquement, les Dioulas n’ont pas voté comme les Bétés. Mais les Dioulas comme les Bétés sont allés au vote en se disant : demain, nous saurons qui, du parent des Bétés ou du parent des Dioulas, sera le président des Dioulas, des Bétés et de tous les autres. Ce faisant, nous avons commencé à investir une pratique politique venue d’ailleurs avec un contenu qui nous appartient. En votant si nombreux, dans une si belle disposition d’esprit, notre peuple a fait l’Histoire. Je ne veux rien entreprendre qui contribue à éteindre cette fragile étincelle, car elle porte en elle la construction d’institutions nationales respectables et respectées. Or sans de telles institutions, nous sommes désarmés face aux puissances qui nous aiment soumis.

Nos élections ont-elles été parfaites ? Loin de là ! Il faudra du temps, de l’expérience, du civisme, de l’abnégation et beaucoup de ténacité pour que de tels processus deviennent irréprochables, pour qu’ils prennent la couleur de nos âmes, pour qu’ils contribuent à nous donner vraiment une voix qui soit nôtre, une voix capable de couvrir les siècles d’humiliations. Mais aussi maladroit soit-il, je n’ajouterai pas d’embûche à ce premier pas.

Mes chers compatriotes, je quitte la présidence, mais pas l’action politique. Les idées d’indépendance, de souveraineté et de liberté pour lesquelles je me suis engagé dans l’action publique restent d’actualité. Comme je vous l’ai expliqué durant la campagne, je ne crois pas qu’Alassane Ouattara soit le mieux placé pour les faire vivre. Mais la règle du jeu en fait notre président et je prie Dieu qu’il conduise le pays vers la paix, l’union et la prospérité.
J’appelle notre peuple à respecter ce choix. Je l’invite aussi à faire entendre sa voix dans toutes ses composantes, avec toutes ses opinions. Chers compatriotes, je serai un citoyen loyal et un opposant résolu.
Vive l’Afrique, vive la Côte d’Ivoire ».
Youssouf Sissoko
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