Poursuivis pour enlèvement de personnes, assassinat et complicité d’assassinat, Amadou Haya Sanogo et ses coaccusés ont comparu hier à la barre devant la Cour d’Assises de Bamako transportée à Sikasso. Ils auraient, après la tentative avortée du contre-coup d’Etat perpétré par le 33ème régiment des commandos parachutistes de Djicoroni, arrêté et exécuté des éléments qu’ils auraient mis dans des fosses communes à Diago (dans une localité proche de Kati). Ils doivent répondre de ces actes de crimes qui leur sont reprochés.
Ce procès très attendu par les Maliens, en l’occurrence les parents de victimes et le monde entier, promet d’être sulfureux et retentissant pour les observateurs. Les proches des victimes regroupés au sein du Collectif des épouses et parents de Bérets rouges disparus, les organisations nationales et internationales de défense des Droits de l’Homme ont vivement bataillé pour dénoncer le manque de volonté de la justice malienne à juger ces prévenus. Ils s’interrogent mais espèrent que le droit sera enfin dit afin que notre pays sorte de l’impunité qui a toujours concerné certaines affaires de crimes de sang commis à l’échelle nationale.
Le Procureur de la Cour d’Appel de Bamako, dans une intervention radiotélévisée, à la veille du procès, a rassuré ses compatriotes que toutes les conditions sont remplies pour que le procès se tienne dans des conditions normales et de sécurité. La communauté internationale, à travers les différentes chancelleries et les medias internationaux ainsi que les organisations nationales et internationales de défense des Droits de l’Homme suivent attentivement le cours du procès. Ils vont certainement mettre la pression afin que le procès puisse se tenir dans la transparence.
Pour la manifestation de la vérité aux contemporains et à la génération future mais à l’histoire tout court, ce procès de crime de sang devra se tenir pleinement. Il devra surtout permettre d’édifier sur pourquoi et comment ces crimes ont pu se dérouler dans notre pays. Un pays dont les militaires n’étaient pas connus comme pouvant être auteurs de tels crimes. Alors, l’ouverture d’un tel procès n’est-il pas déjà une victoire pour les assoiffés de justice?
Certainement, estime Corinne Dufka de Humann Wright White selon qui « Le procès de Sanogo et ses coaccusés représente un progrès manifeste dans la lutte contre l’impunité au Mali. Car trop longtemps, des hommes comme Sanogo ont été considérés come intouchables et au-dessus de l’état de droit … ». Toutefois, débuter un procès ne suffit pas pour que l’on puisse lutter contre l’impunité dans un pays. Il faut aller jusqu’au bout pour que les parents de victimes, à défaut de faire ressusciter leurs proches, comprennent au moins ce qui leur est réellement arrivé et fassent leur deuil.
A la lumière du procès « affaire Bérets rouges », tous les autres crimes, notamment ceux commis pendant la guerre et l’occupation au nord du Mali, devront être jugés pour que notre pays puisse solder sa page de l’impunité. Cela est indubitablement nécessaire pour restaurer la paix dans notre pays et permettre la réconciliation entre ses fils.