Depuis le mercredi 30 novembre, les projecteurs sont braqués sur l’événement tant attendu de cette fin d’année 2016. Le pharaon de Kati passe devant la cour d’assises en transport à Sikasso, pour répondre de complicité d’enlèvement et d’assassinat. Celui qui, durant des mois, personnifiait la terreur à Kati et Bamako, le misérable putschiste dont les soutiens vivent dans la torpeur de montrer leur honteux visage, fait face à son destin de roi maudit, car un homme n’est jamais confortable entre les mains des hommes. Surtout après avoir décrété la ” tolérance 0 ” pour ensuite constater, assister et ne rien dire ni rien faire contre des assassinats qu’il était loin d’ignorer et dont il était l’homme puissant, haut placé à pouvoir les empêcher s’il n’en était pas l’instigateur. Va-t-il boire à la honte de demander la clémence des juges ?
Le grand procès est donc en cours depuis mercredi et se poursuit aujourd’hui après la suspension de 24 h. Le procès du vulgaire soldat ayant fuit les champs de bataille au motif de manque d’armements pour venir saccager le palais présidentiel, avec nos armes qui auraient pu décimer la rébellion si elles étaient entre des mains d’hommes dignes de ce nom. Le procès du geôlier qui revendique à la barre son statut de Chef d’Etat suite à un coup d’Etat pourtant qualifié de crime indescriptible par note constitution. Ce criminel en chef donc, bombardé Général sans aucun mérite, qui en plus comparait pour assassinat de 21 bérets rouges, aura ainsi fait beaucoup de mal à ce pays qui lui a tout donné.
C’est finalement dans une salle de spectacle que s’est ouvert le procès d’Amadou Haya Sanogo ce 30 novembre, le tribunal de Sikasso était trop petit. L’accès à la salle du procès se fait après une fouille, sous une sécurité renforcée autour du bâtiment avec la présence notamment de policiers et de la garde nationale. L’ancien chef de la junte, et 17 autres co-accusés, sont poursuivis dans l’affaire des ” Bérets rouges “, qui avaient tenté un ” contrecoup d’Etat “. Les corps d’une vingtaine d’entre eux ont été retrouvés dans un charnier. Le procès à peine ouvert, on a assisté à une passe d’armes entre le juge et l’accusé.
” Amadou Haya Sanogo “, lance le président du tribunal. “ Présent “, répond l’accusé… Alors Amadou Haya Sanogo avance à la barre, habillé en costume kaki, clair, chemise blanche, cravate. Il a un peu maigri, mais le regard est toujours vif comme celui du sorcier paniqué.
Il se présente : ” Je suis le général de corps Amadou Haya Sanogo, l’ancien chef d’Etat du Mali “. Une partie de la salle applaudit, mais le procureur général est imperturbable et rappel à l’ordre le récalcitrant : ” Vous n’êtes pas ici en tant que général. Dans l’arrêt de renvoi, vous êtes un citoyen malien et vous avez commis des crimes “. Un avocat de la défense prend la parole. Il réaffirme que Sanogo est bien général. Mais pour combien de temps ?
Là, l’objectif de la défense est clair : il s’agit de démontrer que le tribunal ne peut pas juger Haya Sanogo alors que le ministère public, de son côté, tape du poing sur la table et dit, ” on doit le juger avec ses autres co-accusés “.
” Le procès mettra le temps qu’il faut pour la manifestation de la vérité “, a déclaré le procureur général, Mamadou Lamine Coulibaly, au début de l’audience.
Après la lecture de l’arrêt de renvoi, le collectif des quinze avocats qui assurent la défense de l’ancien chef des putschistes ainsi que 17 autres accusés, ont demandé et obtenu le report du procès jusqu’au vendredi.
“L’objectif est de nous entretenir avec nos clients pour mieux préparer leur défense. Nous sommes arrivés ici en rang dispersé”, affirme Me Cheick Oumar Konaré, l’un des avocats. Soit, mais les veuves et orphelins qui remplissent la salle ont longtemps attendus ce jour où M. Sanogo et ses encourent tous la peine de mort. En tout cas beaucoup d’entre eux ont de longs jours de pénitence devant eux afin que plus jamais une telle horreur ne se passe au Mali.
Rappel succinct des faits
A la suite de la mutinerie au camp Soundiata Keita de Kati le 22 mars 2012, des militaires se sont dirigés sur le Palais de Koulouba, siège de la Présidence de la République. Cette mutinerie s’est transformée en coup de force et a contraint le Président Amadou Toumani TOURE à présenter sa démission.
Une junte militaire conduite par le capitaine Amadou Haya SANOGO a proclamé la suspension des Institutions de la république et a institué un Comité National pour le Redressement de la Démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE).
L’accord de Ouagadougou pour la sortie de crise signée le 6 avril 2012 a constaté la démission du Président Amadou Toumani TOURE et pris acte de la désignation de Monsieur Dioncounda TRAORE, Président de l’Assemblée nationale, en qualité de Président de la République.
Du 30 avril au 1er avril 2012, le Régiment des commandos parachutistes a, à son tour, tenté un coup de force contre les membres du CNRDRE, composés en grande partie de ” bérets verts “.
C’est à la suite des violents affrontements qui s’en sont suivis que vingt et un de ” bérets rouges ” ont été retrouvés ensevelis dans deux charniers situés à Diago.
Rappel succinct de la procédure
o Sur instruction de Monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel de Bamako, Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de première de la Commune III du District de Bamako a ouvert une enquête qui a abouti à l’information judiciaire et l’inculpation de vingt-huit (28) militaires dont Amadou Haya SANOGO pour enlèvement de personnes, assassinat et complicité.
o Une ordonnance de transmission des pièces au Procureur Général est intervenue le 10 février 2015.
o Les infractions retenues à l’encontre des accusés, tous sous mandat de dépôt à l’exception d’Ibrahima Dahirou DEMBELE, Mohamed Issa OUEDRAOGO et Ibrahima Boua KONE, sont réprimées par les dispositions des articles 199, 200, 240, 24 et 25 du code pénal.
o Sur les réquisitions de Monsieur le Procureur Général près la Cour d’appel en date du 23 juillet 2015, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako, par son arrêt n°585 du 22 décembre 2015, a ordonné un non-lieu à suivre à l’égard de huit (08) personnes et mis en accusations dix-huit (18) personnes (dont un décès) renvoyées devant la Cour d’assises.
Siège de la Cour d’assises
En application des dispositions de l’article 19 de la Loi n°2011-037 du 15 juillet 2011 portant organisation judiciaire, le siège de la Cour d’assises est celui de la Cour d’Appel. Par dérogation à ce principe, le Premier Président de la Cour d’Appel peut, à la demande de Monsieur le Procureur Général, ordonner le transport en tout autre du même ressort.
Liste des accusés et chefs d’inculpation
Enlèvement et assassinat:
1.Fousseyni Diarra dit Fouss,
Mamadou KONE,
Tiémoko Adama DIARRA,
Lassana SINGARE,
Cheickna SIBY,
Issa TANGARA.
Complicité d’enlèvement et d’assassinat :
Amadou Haya SANOGO,
Bloncoro SAMAKE,
Amassongo DOLO (décédé),
Simeon KEÏTA,
Oumarou SANAFO ditKifKif,
Soïba DIARRA,
Christophe DEMBELE,
Amadou KONARE,
Mohamed Issa OUEDRAGO,
Ibrahim Boua KONE
Complicité d’assassinat :
Yamoussa CAMARA,
Ibrahim Dahirou DEMBELE.
Composition de la Cour d’assises :
– Monsieur Mahamadou BERTHE, Président ;
– Monsieur Boureima GARIKO, Conseiller ;
– Taïcha MAIGA, Conseiller.
Ces magistrats sont assistés de quatre (04) assesseurs tirés au sort.
Parquet Général de Bamako
Monsieur Mamadou Lamine COULIBALY, âgé de 57 ans, est le Procureur Général près la Cour d’Appel de Bamako. Magistrat de grade exceptionnel depuis huit (08) ans, il a occupé diverses fonctions au sein de la magistrature : substitut du Procureur de la république, juge au siège, juge de paix à compétence, Procureur de la République, Substitut Général et Conseiller à la Cour.
Il est assisté d’un Avocat Général et de sept Substituts généraux.