La première journée (moins de trois heures) du procès d’Amadou Haya Sanogo et compagnie a été consacrée aux discussions sur le respect du droit de la défense qui, selon le collectif des avocats des accusés, n’a pas été respecté. A leurs dires, les détenus sont arrivés à Sikasso le lundi 29 novembre 2016, à un jour du procès. Ensuite, ils ne sont pas entrés en contact avec leurs clients qui étaient éparpillés dans Sikasso. A cet effet, ils ont demandé et obtenu le report du démarrage du procès de 48 heures afin de leur permettre de s’entretenir avec leurs clients. Cette demande a été acceptée par le président de la Cour. Et le redémarrage de l’audience est prévue aujourd’hui, 2 décembre 2016, à partir de 9 heures.
Cette première journée s’est déroulée sous haute surveillance policière. Le dispositif sécuritaire était très impressionnant. L’accès à la salle d’audience était subordonné à une inscription et au port de badge à partir de la porte de la cour de la salle de spectacle Lamissa Bangaly. Les appareils photos et téléphones étaient interdits dans la salle d’audience qui a refusé du monde. Interrogés, certains riverains de la salle de spectacle se sont dits inquiets par rapport au procès. “Nous ne sommes au courant de rien par rapport au procès. Nous sommes inquiets par rapport à l’ampleur du procès et des tirs qui sont souvent entendus. Mais pourquoi ce procès à Sikasso ?”, se sont-ils interrogés.
Amadou Aya Sanogo pas tellement à l’aise
A l’annonce du report du procès, Amadou Haya Sanogo n’a pas pu rester assis sur sa chaise. Habillé en veste couleur kaki, crâne rasé, amaigri, il s’est levé pour faire des gesticulations qui ont été assimilées par certains à une protestation. Il sera entouré et calmé par ses avocats. Il a été ensuite reconduit à sa résidence prison qui serait au Gouvernorat.
Les parents des victimes habillés en blanc et logés à leurs frais à Sikasso
Les parents des victimes d’Amadou Haya Sanogo étaient très visibles dans la salle d’audience. Assis à l’être gauche de la salle, ces parents étaient habillés tout en blanc pour se faire remarquer dans la salle. Pour Mme Sagara Bintou Maïga, présidente de l’Association des parents des victimes de Sanogo, la vérité a été déjà dite avec l’ouverture du procès. “La suspension du procès ne nous découragera pas. Je pense que la justice sera faite. Et je pense qu’avec l’ouverture du procès et voir Haya à la barre, la justice est déjà faite pour les parents des victimes de Sanogo”, a-t-elle martelé. Ces parents ont avoué qu’ils sont logés à leurs frais à Sikasso.
Après la suspension du procès, le collectif des avocats des parties civiles a improvisé un point-presse pour justifier ce report aux journalistes.
Me Clemence Bectarte (Avocate au Barreau de Paris), Membre du Collectif des avocats des parties civiles : “Le dossier d’instruction est un dossier vigoureux, un dossier solide avec des éléments à charge”
Me Clémence Bectarte a justifié le report du démarrage du procès par le fait que, par principe, les avocats des accusés sont diamétralement opposés à la Cour parce que le droit de la défense doit être respecté et formulé. “D’ailleurs, le fait que la Cour a accepté le report du procès est la preuve que le procès prend la forme d’un procès parfaitement équitable. Ce qui est une attente de la partie civile que nous représentons. Maintenant, nous espérons qu’il ne s’agit pas d’une demande qui en précédera d’autres qui ne seront pas des occasions de report de l’ouverture au fond des débats. Il faudrait que le procès puisse avoir lieu, puisse se tenir pour que la responsabilité des accusés puisse être examinée par la Cour dans des conditions équitables. Nous avons vu à la lecture de l’arrêt de renvoi que le dossier d’instruction est un dossier rigoureux, un dossier solide avec des éléments sérieux à charge. Il faut que ces éléments puissent être évacués pour que le débat puisse effectivement avoir lieu et que le procès puisse être mené à son terme”, a-t-elle dit.
Me Assane Dioma Ndiaye, Avocat au Barreau du Sénégal et Membre du Collectif des avocats des parties civiles : “Il est important que la justice puisse se faire”
Me Assane Dioma Ndiaye a laissé entendre qu’il pense “qu’au-delà du désarroi des parties civiles qui ont toujours soif de la justice, il faut reconnaître qu’une étape importante a été franchie ce jour. En matière criminelle, au procès pénal, quand vous réussissez dès l’ouverture à faire lecture de l’arrêt de renvoi, à faire lecture de l’identité des accusés, la liste des témoins, un grand pas a été franchi. C’est vrai que la Cour a estimé devoir accéder à cette demande des avocats de la défense. Ce qui pour nous revêt un symbole. Beaucoup disaient à l’orée de ce procès qu’il ne sera pas un procès juste et équitable.
Et aujourd’hui que la Cour accède de cette façon à la demande des avocats de la défense prouve si besoin en était encore que cette Cour a conscience qu’elle doit inscrire son primitif dans l’histoire malienne. Il est important que ce procès soit au-delà de tout soupçon, qu’il soit un procès exemplaire et qu’il soit précurseur d’autres procès dans le combat que nous menons contre l’impunité aux côtés de nos confrères, aux côtés de nos organisations sœurs maliennes. Vous savez qu’il y a d’autres procès. Ce procès aura valeur de test. Aujourd’hui, nous ne nous offusquons pas outre mesure de ce renvoi, mais simplement espérer qu’à partir de vendredi qu’on puisse entrer dans le fond des choses. Il ne s’agit pas de multiplier les incidents de manière à retarder autant que possible ce procès.
Je pense qu’aussi bien du côté des parties civiles que de la défense, il est important que la lumière jaillisse, qu’on ne doit pas simplement regarder du côté de la défense quand il s’agit des accusés, quand il s’agit des respects des droits de la défense. La victime a aussi droit à son deuil tant qu’elle ne saura pas ce qui s’est passé, quand elle ne saura pas pourquoi son mari, pourquoi ses enfants, son épouse ont été tués. Il est important que la justice puisse se faire, raison pour laquelle nous avons espoir que nous irons vers un débat loyal, un débat serein et que tout le monde puisse faire valoir ses droits, que la Cour puisse trancher. Et je pense qu’avec ces 48 heures, je pense que nous aurons plus d’arguments et que le vendredi, la défense, si elle a les moyens à faire valoir, elle le fera et nous opposerons les arguments nécessaires”.
Siaka Doumbia
Envoyé spécial à Sikasso
Liste des accusés et chefs d’inculpation
– Enlèvement et assassinat : 1. Fousseyni Diarra dit Fouss, 2. Mamadou Koné, 3. Tiémoko Adama Diarra, 4. Lassana Singare, 5. Cheickna Siby, 6. Issa Tangara.
– Complicité d’enlèvement et d’assassinat : 7. Amadou Haya Sanogo, 8. Bloncoro Samake, 9. Amassongo Dolo (décédé), 10. Simeon Keïta, 11. Oumarou Sanafo dit Kif Kif, 12. Soïba Diarra, 13. Christophe Dembele, 14. Amadou Konaré, 15. Mohamed Issa Ouédraogo, 16. Ibrahim Boua Koné
Ministère public : corps hiérarchisé des magistrats chargés de représenter la société devant les divers types de juridiction de l’ordre judiciaire.
Procès-verbal d’enquête préliminaire : Document fait par la police judiciaire ou le parquet dans lequel les questions et les réponses sont transcrites.
Réquisitoire introductif: acte par lequel le procureur de la République demande l’ouverture d’une instruction judiciaire.
Juge d’instruction: Magistrat chargé d’instruire une affaire à charge et à décharge.
Procès-verbal d’interrogatoire : Document retraçant les déclarations faites par un inculpé lors d’un interrogatoire.
Inculpation : Acte par lequel le juge d’instruction notifie à la personne poursuivie l’infraction qui lui est reprochée.
Mandat de dépôt : Ordre donné par un magistrat (procureur de la République, juge d’instruction ou président du tribunal) pour détenir une personne dans une maison d’arrêt.
Procès-verbal d’audition ou de déposition: Document dans lequel est transcrite l’audition d’une partie civile ou la déposition d’un témoin.
Procès-verbal de confrontation : Document retraçant les déclarations faites par un inculpé, un témoin ou une partie civile mis face à face pour élucider un point de contradiction.
Ordonnance de désignation d’expert : Acte pris par un magistrat pour désigner un expert sur une question technique.
Ordonnance de placement sous scellé : acte par lequel le juge d’instruction met sous la garde du greffier en chef un objet lié à la procédure (instrument ayant permis de commettre un crime, objet volé, etc.).
Ordonnance de clôture : acte par lequel le juge d’instruction met fin à l’instruction à son niveau.
Réquisitoire de saisine de la Chambre d’accusation par le Procureur Général : acte par lequel le Procureur général saisit la chambre d’accusation d’une procédure pour donner suite à une ordonnance de clôture.
Chambre d’accusation : chambre de la Cour d’appel chargée d’examiner de nouveau les dossiers instruits par les juges d’instruction.
Arrêt de mise en accusation : décision de la chambre d’accusation notifiant le renvoi de l’inculpé devant la Cour d’assises.
Ordonnance de non-lieu : décision prise par la Chambre d’accusation mettant hors de cause un inculpé.
Ordonnance de prise de corps : décision par laquelle la Chambre d’accusation met en détention la personne renvoyée devant la Cour d’assises (un accusé ne comparaît pas libre devant la Cour d’assises). 18. Délai de la citation : durée minimale devant s’écouler entre la convocation et la comparution d’une personne devant une juridiction de jugement.
Cour d’assises : juridiction compétente pour juger les affaires criminelles.
Siège de la Cour d’assises : le lieu où se tient une cour d’assises.
Ressort de la Cour d’assises : territoire dans lequel s’exerce la compétence de la Cour d’appel dont émane la Cour d’assises.
Président : magistrat qui préside une audience.
Conseiller : magistrat, membre d’une formation de jugement.
Assesseur : personne non magistrat, membre d’une formation de jugement.25. Tirage au sort des assesseurs : acte par lequel le Premier président de la Cour d’appel désigne aléatoirement les assesseurs devant composer une cour d’assises.26. Récusation: Acte par lequel, devant une juridiction, une partie au procès demande que son affaire ne soit pas jugée ou traitée par un magistrat pour des considérations d’ordre personnel (cas où ledit magistrat a un intérêt personnel dans l’affaire, existence d’un procès entre lui et le demandeur en récusation, le magistrat a déjà émis un avis public sur le dossier).
Greffier : agent qui a pour fonction d’assister le juge dans l’accomplissement des actes de procédure à charge de nullité ; il est également chargé de conserver les documents relatifs aux procédures judiciaires et de délivrer des extraits.
Parquet général : Entité qui, au sein de la Cour d’appel, représente le Ministère public ; il est placé sous l’autorité fonctionnelle du ministre de la Justice qui peut lui donner des instructions écrites. Le parquet général soutient l’accusation et requiert l’application de la loi.
Procureur général : chef du parquet général.
Avocat général : Magistrat nommé pour seconder et assister le Procureur général dans l’exercice de ses fonctions. Il sert de cheville ouvrière à l’organisation et au déroulement du procès d’assises, et le plus souvent il représente le Ministère public à l’audience.
Substitut Général : Magistrat nommé pour assister le Procureur général ; il est hiérarchiquement placé après l’Avocat général.
Accusé : Personne poursuivie devant une Cour d’assises.
Partie civile : Personne se déclarant victime d’une infraction et qui demande réparation du préjudice subi.
Témoin : Personne qui a vu ou entendu une scène d’une infraction et qui en fait la narration devant une autorité judiciaire.
Expert : Personne ayant des compétences techniques spécifiques pour lesquelles une juridiction lui demande d’exprimer une opinion professionnelle sur une question.
Huissier audiencier : Huissier de justice chargé d’introduire les membres de la Cour d’assises, d’appeler les parties au procès, d’isoler les témoins et de veiller, sous l’autorité du président de la Cour, au bon déroulement des opérations.
Interprète : Personne qui permet à une juridiction de communiquer avec un accusé, un témoin ou une partie civile qui ne parlent pas la langue officielle, en assurant la traduction des propos tenus par les uns et les autres.
Avocat de la défense : Avocat chargé de défendre l’accusé.
Avocat de la partie civile : Avocat chargé d’assister la partie civile.
Accusation : Charge retenue contre un accusé et soutenue par le Procureur général.
Défense : Moyen juridique développé par un accusé pur plaider sa cause. Ensemble des avocats d’un accusé.
Exception : Moyen juridique soulevé par l’accusé, la partie civile ou leurs avocats pour que la Cour d’assises n’examine pas tout ou partie d’un dossier pour divers motifs : vice de forme, incompétence, existence du même litige devant deux juridictions différentes, etc.
Incident : Contestation qui se greffe à une demande principale.
Questionnaire de la Cour : Ensemble des questions que la Cour d’assises pose pour se décider sur la culpabilité, l’accessibilité d’un accusé à la sanction pénale et l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes.
Délibération : Séance pendant laquelle les trois magistrats et les quatre assesseurs composant la Cour d’assises se retirent pour prendre une décision.
Piquet d’honneur : Groupe d’éléments de défense ou de sécurité positionnés pour rendre les honneurs à une autorité civile ou militaire.
Arrêt de condamnation : Décision par laquelle la Cour d’assises déclare l’accusé coupable et prononce la sanction pénale.
Arrêt d’acquittement : Décision par laquelle la Cour d’assises déclare un accusé non coupable.
Intérêts civils : Réparation du préjudice subi par la partie civile ; devant la Cour d’assises, la décision sur les intérêts civils est prise séparément, après l’arrêt de condamnation.
50. Clôture de la session : Cérémonie au cours de laquelle les autorités de la Cour d’appel procèdent solennellement à la clôture de la session d’assises