Pour le parquet général de la Cour d’appel de Bamako, toutes les conditions juridiques et techniques pour le procès de l’ex-capitaine Amadou Haya Sanogo et autres sont réunies.
Par L'Indicateur du Renouveau - 30 Nov 20160386
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Amadou Haya Sanogo sera jugé pour le charnier des militaires découvert en 2013
Le chef de l’ex-junte malienne, le général Amadou Sanogo.
Pour le parquet général de la Cour d’appel de Bamako, toutes les conditions juridiques et techniques pour le procès de l’ex-capitaine Amadou Haya Sanogo et autres sont réunies. Les avocats de l’ancien homme fort de Kati soutiennent le contraire. Explications.
C’est aujourd’hui dans la salle Lamissa Bengaly de Sikasso que s’ouvre le procès du chef de l’ex junte et autres. Le jugement qui porte sur la disparition forcée de 21 bérets rouges sur fond de polémique entre le procureur général et les avocats de la défense. Ces derniers dénoncent les conditions de la tenue du procès. Samedi lors d’un point de presse à la Maison de la presse, Me Tiéssolo Konaré a indiqué que la convocation a été notifiée à leur client le 11 novembre 2016 alors que la loi a prescrit un mois pour notifier un tel procès à l’accusé.
Selon lui, l’article 271 du code pénal a été violé. Aussi, il a fait savoir que l’audience à Sikasso est foraine et non supplémentaire. Ce qui ne permet pas à l’avocat d’être en contact avec son client. A Me Konaré de dire que l’Etat a violé encore l’article 283 en emmenant le procès à Sikasso. Aussi, selon Me Tiéssolo, le caractère des décisions de publicité juridique a été violé, car l’audience doit être publique.
A ses dires, les autorités judiciaires ont indiqué qu’il n’y a plus de places et de nombreuses personnes sont restées sans accréditation. Selon lui, si le droit est respecté, il n’y aura pas de procès à Sikasso, le 30 novembre 2016.
Quant à Me Issa Coulibaly, il a indiqué qu’il n’y a pas eu d’enquête préliminaire des témoins du général Sanogo. Il ajoutera que les dossiers des bérets rouges ouverts il y a plus d’une année n’ont pas encore atterri sur la table du procureur au niveau de la Cour d’appel.
Il dira que les avocats de la défense de Sanogo veulent que le procès se passe mais s’opposent à un huis clos, car c’est un procès de droit commun.
Ces critiques sont battues en brèche par le parquet de Bamako. Hier au quotidien L’Essor, le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Mamadou Lamine Coulibaly, a déclaré ceci : “Je vais être très clair et très affirmatif. Techniquement et juridiquement, toutes les conditions sont réunies pour le bon déroulement de ce procès. Toutes les formalités préalables obligatoires sont observées. Il s’agit notamment de la citation des accusés, du tirage au sort des assesseurs, de la notification de l’arrêt de mise en accusation des accusés, de la notification du procès-verbal de tirage, du dépôt des dossiers au greffe du tribunal du lieu où doit se tenir la session de la Cour d’assises. Toutes ces formalités sont observées sur le plan professionnel et juridique. Je peux vous assurer qu’on est fin prêt pour ouvrir ce procès”.
Les débats risquent d’être chauds ce matin entre les deux parties.
Rassemblés par Nabila Sogoba, envoyé spécial
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Les raisons du choix de Sikasso
Le procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Mamadou Lamine Coulibaly, a déclaré qu’”on a ouvert hier lundi une session de la Cour d’assises à Bamako. Comme on ne peut pas faire deux sessions au même endroit, nous avons donc décidé d’ouvrir une session supplémentaire de la même Cour d’assises à Sikasso. Nous avons choisi cette ville parce que c’est la capitale de la région administrative la plus peuplée, après Bamako. Puisqu’il faut rapprocher la justice des justiciables, on a dit que Sikasso est le meilleur endroit après Bamako pour tenir ce procès”.
Le parquet sûr de ses arguments
Le procureur Mamadou Coulibaly est convaincu disposer “de tous les indices, de tous les éléments de preuves nous permettant de faire un procès équilibré. On parle souvent du procès équilibré entre le parquet (c’est-à-dire l’accusation) et la défense (l’accusé). Nous nous engageons pour un procès équilibré et civilisé. Dans un procès, le dernier interrogatoire, c’est à la barre. L’accusation va apporter ses preuves, la défense va apporter ses preuves à décharge et la Cour sera là pour trancher. C’est ça le procès équilibré. A la date d’aujourd’hui, nous estimons que nous avons suffisamment des preuves et le jour venu nous allons les démontrer à la Cour”.
Le procès peut prendre des semaines
Sur la durée du procès, le procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Mamadou Lamine Coulibaly prévient : “On ne peut pas dire que le procès va prendre 10, 20 ou 40 jours. On peut seulement garantir que nous serons très respectueux des droits de la défense. Nous allons faire en sorte que les accusés et leurs avocats aient tout le temps nécessaire. La partie civile sera largement entendue. Tout comme la défense. Donc le procès prendra le temps qu’il faut. Il y a une date d’ouverture, mais il n’y a pas de date de clôture formelle”.
Tous les scénarios envisagés
Enfin, il dit avoir envisagé tous les scenariis : “Nous prévoyons tous les cas de figure. Les avocats de la défense ont le droit de demander le renvoi. Il faudra qu’ils arrivent à convaincre la Cour pour l’obtenir. Et si le parquet a des indices attestant que cette demande de renvoi ne doit pas prospérer, il va produire des éléments. La Cour va trancher. Je voudrai que les gens comprennent que l’essentiel pour le parquet est d’observer toutes les formalités préalables pour le bon déroulement du procès”, conclut-il.
PROCES DE SIKASSO : Rappel des faits et identités des prévenus
A la suite de la mutinerie au camp Soundiata Keita de Kati le 22 mars 2012, des militaires se sont dirigés sur le Palais de Koulouba, siège de la présidence de la République. Cette mutinerie s’est transformée en coup de force et a contraint le président Amadou Toumani Touré à présenter sa démission.
Une junte militaire conduite par le capitaine Amadou Haya Sanogo a proclamé la suspension des institutions de la République et a institué un Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE). L’accord de Ouagadougou pour la sortie de crise, signée le 6 avril 2012, a constaté la démission du président Amadou Toumani Touré et pris acte de la désignation de Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale, en qualité de président de la République.
Du 30 avril au 1er avril 2012, le Régiment des commandos parachutistes a, à son tour, tenté un coup de force contre les membres du CNRDRE, composés en grande partie de “bérets verts”.
C’est à la suite des violents affrontements qui s’en sont suivis que 21 “bérets rouges” ont été retrouvés ensevelis dans deux charniers situés à Diago.
Sur instruction du procureur général près la Cour d’appel de Bamako, le procureur de la République près le Tribunal de première instance de la Commune III du district de Bamako a ouvert une enquête qui a abouti à l’information judiciaire et à l’inculpation de 28 militaires, dont Amadou Haya Sanogo, pour enlèvement de personnes, assassinat et complicité.
Une ordonnance de transmission des pièces au procureur général est intervenue le 10 février 2015. Les infractions retenues à l’encontre des accusés, tous sous mandat de dépôt, à l’exception d’Ibrahima Dahirou Dembélé, Mohamed Issa Ouédraogo et Ibrahima Boua Koné, sont réprimées par les dispositions des articles 199, 200, 240, 24 et 25 du code pénal.
Sur les réquisitions du procureur général près la Cour d’appel en date du 23 juillet 2015, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako, par son arrêt n°585 du 22 décembre 2015, a ordonné un non-lieu à suivre à l’égard de huit 8 personnes et mis en accusations 18 personnes (dont une décédée) renvoyées devant la Cour d’assises.
La Cour d’assises devant juger Amadou Haya Sanogo et autres est présidée par Mahamadou Berthé. Il est assisté de deux conseillers en la personne de Boureima Gariko et Taïcha Maïga. Ces magistrats sont assistés de quatre 4 assesseurs tirés au sort.
Liste des accusés et chefs d’inculpation
Enlèvement et assassinat : Fousseyni Diarra dit Fouss, Mamadou Koné, Tiémoko Adama Diarra, Lassana Singaré, Cheickna Siby et Issa Tangara.
Complicité d’enlèvement et d’assassinat : Amadou Haya Sanogo, Bloncoro Samaké, Amassongo Dolo (décédé), Siméon Kéita, Oumarou Sanafo dit Kif Kif, Soïba Diarra, Christophe Dembélé, Amadou Konaré, Mohamed Issa Ouédraogo et Ibrahim Boua Koné
Complicité d’assassinat : Yamoussa Camara et Ibrahim Dahirou Dembélé.