Constatant l’absence des avocats de la défense et ceux de la partie civile, le Président Mahamadou Berthé a suspendu jusqu’à ce lundi 5 décembre 2016, la session supplémentaire de la Cour d’Assisses de Bamako en transport à Sikasso devant laquelle comparaissent le général Amadou Haya Sanogo et 16 coaccusés pour répondre de crimes d’enlèvement et d’assassinat de 21 bérets rouges.
Vendredi 2 décembre 2016, c’est le grand mouvement devant la salle Lamissa Bengaly de Sikasso où se tient la session supplémentaire de la Cour d’Assises devant laquelle comparaissent le général Amadou Haya Sanogo et 16 coaccusés. A la différence du premier jour, la sécurité est renforcée à l’intérieur et à l’extérieur de la salle. Des hommes en armes sont même visibles sur les toits de certains immeubles dans les alentours.
A 8h 37mns, Yamoussa Camara fait son entrée dans la salle d’audience suivi d’Ibrahim Dahirou Dembélé et d’Amadou Haya Sanogo en costume cravate et lunettes noires. Contrairement au premier jour, ils se soumettent à une fouille corporelle. Les autres accusés arrivent aux environs de 8h 50mns. Ils prennent tous place dans le box des accusés. Cette fois-ci, les surveillants de prison encadrent les accusés et les séparent. Un invité surprise s’annonce, en la personne de l’honorable Oumar Mariko qui se soumet aux fouilles comme tout le monde. Dans la salle, l’honorable Mariko serre les mains de quelques accusés. Un surveillant vient souffler à son oreille de mettre fin à ce geste. Avec l’aide de l’huissier, on lui indique une place sur la deuxième rangée devant les familles des victimes.
Le temps passe. Les membres de la Cour et les avocats se font attendre. Maîtres Boubacar Karamoko Coulibaly, Mamadou Camara et Boubacar Soumaré font leur entrée dans la salle avant de se retirer aussitôt après. Le Procureur général près la Cour d’Appel, Mamadou Lamine Coulibaly, multiplie les va-et-vient entre la salle d’audience et l’extérieur. A un moment donné, Me Harouna Toureh pénètre dans la salle et se dirige vers la porte d’entrée des membres de la cour, il ressort à son tour après quelques minutes d’observation.
Vers 10h 05 mns, soit un retard de plus d’une heure, le Président Mahamadou Berthé et les membres de la Cour s’installent. Le Président appelle un à un les accusés qui se présentent à la barre. Ensuite, il appelle les parties civiles qui restent à leur place. Il lit la liste des témoins de la défense. Sur demande de l’avocat général, Mohamed Maouloud Najim, occupant le banc du ministère public, le Président passe sur la liste des témoins de l’accusation.
Entre temps, Oumar Mariko quitte la salle en catimini. Le Président de la Cour constate l’absence des avocats de la défense de même que ceux de la partie civile aux côtés de leurs clients et interpelle le ministère public. Mohamed Maouloud Najim prend la parole et fait le constat que les avocats ont décidé de ne pas se présenter à cause des mesures de sécurité prises. « À l’impossible nul n’est tenu. Nous ne pouvons que demander la suspension jusqu’à lundi pour continuer les difficiles négociations avec les parties », lance-t-il.
Le Président appelle à la barre l’accusé Issa Tangara. « Je n’ai rien à dire sans mes avocats », déclare-t-il. L’ex-n°2 de la junte militaire de Kati, Amadou Konaré souhaite prendre la parole mais un autre accusé veut l’en empêcher en lui tirant le boubou. Malgré tout, Amadou Konaré s’avance à la barre pour dire ceci : « Pour la suspension, nous nous soumettons à votre sagesse, votre appréciation ». L’ancien chef d’état-major général des armées, Général Ibrahima Dahirou Dembélé, estime qu’il serait difficile de continuer ce procès sans les avocats. Amadou Haya Sanogo, constatant l’absence des conseils, déclare : « Nous saurons après les raisons de leur absence. Nous sommes pressés de dire notre part de vérité » sous les applaudissements d’une partie de la salle acquise à sa cause. Après avoir écouté quelques accusés, le Président Berthé se tourne vers ses collègues magistrats et échange avec eux pendant quelques minutes. « La Cour constate l’absence des avocats de la défense et de la partie civile. La Cour ordonne la suspension de l’audience jusqu’au lundi 05 décembre à 9 heures », prononce Mahamadou Berthé.
Les forces de sécurité encadrent le public. A la sortie de la salle, les partisans d’Amadou Haya Sanogo contournent le dispositif de sécurité et viennent l’acclamer. En guise de reconnaissance, le général Sanogo salue ses partisans d’un geste de la main avant de s’engouffrer dans son véhicule V8. L’intérieur aussi bien que l’extérieur de la cour abritant la salle Lamissa Bengaly sont un peu agités.
Les avocats échangent avec les journalistes. Me Harouna Toureh déclare que ce n’est pas un refus. Ils réclament l’octroi d’une salle appropriée de travail et l’accès à la salle avec leurs téléphones portables. « Ce n’est pas un refus. C’est un combat pour la dignité et l’honneur de l’avocat. On veut défendre la dignité de l’avocat», déclare pour sa part Me Moctar Mariko, l’un des avocats de la partie civile. L’honorable Oumar Mariko, au milieu des avocats, jubile en voyant la foule remontée contre les forces de l’ordre.
Au bord du goudron, quelques dizaines de partisans de Sanogo scandent des slogans ‘’Libérez Sanogo’’. Ils tentent d’envahir le goudron. Les éléments de la garde nationale travaillent énergiquement pour dégager la voie afin de permettre au cortège de passer. Pour dissuader la foule, des véhicules foncent sur elle à vive allure. Quelques avocats de la défense avancent en direction de la foule pour tenter de calmer le jeu.
Dans l’après-midi, vers 15 heures, les lieutenants du Procureur général, Mohamed Maouloud Najim, Karamoko Diakité, Ladji Sara et Boubacar Sidiki Samaké montent au front et rencontrent la presse dans la salle de conférence de l’hôtel du Cinquantenaire pour faire part de leur surprise. Ils annoncent l’installation de deux stands équipés à côté de la salle d’audience dans lesquels les avocats peuvent déposer leurs téléphones et autres effets personnels. Ils annoncent aussi l’ouverture imminente des négociations avec les avocats durant le week-end avec l’implication du bâtonnier de l’ordre des avocats du Mali. L’objectif est de tout mettre en œuvre pour faire revenir les avocats.
Chiaka Doumbia *envoyé spécial à Sikasso*
Les velléités des partisans d’Amadou Haya Sanogo
Des partisans d’Amadou Haya Sanogo ont quitté Bamako et Kati pour se rendre à Sikasso dans le but de perturber ce procès. Si les renseignements obtenus par la gendarmerie nationale ont permis de déjouer leur plan le premier jour du procès, ils ont affiché le vendredi dernier leurs velléités perturbatrices. Il nous revient de sources crédibles que les gens qui crient dans la salle à chaque prise de parole de Sanogo sont des militaires en civil. Ceux-ci ont effectué le déplacement pour la cause.
De mêmes sources, on apprend que les fans de l’ancien chef du CNRDRE ont pris en location deux ou trois villas dans lesquelles ils sont logés. Les perturbations dans la salle d’audience et à l’extérieur sont donc planifiées. D’une part, elles viseraient à faire croire que les accusés, notamment le général Sanogo, bénéficient d’un soutien populaire. D’autre part, elles entreraient dans le cadre d’une vaste opération de sabotage de ce procès.