Les avocats de la défense ont demandé le renvoi du procès et la liberté provisoire pour leurs clients, estimant que la procédure est entachée d’irrégularités. Leurs confrères de la partie civile et le parquet général s’opposent à ces demandes. La décision de la Cour est attendue aujourd’hui
Le procès Amadou Aya Sanogo et autres accusés a repris hier à Sikasso en présence effective de 17 témoins sur les 21 régulièrement cités par le parquet général. Cependant, les avocats de la défense ont demandé à la Cour de renvoyer le procès jusqu’à ce que tous les témoins puissent comparaitre à la barre à l’exception du guide spirituel Ousmane Madani Chérif Haïdara. Ils ont, en outre, demandé à la Cour d’accorder la liberté provisoire à leurs clients. En réponse, le président de la Cour, Mahamadou Berthé, a rejeté ces deux demandes qu’il a jugées sans objet. En conséquence, il a décidé la poursuite des débats, tout en précisant que les témoins seront entendus à la barre au fur à mesure que le procès va avancer. Les avocats des accusés sont revenus à la charge en soulevant des exceptions sur des irrégularités liées, selon eux, à la procédure. Ces irrégularités sont, à leur entendement, suffisamment graves pour renvoyer le procès à la prochaine session de la Cour d’assises. Si la Cour accédait à cette demande des avocats, elle serait amenée à accorder la liberté provisoire aux accusés actuellement en détention. Dans la première exception, Me Cheick Oumar Konaré et ses confrères de la défense soutiennent que contrairement aux dispositions du Code de procédure pénale, les accusés n’ont pas eu connaissance d’un certain nombre de pièces du dossier avant leur comparution devant la Cour d’assises. Il ont cité à ce propos les procès verbaux de l’enquête préliminaire, les déclarations écrites des témoins et le rapport d’expertise. L’examen de ces pièces aurait permis aux accusés de mieux préparer leur défense avant l’ouverture du procès, ont soutenu les avocats. La deuxième exceptions soulevée par les avocats de la défense porte sur l’incompétence de la Cour d’assises de juger «une affaire militaire». Selon eux, les infractions reprochées à Amadou Aya Sanogo et ses co-accusés sont des infractions militaires et non de droit commun. Les accusés, les victimes et la plupart des témoins sont des militaires, ont argumenté les avocats de la défense qui ont, en conséquence, demandé au président de la Cour de se dessaisir de cette affaire et de la transmettre au Tribunal militaire de Bamako. La défense a objecté aussi, dans sa troisième exception, que la Cour d’assises est incompétente pour juger le général Yamoussa Camara. En appui à leur avis, les avocats ont argué que celui-ci était membre du gouvernement au moment des faits. Donc il doit normalement être jugé par la Haute cour de justice. Quatrième exception : le rapport d’expertise qui se trouve dans le dossier n’est pas tout à fait crédible car ses auteurs n’ont jamais prêté serment devant un juge, a relevé la défense qui a pointé aussi comme irrégularité le fait que la plupart des accusés sont sous mandat de dépôt depuis plus de trois ans. Or, ont-ils relevé, la durée légale de la détention préventive ne doit pas dépasser trois ans. En réaction, les avocats de la partie civile, emmenés par Me Hamidou Diabaté, ont battu en brèche les arguments de leurs confrères de la défense en précisant que l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation «purge toutes les exceptions» liées à la procédure. Avis partagé par l’avocat général Mohamed Maouloud Najim qui a accusé les avocats de la défense de tout mettre en œuvre pour faire échouer le procès. Il a fait remarquer que les exceptions auxquelles la défense s’accroche pour atteindre son objectif tombent avec l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation. Pour lui, les avocats de la défense sont de «beaux parleurs» qui sont là pour impressionner le public et non la Cour. Le président de la Cour donnera ses réponses aux exceptions aujourd’hui avec la reprise de l’audience prévue à 11 heures. En attendant le public de Sikasso retient son souffle. Certains habitués de la Cour d’assises pensent que le procès va inévitablement entrer dans le vif du sujet.
Envoyés spéciaux
M. KEITA
N. SAMAKE