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Polémique autour de la signature d’un accord de réadmission: pas de fumé sans feu
Publié le vendredi 16 decembre 2016  |  Info Matin
Cérémonie
© aBamako.com par Momo
Cérémonie de restitution de la fin du cinquième round des pourparlers intercalions d` Alger
Bamako, le 02 mars 2015. Hôtel Radisson Blu. Le ministre DIOP a organisé avec Zahabi et ministre KONATE, la cérémonie de restitution de la fin du cinquième round des pourparlers intercalions d` Alger
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Bernard Koenders, alias Bert, dont le passage à la tête de la Minusma reste encore dans la mémoire des Maliens, était ce week-end encore dans notre pays. Le Ministre des Affaires Étrangères du Royaume des Pays-Bas, dont le pays n’assurait plus la présidence de l’UE, depuis juillet dernier, y était, dit-on, au « nom de S.E Mme Federica MOGHERINI, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la commission européenne »

Selon le communiqué commun, rendu public, avant-hier dimanche (au moment où tous les Maliens avaient la tête dans le Maouloud), cette «visite s’inscrit dans le cadre du dialogue de haut niveau sur les questions migratoires, initié entre le Mali et l’Union européenne, depuis le sommet de La Valette (11 et 12 Novembre 2015), sur la migration ».
Tentative maladroite de diluer la vérité dans un verbiage diplomatique ? Pour les médias européens, il n’y a aucune équivoque : au terme de cette visite de Bert Koenders, un accord a été signé entre l’Union européenne et le Mali. Et cet accord vise notamment à favoriser le retour des demandeurs d’asile dans leur pays d’origine. Revirement de la position du Mali quant aux accords de réadmission ? Si ce l’est, c’est aussi une première africaine, qui voit un pays de forte émigration, accepter moyennant « des aides financières », sous prétexte de lutter contre «les causes profondes de la migration irrégulière», de s’engager à «favoriser le retour des migrants Maliens depuis l’Europe». Parce que, jusqu’à ce dimanche, aucun partenariat n’avait été conclu, aucun pays n’ayant accepté de signer…
Pour rappel, dans le cadre du plan d’action adopté entre États européens et africains, au terme du sommet de La Valette (Malte), sur l’immigration en novembre 2015, Bruxelles s’était engagé à aider financièrement l’Afrique pour endiguer les flux de migrants, contre la mise en place d’un fonds d’1,8 milliard d’euros.
Pour la plupart des confrères européens, qui font échos à l’information donnée par l’Afp, l’accord conclut entre l’Union européenne et notre pays « comprend des initiatives concrètes et précises pour aider les jeunes au travail, le renforcement des capacités des services de sécurité maliens et une meilleure collaboration avec les pays voisins «pour lutter contre les réseaux de trafiquants d’êtres humains et améliorer le contrôle des frontières». Neuf projets d’un montant de 145,1 millions d’euros ont été adoptés en ce sens, rapporte par exemple Le Figaro.
Pire, en contrepartie de cet accord de réadmission déguisé, signé en catimini par le gouvernement, à travers le ministre des affaires étrangères, et qui ne fera pas l’unanimité, notre pays accepte de jouer aux indics pour les européens en vue de chasser les migrants. Selon le quotidien français, Le Figaro, «des fonctionnaires maliens se rendront dans les pays membres de l’UE pour aider à déterminer l’identité des migrants afin d’accélérer leur retour», croit savoir le Figaro qui cite le communiqué qui évoque, précise-t-il, leur «réadmission et réintégration».
Or cette mention de fonctionnaires maliens qui vont la chasse de nos compatriotes en Europe pour les dénoncer ne figure nullement dans le communiqué publié au niveau local. Le communiqué laisse tout de même entendre que notre pays et l’Union européenne « ont rappelé leur détermination de renforcer leur coopération dans l’ensemble des domaines retenus lors du sommet de La Valette, notamment (…) le retour, la réadmission et réintégration des migrants en situation irrégulière, le tout en respect des engagements internationaux. » En d’autres termes : «l’accompagnement des retours d’Europe des personnes en situation irrégulières, sur la base des procédures standard, conclus entre les deux parties tout en respectant leurs obligations mutuelles »
Alors question : y a-t-il eu deux versions du communiqué, l’une pour la consommation locale, l’autre pour l’opinion européenne ?
Face à la polémique, qui prend de l’ampleur, dans les réseaux et forums de discussion, le ministère des affaires étrangères, de la coopération internationale et de l’Intégration africaine (qui s’en prend sélectivement au seul L’Orient Le Jour dans un communiqué rendu public hier lundi), « dément fermement ces informations mensongères du journal dont il ignore leurs vraies intentions ». Le Ministère des Affaires étrangères, qui crie à la désinformation et à la manipulation, affirme qu’ « il n’a été question de signature d’un quelconque accord qui permettrait d’expulser nos compatriotes en situation irrégulière en Europe ».
Au-delà de la polémique, dont on ne peut dénier toute légitimité, le démenti du ministère des affaires étrangères soulève beaucoup d’interrogations qui laissent planer, sur l’orgueil et la fierté nationale, un grand malaise.
En faisant remarquer qu’un « communiqué conjoint n’a pas la valeur juridique d’un accord en droit international », le ministère des affaires étrangères reconnaît-il implicitement qu’il a bel et bien signé l’accord ? A moins qu’il n’ait été désavoué, la remarque ne s’impose pas. Sauf si la thèse des deux versions du communiqué (commun et non conjoint), est réelle. Auquel cas, il fait un mauvais procès aux «journalistes » de n’avoir pas agi en professionnel.
Les Maliens le disent si bien : il n’y a pas de fumée sans feu.
Répondant à l’invitation du Ministère des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine «à lire le texte de communiqué commun qui a été largement diffusé», on ne peut s’empêcher de constater que parmi les domaines prioritaires sur lesquels les deux parties envisagent de renforcer leur collaboration figure bel et bien «l’accompagnement des retours d’Europe des personnes en situation irrégulières, sur base des procédures standard, conclus entre les deux parties tout en respectant leurs obligations mutuelles ».
Que faut-il entendre par retour d’Europe de personne en situation irrégulière ? Puisque nul part, il n’a été question de retour volontaire dans le communiqué, serait-il exagérer d’y voir une volonté sans équivoque de la part de notre gouvernement de parvenir, si ce n’est fait, à brève échéance enfin à ce qu’on appelle accord de réadmission sans le reconnaître.
Inclus généralement dans les accords de co-développement, les accords de réadmission s’inscrivent dans une vaste stratégie de l’Union européenne en matière de lutte contre l’immigration clandestine, visent à contraindre les pays d’émigration d’accepter de recevoir des personnes qui peuvent être, ou non, ses ressortissants, et qui viennent d’être expulsées par l’autre État.
En affirmant que «nulle part, il n’a été question de signature d’un quelconque accord qui permettrait d’expulser nos compatriotes en situation irrégulière en Europe. », l’on peut, sauf respect, demander au Ministère des affaires étrangères ce qu’il entend par «l’accompagnement des retours d’Europe des personnes en situation irrégulières, sur base des procédures standard, conclus entre les deux parties tout en respectant leurs obligations mutuelles ».
Le jeu de mot, comme on le voit, confond le Ministre des affaires étrangères dont la position est en totale contradiction avec celle jusqu’ici officielle de l’État malien : niet à tout accord de réadmission !
C’est bien beau de dire : « on n’a pas signé ». Mais les Maliens auraient été plus à l’aise d’entendre de leur gouvernement : «on n’en a pas discuté, tel n’est pas notre priorité, on ne signera pas ».
Mais hélas à partir du moment où le Ministère des Affaires étrangères n’a pas dit qu’il ne signera pas ; au contraire convient que «l’accompagnement des retours d’Europe des personnes en situation irrégulières, sur base des procédures standard, conclus entre les deux parties tout en respectant leurs obligations mutuelles » fait partie des priorités communes discutées avec l’Union européenne, quelle garantie peut-il encore donner aux Maliens qu’il ne franchira pas le Rubicon ? N’Don na ma ta, N’don baliya magni no yé wa ?
Un scandale de plus, pardon une déception de plus, qui si jamais elle se révélait exacte, sonnerait comme une trahison de tous nos compatriotes dont le poids économique, social et politique est loin d’être marginal dans le devenir de notre pays.
En tout cas, le président ATT, malgré les pressions dont il a subi, conscient de cette situation, l’avait refusé de lâcher les Maliens de la Diaspora et tenu bon jusqu’à sa chute.

PAR SIDI DAO
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