Les conclusions du dialogue de haut niveau sur les questions migratoires tenu le week-end dernier entre le Mali et l’Union Européenne continuent de susciter de vives polémiques qui ne sont pas prêtes de s’estomper. Le ministre néerlandais des affaires étrangères, Bert Koenders, a publié sur son site un communiqué dans lequel il affirme avoir conclu au nom de l’UE, un accord avec le Mali sur le retour des migrants en situation irrégulière. Le ministère des affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la coopération internationale du Mali dément la signature d’un tel accord. Face au tollé général, le ministre Abdoulaye Diop exige de l’UE et des Pays-Bas un démenti officiel. Le 16 décembre, l’Ambassade des Pays-Bas au Mali publie une note verbale dans laquelle elle fait état de la signature d’un communiqué conjoint et non d’un accord.
La question est d’une extrême sensibilité. Pour le Gouvernement de la République du Mali, elle est à la fois encombrante et embarrassante. Dans les foyers et les familles, c’est la grogne avec des tensions perceptibles. Et cela se comprend aisément. Selon le rapport national sur le développement humain, édition 2016, les transferts de fonds des migrants sont plus importants que l’aide publique au développement (APD).
En 2010, les envois de fonds des travailleurs reçus au Mali étaient chiffrés à 291,7 milliards de nos francs contre 198,14 milliards d’aide publique au développement. En 2012, lorsque tous les pays occidentaux avaient suspendu leur coopération avec le Mali en pleine crise, les travailleurs migrants ont envoyé au pays 367,4 milliards. De 2010 à 2013, les fonds transférés par les travailleurs migrants sont non seulement nettement supérieurs à l’aide publique au développement mais aussi au budget spécial d’investissement (BSI).
Le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Kéïta s’est mis dans une situation difficile vis-à-vis d’une frange importante de son opinion mais aussi d’un partenaire stratégique comme l’Union Européenne. D’un côté, en essayant de tenir tête à l’UE, il y a de forts risques que le robinet soit fermé. Il serait trop naïf de croire que les offensives diplomatiques en direction de Bamako de la part de certaines capitales occidentales sont faites pour les beaux yeux des maliens ou de leur Président. L’UE cherche à sauvegarder ses intérêts qui ne sont pas forcément ceux du Mali.
De l’autre côté, le Président IBK dont la tête serait probablement dans les préparatifs de son second mandant, est obligé de ménager une opinion qui ne manquera pas de lui rappeler, au moment opportun, ses belles promesses de campagne en 2013 relatives à la protection des maliens de la diaspora. L’un des problèmes de l’actuelle gouvernance est que ceux ou celles qui sont aux commandes de l’Etat ne perçoivent pas jusque-là les signaux d’une exaspération populaire. En lieu et place d’une analyse objective de la situation qui requiert une certaine lucidité, ils se versent dans le déni de la réalité en allant à la recherche de boucs émissaires.
Face à l’incapacité des gouvernements africains à offrir de l’emploi à la jeunesse, de milliers de jeunes gens ne trouvent d’autres alternatives telles que la migration vers l’Europe. Ce sont ces mêmes nations occidentales qui aident l’élite dirigeante affairiste et corrompue à piller les ressources naturelles et les matières premières au profit de leurs multinationales. L’Europe n’a aucune volonté de résoudre le problème migratoire. Et nos dirigeants ne songent qu’à satisfaire leur soif de pouvoir même si cela passe par le sacrifice des intérêts du peuple.