L’ancien putschiste malien, accusé de complicité d’enlèvement et d’assassinat, comparaîtra aux assises ce mercredi. Un procès délocalisé à Sikasso, à 400 km de la capitale.
La date de son procès, Amadou Haya Sanogo l’a découverte en regardant la télévision, dans sa prison de Sélingué, à 140 km de Bamako. Le 30 novembre, jour de son 44e anniversaire, il ne sera pas aux côtés de ses proches, mais en train de s’expliquer, au fin fond du Mali méridional, à Sikasso, et à la barre d’une salle de spectacle transformée pour l’occasion en tribunal, sur le meurtre de 21 hommes.
Les faits remontent au début de son règne improbable. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2012, cinq semaines après le coup d’État de Sanogo et d’un quarteron de sous-officiers, des commandos parachutistes (les fameux Bérets rouges), fidèles au président déchu Amadou Toumani Touré, tentent de renverser les putschistes. C’est un fiasco. Il y a des blessés et des morts de chaque côté, et de nombreux prisonniers parmi les assaillants. Dans la nuit du 2 au 3 mai, 21 d’entre eux seront exécutés et enterrés dans une fosse commune.
Hommes à abattre
Au cours de l’instruction, celui qui se rêvait en « de Gaulle malien » n’a cessé de nier son implication. « C’est une chose d’avoir une responsabilité morale en tant que chef, c’en est une autre d’être directement impliqué dans un assassinat », résume son entourage.
Mais pour les juges qui ont signé, le 22 décembre 2015, l’arrêt de mise en accusation et de renvoi devant la cour d’assises, il ne fait aucun doute que « la décision prise d’enlever et d’exécuter les 21 Bérets rouges est une décision prise par les responsables » de la junte. Selon eux, Sanogo, qui « recevait les informations en temps réel » dans les heures et les jours qui ont suivi l’assaut, ne pouvait ignorer l’existence d’une liste d’hommes à abattre.
L’ancien capitaine, promu général peu avant sa chute, ne sera pas seul à la barre. Avec lui comparaîtront 17 coaccusés, dont l’ancien chef d’état-major des armées durant la transition, le général Ibrahim Dahirou Dembélé. Six hommes répondront du crime d’enlèvement et d’assassinat. Sanogo, lui, est accusé de complicité d’enlèvement et d’assassinat. Il encourt la peine de mort, mais on assure, en haut lieu, qu’elle ne sera pas requise et qu’il risque, au pire, la perpétuité. « Il y va de l’image du Mali », soutient-on à la présidence, où l’on a exigé « un procès exemplaire ».
Prêt à se défendre
S’agit-il d’une communication mûrement réfléchie ? Selon ses proches, Sanogo est impatient de pouvoir s’expliquer. Celui qui, depuis sa spectaculaire arrestation le 27 novembre 2013, a été trimbalé d’une prison à l’autre, de Bamako à Sélingué puis à Manantali et de nouveau à Sélingué, serait gonflé à bloc. « Il a un moral de fer. La santé est bonne. Il est prêt à clamer son innocence », assure un ancien collaborateur qui lui rend régulièrement visite. « On attendait ce procès », renchérit l’un de ses avocats, Me Mariam Diawara.
Les familles s’inquiètent pour leur sécurité.
Celle-ci appelle à « une forte médiatisation » de l’affaire et dit avoir demandé au parquet que les audiences soient diffusées en direct à la radio. Elle ne peut donc que « regretter » la délocalisation à Sikasso, à 400 km de Bamako. « Ce procès aurait dû se tenir dans la capitale », estime-t‑elle, pour une fois à l’unisson avec les avocats de la partie adverse. « Les familles s’inquiètent pour leur sécurité et se demandent comment elles se rendront à Sikasso », déplore ainsi Me Moctar Mariko, l’avocat des victimes, qui assure que certains de ses clients ont reçu des menaces de mort.