Démarré le mercredi 30 novembre 2016 puis suspendu, le procès de Amadou Haya Sanogo se poursuivra ce vendredi 2 décembre 2016 dans la salle Lamissa Bengaly de Sikasso. Et selon l’arrêt de renvoi, l’auteur du coup d’Etat du 22 mars 2012, Amadou Haya Sanogo et 17 autres militaires sont fortement impliqués dans l’assassinat de 21 bérets rouges dans la nuit du 2 au 3 mai 2012. L’arrêt de renvoi évoque qu’il est suffisamment établi les préventions de crimes d’enlèvement et d’assassinat contre Fousseyni Diarra dit Fous, Mamadou Koné, Tiémoko Adama Diarra, Lassana Singaré, Cheikna Siby et Issa Tangara.
De complicité d’enlèvement et d’assassinat contre Amadou Haya Sanogo, Blonkoro Samaké, Amasongo Dolo, Siméon Keïta, Oumarou Sanafo dit kif kif, Soïba Diarra, Christophe Dembélé, Amadou Konaré, Mohamed Issa Ouédraogo, Ibrahim Boua Koné et de complicité d’assassinat contre Yamoussa Camara et Ibrahima Dahirou Dembélé. Ledit arrêt retrace la manière atroce dont certains membres du 33ème Régiment des commandos parachutistes (bérets rouges) ont été assassinés.
Cet arrêt de renvoi devant la cour d’assises de 19 pages a été lu le mercredi 30 novembre dernier par Mme le greffier audiencier. Il ressort de l’arrêt de renvoi que devant la persistance des rumeurs, le parquet général par la lettre N°021 du 21 Juillet 2012 instruisait au procureur de la république près le tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako d'ouvrir une enquête et par la suite requérir l'ouverture d'une information contre X pour enlèvement de personnes.
A la suite de cette information, plusieurs officiers et sous officiers qui étaient membre du CNDRE (Comité national pour le redressement de la démocratie et la République) sont inculpés des faits d'enlèvement de personnes dont entre autres le Général Amadou Haya SANOGO, les capitaine Issa TANGARA, Amassongo DOLO, Christophe DEMBELE, les sous officiers Ousmane SANAFO dit Kif Kif, Mamadou KONE, Fousseyni DIARRA dit Fouss etc. lors des premières comparutions de ceux-ci, les charges retenues contre eux leur furent notifiées. Mamadou KONE et Fousseyni DIARRA reconnaissaient formellement les faits d'enlèvement et d'assassinat d'un certain nombre d'éléments du 33ème RCP et avouaient y avoir participé.
En plus de cette double reconnaissance des faits, ils indiquèrent dans les moindres détails l'endroit où étaient sommairement enterrés les victimes. Alors, le magistrat instructeur ordonnait sur le champ un transport sur les lieux, à savoir dans les environs du village de Diago non loin de la cimenterie. Là, Fousseyni DIARRA et Mamadou KONE deux des personnages clés dans cette affaire, indiquaient l'endroit exact où se trouvaient les restes des corps des suppliciés. Une exhumation était faite par les agents de la police technique et scientifique du service d'investigation judiciaire de la gendarmerie nationale.
Ainsi dans une fosse, 21 squelettes étaient exhumés. Sur la base donc de ces faits nouveaux, le parquet, par un réquisitoire supplétif en date du 5 décembre, requérait l'extension de l'information à ces faits nouveaux pour inclure les crimes d'assassinats et de complicité d'assassinats. Tant au cours de leur interrogatoire de première comparution qu'au cours des interrogatoires sur fond et lors des confrontations, l'adjudant chef Mamadou KONE el l'adjudant chef Fousseyni DIARRA dit Fouss ne variaient guère sur leurs déclarations. Il en sera de même pour Adama Tiemoko DIARRA, lequel à quelques variantes près a également reconnu les faits.
Le miraculé Mohamed DIARRA
C'est dans la nuit du 02 Mai 2012, qu'une liste fut remise à l'adjudant chef Mamadou KONE par le lieutenant Soïba DIARRA. Mais avant, le lieutenant Soïba aurait demandé à Mamadou KONE de creuser une fosse.
Devant le peu d'enthousiasme manifesté par ce dernier, Soïba DIARRA confia la même tâche à Cheickna SIBY qui s'exécuta. Ainsi, tard dans la nuit, un camion vint se garer près de l'endroit où étaient gardés les bérets rouges. L'appel sera fait et chaque militaire appelé sortait de sa cellule les mains attachées au dos, les yeux bandés ; ils furent 21 à être embarqués dans le camion mais le 21ème militaire en la personne de Mohamed DIARRA était miraculeusement débarqué sans que l'on sache pourquoi et remplacé par le lieutenant Aboubacar Kola CISSE qui était détenu à l'Ecole d'Application de Kati et dont la garde relevait du capitaine Amassongo DOLO.
Et c'est donc Mohamed DIARRA qui était parmi les 21 militaires embarqués qui témoigne le premier de l'issue de l'embarquement nocturne de ses compagnons d'armes suivi de leur exécution non loin de Diago. Au moment où les 20 suppliciés étaient embarqués, Lassana SINGARE et Cheickna SIBY allaient chercher le lieutenant Aboubacar Kola CISSE détenu à l'Ecole d'application de Kati pour compléter à nouveau la liste à 21 personnes. Tout au long du déroulement des événements du 30 Avril au 1er Mai 2012, en plus des militaires du 33è Régiment des Commandos Parachutistes, certains policiers furent recherchés arrêtés et violentés.
Ainsi , le Ministre de la défense le Général Yamoussa CAMARA et le chef d'Etat Major Général des armées, le Général Ibrahima Dahirou DEMBELE, pour avoir signé des actes portant mise à disposition de personnel militaire dans l'opération « BADENKO» au Nord lesquelles décisions concernaient également les bérets rouges portés disparus, seront considérées comme ayant en toute connaissance de cause, essayé de dissimuler lesdites disparitions.
‘’Amadou Haya ne pouvait ignorer l'existence de la liste des bérets rouges à exécuter’’
Cependant Amadou Haya SANOGO, chef du CNRDRE et les autres membres actifs dudit comité ont tous joué un rôle dans la gestion des détenus bérets rouges au camp Soundiata de Kati.
En tant que chef du CNRDRE, Amadou Haya SANOGO avait autorité sur ses collaborateurs. Tous les renseignements concernant les détenus bérets rouges de Kati lui étaient transmis comme cela ressort de la déposition du Colonel Blonkoro qui déclarait lors de son interrogatoire que celui-ci c'est-à-dire Amadou Aya SANOGO était régulièrement tenu informé de la situation des détenus. Dans ces conditions, ce dernier, premier responsable du CNRDRE, peut difficilement soutenir qu'il ignorait que les 21 bérets rouges avaient été enlevés des lieux de leur détention pour être exécutés ailleurs. Après l'échec de la tentative de contre coup d'état, le président du CNRDRE, Amadou Haya SANOGO était apparu publiquement à la télévision nationale pour présenter les bérets rouges arrêtés.
Dans ces circonstances, hormis lui-même, aucun autre membre du CNRDRE ne pouvait donner des instructions pour exécuter des militaires qui ont été présentés à la télévision nationale par les soins du chef et de certains de ses collaborateurs. Par ailleurs, l'inculpé Mamadou KONE déclarait lors de son interrogatoire du 24 Décembre 2013 que l'adjudant chef Soïba DIARRA lui avait remis une liste de 20 détenus à exécuter qu'il aurait lui-même reçue des mains de Blonkoro SAMAKE. Blonkoro SAMAKE lui-même a déclaré que Amadou Haya SANOGO recevait les informations en temps réel. Blonkoro SAMAKE faisait partie du dispositif sécuritaire installé autour de Amadou Haya SANOGO, c'est donc dire que ce dernier est l'un des auteurs des instructions données pour enlever et exécuter les prisonniers bérets rouges.
L’un des principaux exécuteurs en la personne de Mamadou KONE a même affirmé dans son procès verbal d'interrogatoire du 24 Décembre 2013 que Amadou Haya SANOGO, son secrétaire général Blonkoro SAMAKE et bien d'autres personnes membres du CNRDRE ne pouvaient ignorer l'existence de la liste des bérets rouges à exécuter. Cette déclaration démontre à suffisance que nonobstant ses dénégations, l'inculpé Blonkoro SAMAKE faisait partie du cercle restreint constitué autour de Amadou Haya SANOGO ayant décidé de l'enlèvement et de l'exécution des 21 bérets rouges.
Les vérifications et examens médicaux légaux préliminaires aboutissaient à la conclusion qu'il s'agissait des corps des 21 bérets rouges disparus dont Aboubacar Kola CISSE, Youba DIARRA, Pagalé SAGARA, Yéba TRAORE, Samba DIARRA, Adama BAGAYOKO, Ibrahim Maïga , Abdoul Karim KEÏTA, Bamory DIARRA, Aboubacar POUDIOUGOU, Bouyé DIALLO, Mamadi dit Bakoroba KANE, Kabiné KUTA, Bourama NIARE, Bourama COULIBALY, Kléné NIARA, Bazoumana KALOUSSY, Youssouf BAMBA et Boncana MAIGA. Les parents des 21 bérets rouges disparus, entendus lors de l'instruction se sont constitués parties civiles et les résultats des tests ADN pratiqués par le laboratoire FBI, objet d'un rapport en date du 28 janvier 2014 ont confirmé les premières conclusions sur les identités des 21 militaires bérets rouges disparus.
Des objets comme une pièce d'identité militaire portant le nom du sous- lieutenant Aboubacar Kola CISSE ont été découverts dans la fosse. Fousseyni DIARRA dit Fouss reconnaissait sans ambages, avoir tiré sur les 21 suppliciés dans la fosse, et précisait qu'après avoir donné quelques rafales sur les suppliciés dans la fosse, il s'était replié immédiatement avec Tiémoko Adama DIARRA qu'il appelle « son petit » à qui il avait expliqué qu'en pareille circonstance, il y a souvent un second peloton d'exécution chargé d'exécuter les premiers exécuteurs, raison pour laquelle, il faut faire un repli. Tiémoko Adama DIARRA, Mamadou KONE déclaraient aussi avoir tiré sur les 21 bérets rouges suppliciés dans la fosse tout en précisant avoir rejoint le groupe de peloton sur les lieux de l'exécution à bord d'un autre véhicule.
Enfin, l’arrêt de renvoi dit qu’il est suffisamment établi les préventions de crimes d’enlèvement et d’assassinat contre Fousseyni Diarra dit Fous, Mamadou Koné, Tiémoko Adama Diarra, Lassana Singaré, Cheikna Siby et Issa Tangara. De complicité d’enlèvement et d’assassinat contre Amadou Haya Sanogo, Blonkoro Samaké, Amasongo Dolo, Siméon Keïta, Oumarou Sanafo dit kif kif, Soïba Diarra, Christophe Dembélé, Amadou Konaré, Mohamed Issa Ouédraogo, Ibrahim Boua Koné et de complicité d’assassinat contre Yamoussa Camara et Ibrahima Dahirou Dembélé. Les avocats de Amadou Haya Sanogo dont Me Cheick Oumar Konaré, Me Tiéssolé Konaré et bien d’autres pourront-ils trouver des arguments solides pour dissuader la cour malgré ces preuves ? Rien n’est moins sûr.