A son arrivée au pouvoir, Sarkozy promit un engagement continu de la France en Afrique, basé sur un calcul des intérêts plutôt que sur des sentiments, considérés maintenant comme des reliques du passé. Il appela les africains à relever ce défi et à traiter la France et les autres pays sur la même base.
Les grandes lignes de la nouvelle politique de Sarkozy furent reçues avec plus ou moins d'acceptation. Le discours de Dakar en juillet 2007, comprenait des excuses pour le passé colonial de la France.
Mais le président français a également suggéré que les africains devraient reconnaître qu'ils ont aussi tiré avantages de la période coloniale. Il déclara que les africains devraient être plus autonomes, moins dépendants, qu’ils devraient prendre en charge leur destinée sans accuser le colonialisme comme obstacle. Certains africains accueillirent favorablement le discours comme une dose nécessaire de réalité, alors que d'autres affirmèrent que son appel était livré d'une manière paternaliste et condescendante.
Pour faire baisser la tension, le conseiller du président, Romain Serman, déclara plus tard que le discours de Dakar fut rédigé par Henri Guaino, conseiller spécial de Sarkozy, et n'avait été examiné ni par Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, ni par Bruno Joubert, « Mr. Afrique » de Sarkozy. Le ministère des affaires étrangères ne fut consulté non plus. Serman estima que le discours était trop provocateur, pas assez « diplomatique » et aurait dû être révisé.
Les discours de Lisbonne et de Cape Town reçurent un examen plus approfondi, et leur ton fut moins agressif, bien que leur contenu fût écrit sur la base des principes énoncés à Dakar. Le discours de Lisbonne, prononcé lors du Sommet UE-Afrique, souligna l'importance d'une Europe forte travaillant avec une Afrique forte. La pièce maîtresse du discours de Cape Town fut le changement de la posture militaire de la France en Afrique.
Le gouvernement français considère certains Accords de Défense, avec huit pays africains, comme manifestement absurdes et dépassés. D’après Serman, plusieurs accords donnent à la France des droits monopolistiques exclusifs sur les ressources naturelles des pays africains. « Personne ne fait attention à ça en réalité, donc nous devons nous débarrasser de tout cela et cesser de prétendre », ajouta-t-il.
La politique africaine de Sarkozy reconnut le rôle croissant de nouveaux pays comme la Chine. Elle fut favorable à un engagement accru des États-Unis pour faire contrepoids à l'expansion régionale de la Chine. Bien que sceptiques d'abord et sensibles à la protection de leur influence ensuite, les français ont peu à peu accepté les activités américaines telles que AFRICOM. Ils les trouvèrent peu menaçants pour leurs intérêts stratégiques.
Ces activités montrent d'ailleurs une nouvelle volonté des États-Unis de partager les responsabilités. Des responsabilités devenues trop lourdes pour la France. Sarkozy fut l’un des rares présidents français à être généralement favorables à l’engagement américain dans son « pré carré ». Cela permit aux États-Unis d'avoir une main plus libre en Afrique, du moins en ce qui concerne les français.
Néanmoins, dans la compétition pour les ressources naturelles de l’Afrique, les français restent préoccupés par l'influence grandissante de la Chine et pensent que les Chinois utilisent des méthodes qui ne sont plus pratiquées, du moins pas ouvertement, par la France et l'Occident. Ils expriment leur frustration de voir les Chinois opérer si efficacement et reconnaissent que de nombreux pays africains sont facilement séduits. Mais, ils sont également prompts à remarquer une hausse des sentiments anti-chinois en Afrique. Certains africains pensent que l’expansion de la Chine en Afrique est trop rapide.
Publiquement, l'attitude de Sarkozy fut que la France n'a aucune objection contre la présence de la Chine en Afrique, tant que les africains appliquent les mêmes règles aux Chinois qu’aux autres pays. Mais, en privé, le nouveau venant dans le jeu géostratégique n’est pas le bienvenu. Néanmoins, cette nouvelle « bataille pour l’Afrique » offre des opportunités aux africains pour défendre leurs intérêts.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe
Floride, Etats-Unis
amadou@amadouwane.com