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Insécurité : Le ministre Salif Traoré ne convainc pas
Publié le mardi 29 novembre 2016  |  Le Point
Séminaire
© aBamako.com par Androuicha
Séminaire de lancement du Projet Construire une Paix durable au Mali
Bamako, le 06 octobre 2016 au Grand Hôtel. La Coalition Nationale des Organisations de la Société Civile pour la Paix et la Lutte contre la Prolifération des Armes Légères (CONASCIPAL) a, en partenariat avec l`Institut Suédois de Recherche de la Paix (SIPRI) ouvert un séminaire dit de lancement du Projet: Construire une Paix durable au Mali: Contributions de la société civile aux politiques de sécurité des populations.
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Au lendemain des élections communales de dimanche, le ministre de la Sécurité était sur le plateau de radio Nièta pour répondre à un certain nombre de questions d’actualité. D’emblée, il faut dire que le journaliste, Diossé Traoré, est à féliciter puisqu’il n’a pas manqué de poser les vraies questions que les citoyens se posent.





La couverture sécuritaire des élections

Plus de 15000 agents ont été mobilisés, en plus du soutien de la Minusma. Au finish, « il y a eu certes des difficultés, mais le vote s’est déroulé dans la plupart des circonscriptions électorales », résume le général Salif Traoré, qui semble se satisfaire de l’une des pires élections organisées dans notre pays : 5 militaires tués, enlèvements, urnes détruites, populations intimidées, faible taux de participation, etc.



Terrorisme et insécurité généralisée : la tactique de l’analogie

« Le Mali n’est pas un cas particulier…C’est pareil partout… On vient de loin, beaucoup de choses manquaient, même si depuis, beaucoup a été fait déjà…Les terroristes, les bandits sont mieux armés aujourd’hui, ils détiennent des armes de guerre…Ce genre de bandits se trouve partout…etc. » dit en substance le général qui, comme les politiques face aux questions difficiles, trouvent la parade dans la situation qui se trouve « ailleurs ». Sauf que « ailleurs », ce n’est pas le Mali, et que lui a été choisi justement pour faire la différence avec son prédécesseur qui tenait quasiment le même discours. En somme, le bout du tunnel ce n’est pas pour bientôt.



Le racket de la police

« Il ne faudrait pas accuser tous les agents…Il n’y a pas de corrompus sans corrupteurs…Les usagers ne doivent pas accepter de donner de l’argent aux agents… S’ils sont en faute, ils doivent payer la contravention à l’Etat et non aux policiers… Mais lorsqu’ils sont pris, ils disent souvent qu’ils ne savaient pas. Celui qui dit ‘’je ne savais pas’’, qui ne connaît pas les règles de la circulation ne devrait pas être en circulation… »,explique essentiellement le ministre. Certes, il n’y a pas de corrompus sans corrupteurs, mais le ministre devrait savoir ou comprendre que « l’uniforme » n’est pas ou en tout cas ne devrait pas être assimilé au « citoyen tout venant ». Par ailleurs, tout le monde sait que, même lorsqu’un citoyen refuse de donner aux policiers leurs 1000 F, préférant se rendrepar exemple au GMS, pour payer trois à cinq fois plus, il est découragé voyant que pas un kopeck ne va dans les caisses de l’Etat. Il se serait tout simplement appauvri un peu plus au profit de quelques agents qui se partagent quotidiennement et allègrement la manne. Aussi, les agents n’hésitent-ils pas à accuser faussement les citoyens, rien que pour leur extorquer de l’argent. Et dans ce cas, c’est la parole du pauvre citoyen contre celle de celui qui se dit « assermenté » et qui est de facto « couvert » par une sorte d’immunité. « Un assermenté ne peut mentir », voudrait-on nous faire comprendre…



Libération prématurée des bandits : la justice en cause ?

Même s’il ne pointe pas un doigt accusateur sur la justice, le ministre explique clairement que c’est la justice qui décide de qui faut-il libérer, et qui maintenir en détention ou inculper. En d’autres termes, en suivant bien la logique du ministre, c’est la justice qui décide de libérer régulièrement ces bandits, qui viennent narguer leurs victimes peu de temps après ; d’où d’ailleurs la réticence de la population à coopérer avec un partenaire jugé finalement peu crédible. Pauvre population !



Le bandeau au visage des bandits : le flou

La population ne comprend pas en général pourquoi les bandits apparaissent toujours à la télévision le visage masqué. Aux explications du ministre, cela aussi relève de dispositions de la justice et des droits humains, selon lesquelles tout prévenu bénéficie de la présomption d’innocence tant qu’il n’a pas été jugé, reconnu coupable et condamné. Cela est vrai, sauf que les mêmes droits humains disent beaucoup d’autres choses (comme la surpopulation carcérale, la détention prolongée, la torture…) qui ne sont jamais prises en compte quand cela dérange. Et surtout, à notre connaissance, si l’on doit se référer aux pays dits démocratiques, les cas de flagrant délit ne doivent pas bénéficier de cette disposition de la présomption d’innocence. C’est à ce titre d’ailleurs que même le député pris en flagrant délit peut être emprisonné pendant un certain temps, en attendant que l’Assemblée nationale se prononce sur la levée ou non de son immunité.



Faut-il enfin croire à l’avènement d’une police efficace ?

« Rien ne sera plus comme avant ».Ce n’est pas le ministre qui parle, mais son directeur général adjoint, invité dernièrement sur le plateau de la radio Klédu. On a d’ailleurs fort envie de poser une question supplémentaire au cher DGA : Pourquoi est-ce maintenant que l’on décide que rien ne soit plus comme avant ? Qu’est-ce qui justifie maintenant et non plus tôt cette détermination ?



Loi de programmation de la sécurité

Le ministre d’ailleurs semble tenir le même discours, mais préfère mettre plus l’accent sur la nouvelle stratégie et tous les « efforts » en cours pour sécuriser les populations. Ces efforts ont notamment pour noms : augmentation des salaires, amélioration des conditions de vie et de travail, augmentation des effectifs, multiplication (et pérennisation selon le DGA) des patrouilles, opérationnalisation des Forces spéciales composées de policiers, gendarmes, gardes et militaires, etc. Le ministre a évoqué aussi la Loi de programmation de la sécurité sur la table du gouvernement et devant aboutir à une stratégie pour les 5 à 10 années prochaines.

Nous disons que tout ça, c’est bien, mais que le problème est moins dans les effectifs et les conditions de vie que dans la qualité des femmes et hommes appelés à assurer la sécurité des populations. En effet, difficile de recruter des « chômeurs de luxe » à Bamako ou dans les grandes villes, qui payent de l’argent en plus pour obtenir quelque chose qui relève essentiellement de la « vocation », et attendre de ceux-ci qu’ils se mettent véritablement au servicede la population. Ça ne rassure pas tout ça.



Sommet Afrique-France

Là où l’on peut être d’accord avec le ministre, c’est par rapport aux dispositions sécuritaires prises en vue de l’organisation très prochaine du Sommet Afrique-France. C’est d’ailleurs pour répondre à ce sujet qu’il a parlé du fameux projet de Loi de programmation de la sécurité. Sauf que notre accord tient moins au discours ministériel qu’au bon sens qui voudrait que la France elle-même s’occupe de cette question. Expérience oblige !

Sory Haïdara

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