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2017: Année de la confirmation du « big bazar » ou du retour au politiquement correct
Publié le vendredi 30 decembre 2016  |  aBamako.com
Primature:
© aBamako.com par mouhamar
Primature: La passation de pouvoirs entre le PM sortant Moussa Mara et le PM entrant, Modibo Keita
Bamako, le 09 janvier 2015. La passation de pouvoirs entre le Premier ministre sortant, Moussa Mara et le Premier ministre entrant, Modibo Keita a eu lieu ce vendredi à la Primature.  
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Chers amis,

Au moment où on ferme le chapitre de l’année 2016 au profit de 2017, il me plait d’exprimer des vœux de succès individuel et collectif pour chacun, dans la santé, la paix, la sécurité et la communion de cœur entre nous tous.

L’année 2016 fut, à maints égards, celle de chambardement dans le monde et du largage d’amarres vers des horizons inconnus et incertains. Elle vit l’Occident, à travers des consultations électorales, opter pour le repli sur soi, le nationalisme et la fragmentation sur fond de péril terroriste islamiste et de conflits larvés de religion voir de modèles de sociétés. Cette tendance à la fermeture des frontières, à la droitisation des discours politiques est encore perceptible en Europe et les prochaines élections générales en France en seront forcément impactées comme on le voit avec les primaires de la droite et du centre.

Sous nos tropiques, l’année 2016 fut moins mouvementée politiquement et s’est traduite par la confirmation au pouvoir de nombreux dirigeants, quelquefois aux affaires depuis plusieurs dizaines d’années. Comme si les vagues du changement, la volonté des nouvelles générations de remettre en cause les ordres établis, l’inefficacité à répondre aux attentes des populations ne suffisaient pas à convaincre ou à contraindre les tenants du pouvoir à passer la main. Comme si un ordre immuable s’imposait aux Africains, nonobstant les évolutions perceptibles ailleurs.

Cependant, en Afrique comme ailleurs, il est de plus en plus clair que la donne politique évolue. 2017 devrait confirmer cela. 2016 l’a démontré à travers les élections au Benin, au Gabon dans une certaine mesure et récemment au Ghana et en Gambie. Il sera de plus en plus difficile de s’imposer parce que l’on est simplement au pouvoir en comptant exclusivement sur le poids de l’administration, les moyens financiers et logistiques ou encore la force militaire.

D’abord le vent de fragmentation et de repli sur soi évoqué en introduction amènera les puissances extérieures à se concentrer sur leurs propres affaires. La relative indifférence qu’elles manifesteront à l’égard du monde s’illustrera aussi par le peu d’appétence pour des ingérences politiques se traduisant souvent par le soutien aux coups de force électoraux des pouvoirs en place. On risque de voir plus souvent les dirigeants du monde laisser les africains gérer leurs affaires ou faire confiance aux modes multilatéraux de règlement des crises. La doctrine du « ni ingérence ni indifférence », avec des implications socio-économiques, risque d’être une règle usitée politiquement. Ce ne sera pas plus mal car cela responsabilisera les Africains et les incitera à moins calculer les soutiens extérieurs que les ressorts internes pour résoudre leurs difficultés.

Le poids démographique, l’urbanisation avec son impact sur la conscience politique des jeunes, l’éducation croissante des populations, la structuration d’une conscience citoyenne et frondeuse au sein de la société civile et les évolutions technologiques prodigieuses rendent les africains de moins en moins malléables par les élites socio politiques et de plus en plus capables de s’engager dans des dynamiques de changement. La ville de Kinshasa illustre bien ce cocktail très difficile à gérer pour nos dirigeants et qui le sera de plus en plus. Les villes capitales de manière générale, souvent opposées aux pouvoirs en place, seront à la tête de cette structuration des sociétés civiles africaines.

Ensuite la diaspora, dans ce vent où le temps et la distance sont domestiqués par Internet, les réseaux sociaux et leurs implications profondes sur nos habitudes socio-économiques et culturelles, se fait entendre.
Cette partie de la population africaine, plus éduquée que la moyenne, plus informée sur les enjeux mondiaux, plus concernée par la situation du Continent et déjà très active économiquement, va avoir un rôle politique de plus en plus affirmé. Cela sera providentiel pour l’Afrique car nous n’avons donné que peu de place à la diaspora dans la gouvernance politique et économique de nos pays. Nous ne voyons souvent en elle qu’un « portefeuille » prompt à envoyer des subsides pour notre consommation. Nous devons désormais compter avec ses scientifiques, ses investisseurs, ses acteurs de la société civile, qui seront autant de contrepouvoirs demain. Avec des conséquences encore insoupçonnées aujourd’hui.

Enfin l’intelligence politique des opposants devrait s’accroitre pour offrir une alternative crédible aux populations. C’est ce qui a fait la différence au Ghana et en Gambie et c’est également ce dont font montre les oppositions en Afrique australe. Ceux qui s’inscrivent dans une démarche d’alternance comprendront de mieux en mieux qu’il faut présenter aux électeurs un projet crédible plutôt que des incantations et invectives. Ils intègreront également le facteur de la personnalité du candidat dans un contexte où les citoyens votent davantage l’individu que le projet. N’importe qui ne peut être Chef de l’Etat. Les forces politiques alternatives s’ingénieront aussi à réussir l’unité de leurs regroupements et s’engageront à mieux maitriser la logistique électorale et les mécanismes juridiques et administratifs qui sont tout aussi cruciaux.

Le monde qui se dessine sous nos yeux porte de nombreuses incertitudes. Il est porteur de germes nationalistes, égocentriques et quelquefois bellicistes. Il tourne lentement mais surement le dos à la solidarité internationale, à l’ouverture et la collaboration entre les nations dans le cadre et avec le souci de la prospérité partagée. Le multilatéralisme socio-économique et politique, s’illustrant par des traités et des engagements globaux, risque de laisser place au « donnant-donnant » pragmatique dans l’intérêt bien compris des nations puissantes. Cet environnement porteur de menaces à court terme, peut paradoxalement favoriser sur différents plans, le renouveau africain. À condition que nous ayons l’intelligence et l’énergie de procéder aux changements politiques qui s’imposent. À condition aussi que nos élites se tournent vers leurs pays, comptent sur leurs pays, et s’engagent dans un partenariat responsable et durable avec leurs populations.
L’année 2017 sera-t-elle celle de la prise de conscience, par l’Afrique, qu’elle doit compter d’abord sur elle-même ? Je le souhaite vivement.

Excellente année à tous !

Moussa MARA
Ancien Premier ministre du Mali
www.moussamara.com
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