Le Mali, comme la plupart des autres pays du continent africain, connait une croissance soutenue de 5% par an en moyenne. Malgré cette «croissance», les pays du continent continuent de présenter des niveaux extrêmes de pauvreté et d’inégalité qui ont trait aux revenus, aux patrimoines, à l’accès à l’école, à la santé et à l’emploi.
Ces inégalités sont devenues des enjeux majeurs au point qu’elles interpellent aujourd’hui le système actuel.
En Afrique, selon les chiffres de la Banque mondiale, l’accès à l’enseignement supérieur y est estimé à 7%, le taux moyen de pauvreté est estimé à 40%, où cette frange de la population vit avec moins de 1,25 dollars par jour. Et, le risque de mortalité chez les enfants de moins de un an y est le plus élevé au monde avec 59 décès pour 1 000 naissances. En outre, 621 millions d’africains n’ont pas accès à l’électricité malgré les vastes réserves de pétrole, d’énergie solaire et hydraulique dont dispose le continent. Cette situation laisse de nombreux jeunes africains sans meilleure alternative que de s’aventurer sur les routes périlleuses de l’émigration, notamment vers l’Europe. D’autres se tournent vers la radicalisation, qui se nourrit du désespoir et du désœuvrement. Il faut corriger cette trajectoire.
Aujourd’hui, les niveaux d’investissement dans les secteurs de l’éducation et de la santé, avec 5% et 15% du PIB respectivement, sont trop faibles pour créer un capital humain suffisamment qualifié pour rattraper le niveau des pays avancés. Pour augmenter les ressources intérieures et faire face à ces besoins accrus d’investissement, les Etats africains doivent avant tout améliorer le système de collecte des recettes fiscales. En effet, une amélioration de 2% de la pression fiscale débloquerait un montant qui dépasserait le volume de l’aide internationale. Au demeurant, une grande partie de ces fonds sont gaspillés en raison de la corruption.
L’Etat doit également chercher à améliorer la fiscalité appliquée aux multinationales, dont les profits qui peuvent être de l’ordre de 10% du PIB du pays hôte sont en grande partie rapatriés dans les pays d’origine ou vers des paradis fiscaux.
L’Afrique doit également capitaliser sur ses atouts qui peuvent lui permettre de jouer un rôle de premier plan dans le monde globalisé.
L’un de ces atouts pour le continent reste sa démographie. Il est estimé que la population africaine atteindra 4,4 milliards d’ici 2100. Le nombre de villes africaines dépassant le million d’habitants atteindra 100 en 2030. Ces chiffres nécessitent que l’on fasse des changements dans le modèle de production agricole pour répondre aux besoins alimentaires. Il faut miser sur l’industrialisation, la mécanisation, l’accroissement des services et la formation professionnelle comme sources de création d’emploi et de développement.
L’autre atout reste le domaine de l’entreprenariat. En 2014, selon la Banque mondiale, 26% des africains ont créé des entreprises, comparé à 7,4% en Europe et 13,4% aux Etats-Unis. Ces entrepreneurs ont besoin du soutien de l’Etat pour améliorer l’environnement des affaires, la protection des biens et des personnes et l’accès à un service bancaire adapté pour favoriser l’investissement et la création d’emploi qualifié.
La transition énergétique est aussi un domaine dans lequel l’Afrique peut et doit jouer un rôle important. En effet, le changement climatique a un impact dévastateur, non seulement sur l’environnement, mais aussi sur l’économie. Cela représente dans certains pays des pertes allant jusqu’à 25% du PIB. Une croissance verte fondée sur l’efficacité énergétique améliorera la qualité de vie et créera des millions d’emplois dans un continent qui regorge de ressources naturelles.
Enfin, les technologies de l’Information, de la communication et les innovations peuvent mener le continent africain sur une croissance tout en brisant les inégalités actuelles existantes. Car, il est à noter que l’Afrique compte de nos jours environ 850 millions usagers de téléphonie mobile, 200 millions d’internautes et 120 millions de personnes inscrites sur Facebook. Cet essor technologique est en train de changer la manière dont les africains conduisent leurs affaires, en facilitant l’accès au marché et à l’information. En outre, les réseaux sociaux ont un impact sur la société, car ils sont devenus un moyen d’exercer une pression de la redévabilité des élites. La croissance économique en Afrique ne profite encore qu’à une élite. Il urge d’œuvrer pour renverser cette tendance.
En somme, l’Afrique, qui peut aujourd’hui ajuster sa stratégie pour rattraper son retard, doit saisir cette opportunité pour bâtir une économie politique orientée vers la réduction des inégalités et l’éradication de la pauvreté tout en conservant certains de ses mécanismes de solidarité et ainsi éviter de tomber dans les travers du néo-libéralisme.