Cela fait des années que les autorités du pays continuent de faire la sourde oreille concernant les conditions de travail humiliantes et dégradantes auxquelles sont soumis les travailleurs du groupe Wacem, notamment dans les cimenteries Diamond Cement. A écouter les travailleurs raconter leur calvaire, on a du mal à y croire parce qu’il n’est pas possible de cautionner des pratiques dignes de l’esclavage en plein troisième millénaire et en plus en République du Mali. Pourtant, rien n’est exagéré et depuis quelques mois les travailleurs commencent à se rebeller. La tension, très vive, est perceptible dès que l’on franchit les portes des usines de Dio-Gare dans le cercle de Kati et de Gangonteri dans le cercle de Bafoulabé. Faut-il attendre que la marmite bouillante de colère explose pour intervenir !
Du baume au cœur, c’est ce que le ministre en charge du Développement industriel nous a apporté pour nous avoir écoutés et fait les mises au point nécessaires au patron de l’usine. Il est différent d’un autre ministre qui avait refusé de nous rencontrer lorsqu’il était en visite ici. Comme s’il ne travaillait pas pour le Mali et les Maliens. Nous avons l’espoir que, désormais, les autorités du pays vont s’intéresser à nos problèmes avant que nous ne soyons à bout pour réagir comme des désespérés”.
Ces propos du travailleur de l’usine Diamond Cement de Dio-gare qui nous a approchés après avoir rencontré le ministre du Développement industriel, Mohamed Ali Ag Ibrahim, méritent une attention particulière de la part du Gouvernement. En effet, après avoir visité l’usine Diaond Cement de Dio-gare, une des fabriques de ciment de la firme indienne Wacem dans notre pays, le ministre du Développement industriel dont le souci était de s’assurer de la qualité de la production dans cette unité, a été abordé par les travailleurs – qui lui ont quasiment barré le passage- pour se plaindre de leurs conditions de travail. Et le Ministre, avec beaucoup de courtoisie, les a écoutés.
C’était nécessaire car comme il le dit lui-même : “Ce sont des Maliens et nous travaillons pour le Mali donc pour les Maliens”. En réalité, le Ministre ne pouvait rester insensible lorsqu’un des employés, après avoir débité une litanie de griefs, a martelé : “Nous n’avons même pas droit aux toilettes parce qu’ils n’en n’ont même pas aménagés pour nous et nous sommes plus de 500 travailleurs ici”.
C’était pathétique et difficile à entendre. Mais c’est la triste réalité que les Indiens de Wacem font vivre aux travailleurs de cette cimenterie. Le Ministre a joué son rôle en interpellant le gérant indien de l’usine pour lui demander d’écouter les travailleurs et de régler les questions cruciales afin de créer un bon climat de travail.
Les syndicalistes sont licenciés
Mais force est de remarquer que la direction de Diamond Cement reste sourde aux récriminations car les mêmes griefs reviennent à chaque fois et restent valables pour ses deux sites de production, notamment Dio-gare et Gangonteri. Au lieu d’essayer de trouver des solutions, la direction de cette société opte pour la surenchère, notamment en réprimant tous ceux qui osent réclamer leurs droits. Plus grave, ceux qui se hasardent à mettre sur pied un comité syndical sont tout simplement licenciés et Diamond Cement se retrouve ainsi avec plusieurs procès intentés par des travailleurs qui se disent victimes de licenciements abusifs.
Selon les travailleurs, les salaires sont tellement maigres qu’ils sont obligés de faire des heures supplémentaires pour espérer gagner de quoi assurer le minimum vital pour leur famille. Ils effectuent au moins huit heures de travail tous les jours y compris les dimanches et jours fériés. Sans compter les heures supplémentaires devenues presqu’obligatoires pour pouvoir gagner le minimum nécessaire à la fin du mois. Pas de couverture médicale malgré les risques médicaux liés à ce genre de travail, encore moins de sécurité sociale ou d’assurance. Ils ne sont donc inscrits ni à l’Inps ni à l’Assurance-maladie obligatoire (Amo).
Une seule tenue de travail par an
En plus, chacun des travailleurs n’a droit qu’à une seule tenue de travail pour une année et le renouvellement peut tarder de deux à trois mois.
Ce qui fait que chacun travail avec n’importe quelle tenue. Lors de notre passage, nous avons pu constater que des travailleurs s’activant dans des postes de production étaient habillés de vieux pantalons jeans et des tee-shirts ou chemises déchiquetés. Ils nous montraient leurs vieilles chaussures de travail actuellement béantes. Un spectacle qui n’est pas beau à voir pour une société dont le chiffre d’affaires s’énonce en milliards de nos francs.
Rappelons que le préavis de grève de 5 jours déposé par les travailleurs de l’usine Diamond cement de Gangontery au mois de juin dernier comportait comme points de revendications : l’amélioration des conditions de travail des employés de l’usine ; l’augmentation des salaires des travailleurs, la considération ou l’affiliation de l’usine de Ciment de Gangoteri Diamond Cement comme une société minière, afin que les travailleurs obtiennent les mêmes valeurs et droits que ceux-là qui travaillent dans des sociétés minières, etc. Pour ce dernier point, partagé avec les travailleurs de Diamond Cement de Dio-Gare, rappelons que Wacem a signé une convention minière avec l’Etat du Mali, mais voudrait, en contrepartie, appliquer la convention des Btp aux quelques travailleurs qui ont la chance de signer un contrat. Evidemment, c’est pour payer moins.
Le groupe Wacem décrié dans plusieurs pays
Dans d’autres usines du même type dans des pays de la sous-région, les travailleurs reçoivent une dotation de savon et de lait en plus de conditions de travail acceptables. Mais ce n’est pas le cas des usines Diamond Cement du groupe Wacem où les mêmes problèmes que ceux des usines du Mali sont soulevés.
En effet, en Guinée, les employés de l’usine de ciment Diamond Cement, située à Kagbelen, dans la commune de Dubréka, étaient en colère contre la direction de l’entreprise à cause de leurs conditions de travail. Raison pour laquelle ils avaient cessé temporairement le travail au début du mois de mai 2016 pour protester et en appelaient à l’intervention des autorités guinéennes. Et Mariam Condé du bureau syndical des employés de l’usine, citée par Guinéematin.com disait : “Cette entreprise est la plus grande cimenterie et c’est elle qui paye le moins. Si Diamond était la seule cimenterie on pouvait comprendre. Mais, ils ont trouvé d’autres ici, il suffit juste de faire un tour dans les autres cimenteries pour voir comment ça se passe“. C’est sans commentaire !
Au Burkina Faso, comme l’écrit le journal Le Reporter, sous le titre “Diamond Cement : Le chemin de croix des travailleurs” dans son édition du mercredi 18 avril 2012: “Un traitement “ inhumain et dégradant “. C’est ainsi que de nombreux travailleurs de la cimenterie Diamond Cement, située dans la périphérie ouest de Ouagadougou, s’accordent à qualifier leurs conditions de travail. Avec des salaires de misère, sans la moindre couverture sociale ni matériel de protection, dans un environnement de travail à risques très élevés d’accidents et de maladies, c’est une véritable vie de damnés que les travailleurs disent mener dans cette entreprise. “Au Togo, les victimes de mauvaises conditions de travail dont ceux blessés gravement lors d’une l’explosion d’une citerne, ont perdu tout espoir d’être remis dans leurs droits, malgré les voix qui se sont élevées, notamment au niveau des organisations de défense des droits de l’Homme et celles de la société civile.
Arrêtons-nous en là parce que le tableau est déjà trop noir. Mais c’est la preuve que si les autorités maliennes ne prennent pas ce dossier à bras le corps, les Indiens de Wacem, qui confondent peut-être les Africains noirs aux parias du Penjab continueront de faire de nos compatriotes les damnés du ciment.