Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article
Économie

Fers à béton : La qualité en question
Publié le jeudi 1 decembre 2016  |  L’Essor
Comment


Dans un édifice, l’acier est comparable au squelette d’un corps humain. Mais dans notre pays, les normes sont loin d’être respectées en ce qui concerne ce matériau de construction




Les fers à béton ne sont pas aux normes dans notre pays. Le constat est fait aussi bien par des citoyens lambda que par les professionnels du secteur des BTP. Lassana Diallo, un technicien de bâtiment, qui travaille au compte d’une entreprise familiale à Faladié, confirme. Mamadou Sacko aussi.

« Le non respect par les fabricants et les revendeurs des diamètres des fers à béton sur le marché malien est une réalité », souligne cet ingénieur en constructions civiles, chef d’entreprise et membre de l’Organisation patronale des entreprises du Mali (OPECOM). Il révèle qu’un membre de l’OPECOM, a déjà dénoncé cette anomalie dans une correspondance accompagnée des échantillons de fers incriminés. Le plaignant avait prélevé ces échantillons sur le marché pour démontrer que les diamètres des fers sont loin d’être aux normes.

Notre interlocuteur, un fin connaisseur des constructions civiles, est formel. Sur le marché, on fait passer des fers de diamètre 4 mm pour des 6 mm. Les 7 mm sont vendus aux prix des 7,5 mm et 8 mm. Certains vendent des fers de 9 mm et 9,5 mm en disant que ce sont des 10 mm. De façon générale, les diamètres des fers à béton ont été diminués de 1 à 0,5 mm.

Cette fraude à la dimension des fers à béton est très dangereuse et peut être à l’origine des nombreux effondrements d’immeubles constatés ces dernières années dans la capitale. Les spécialistes mettent en garde contre le non respect des normes des fers à béton.

Ils expliquent que le fer à béton dans un édifice est ce que représente le squelette dans un corps humain. « C’est grâce à l’acier que la structure tient parce qu’il transmet les charges au sol », explique l’ingénieur en constructions civiles, Mamadou Sacko.

A la suite donc de la dénonciation formulée par un membre de l’OPECOM, le président de l’organisation patronale des entrepreneurs, Ismaël Diallo, a officiellement saisi par écrit les autorités de tutelle, notamment le ministère de l’Equipement, des Transports et du Désenclavement, le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat et le ministère en charge du Commerce.

A l’époque, ce dernier département détenait le portefeuille de l’Industrie. Le but de la démarche était d’attirer l’attention des décideurs sur les dangers que représentent ces manquements aux normes des fers à béton. Selon Mamadou Sacko, des ébauches de solutions sont en cours avec notamment l’élaboration des normes maliennes sur la production de l’acier destiné à la construction des bâtiments.

Le spécialiste ajoute que les aciers à haute adhérence, communément appelés fer entrant dans la construction des édifices, peuvent être classés soit en se basant sur leurs caractéristiques mécaniques soit sur leurs diamètres nominaux. Le classement le plus connu par la population est celui qui se base sur le diamètre. Dans ce cas et selon la norme française A 35-016, on distingue les aciers de diamètres nominaux normalisés suivants : 6-7-8-9-10-12-14-16-20-25-32 et 40 mm. Quand on achète de l’acier chez le quincailler, on doit connaitre deux termes : « l’acier normalisé » et « l’acier commercial ».

Le commun des acheteurs ignore ou fait semblant d’ignorer l’acier normalisé qui respecte au moins les diamètres, même si ce n’est pas le seul critère pour juger de la qualité d’un acier. Il existe d’autres caractéristiques mécaniques à prendre en compte comme la limite apparente d’élasticité, la résistance à la traction et l’allongement de rupture mesuré.

Plus malléable. Le fer normalisé existe bel et bien sur le marché malien, mais il est plus cher, souligne notre spécialiste. A titre d’exemple, le fer de diamètre 12 normalisé est vendu entre 6000 et 6250 Fcfa la barre contre 5000 à 5250 Fcfa la barre pour le fer commercial avec un diamètre compris entre 11 et 11,5 mm.

Certains quincaillers reconnaissent volontiers que le problème du non respect est bien réel. C’est le cas de Mohamed Traoré, un quincailler installé aux 320 logements sociaux de Yirimadjo. De son point de vue, la faute incombe plutôt aux clients qui ne cherchent pas à s’informer sur la qualité des fers vendus sur le marché. Selon lui, la plupart des acheteurs préfèrent le fer importé au made in Mali, au motif que le produit fabriqué au pays n’est pas de bonne qualité. Mohamed Traoré soutient que le fer fabriqué au pays est moins cher que celui de l’importation. En plus, le fer local est plus proche des normes autorisées, du point de vue des diamètres.

Notre interlocuteur explique que les ferronniers conseillent aux clients le fer importé au motif que le local n’est pas très malléable. « Il n’y a pas encore longtemps, j’ai été obligé de renoncer à une commande de fer n° 8 parce que le diamètre me paraissait en deçà de la norme. Mais c’est ce que les clients préfèrent aussi au motif qu’il est plus malléable », témoigne notre quincailler.

Lassana Diallo, technicien de bâtiment, confirme que le fer de fabrication locale se brise facilement lorsqu’on veut le tordre pour en faire des cadres pour les poteaux. Au-delà de la différence de qualité entre le fer d’importation et celui de fabrication locale, tous les spécialistes du secteur des BTP, soulignent le caractère indispensable de ce matériau dans les constructions (bâtiments, ponts, dalles, etc).

A ce propos, l’ingénieur Mamadou Sacko rappelle que les deux principaux éléments sur lesquels repose un édifice sont le sol et les armatures. « Ces deux éléments confèrent à l’édifice l’essentiel de sa stabilité. Les armatures n’étant constituées que d’acier, il va de soit que toute négligence à ce niveau ait des répercussions graves sur la stabilité de l’ouvrage. On ne peut pas demander à un fer de diamètre 11 mm de supporter les mêmes charges qu’un fer de diamètre 12 mm », développe Mamadou Sacko.

Selon lui, un ingénieur conseil, en faisant le dimensionnement de son édifice, se doit de calculer les charges permanentes et les surcharges que l’édifice est amené à supporter. Il doit déterminer aussi quelle structure est apte à supporter ces charges. C’est en réponse à ces questions, que l’ingénieur conseil précisera le diamètre des poteaux et les éléments qui le composent. « Si ce travail technique préalable n’est pas fait, il y a de fortes chances que les normes ne soient pas respectées. Ce qui peut créer dans la structure de l’édifice des zones de dépression qui peuvent lui être fatales », met-il en garde.

Mamadou Sacko est catégorique à ce niveau : tout manquement aux normes techniques pourrait provoquer des sinistres graves. Comme ce fut le cas avec l’effondrement de l’immeuble appartenant à Baïba Kouma, en septembre 2015 à l’ACI 2000. Les causes réelles de ce drame qui a coûté la vie à deux personnes, restent à élucider.

Les professionnels du secteur des BTP estiment qu’il est grand temps que des enquêtes administratives soient diligentées pour connaître les vraies raisons des nombreux effondrements d’immeubles dans notre pays. Ils soutiennent que des enquêtes bien menées permettent de faire la lumière sur les causes des « catastrophes » et d’édicter des mesures draconiennes ayant pour but de les prévenir.

Notre spécialiste déplore le fait que, de façon générale, les entrepreneurs et les autres professionnels des constructions civiles, ne sont consultés que quand les bâtiments commencent à vibrer, s’incliner ou présenter des fissures, c’est-à-dire quand il y a des problèmes. « C’est le médecin après la mort », dénonce-t-il.

Notons qu’actuellement, trois fabricants locaux se partagent le marché du fer à béton dans notre pays. A l’exception d’une seule, toutes les autres usines importent de la matière première sous forme de rouleau de fer, qu’elles conditionnent pour en faire des barres de fer à béton de 12 mètres de long suivant différentes gammes de production.

La seule usine qui n’importe pas de matière première, dispose d’un haut fourneau à partir duquel, elle fond les fers de récupération, pour en faire du fer à béton.

A. O. DIALLO
Source: Essor
Commentaires

Dans le dossier

Economie 2016
Titrologie



L’Essor N° 17187 du 17/5/2012

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre
Nos réseaux sociaux

Comment