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Dans le chaos de Gao, le colonel Maïga, un "homme de droit"
Publié le lundi 25 fevrier 2013  |  AFP


© Autre presse par DR
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GAO (Mali) - Dans le chaos de Gao, le colonel de gendarmerie Salihou Maïga se veut un "homme de droit". A 58 ans, ce Malien du Nord, revenu chez lui fin janvier, se dit prêt à traduire en justice ceux, y compris les militaires, qui se livreraient à des exactions.

En accueillant une équipe de l’AFP dans sa gendarmerie, une ancienne polyclinique, le colonel Maïga promet la "transparence" alors que, depuis le début de l’offensive contre les groupes islamistes armés dans le nord du Mali, des ONG et médias ont mis en cause l’armée malienne pour des exactions, voire des exécutions sommaires.

Dans l’entrée, cinq détenus sont assis ou allongés sur le sol. "On est installés ici parce qu’on n’a pas de local", s’excuse le colonel Maïga. Après dix mois d’occupation islamiste, Gao, à 1.200 km de Bamako, n’a plus d’administration et les bâtiments publics ont été pillés.

Un Touareg d’une soixantaine d’années, barbu et coiffé d’un turban, hèle le colonel. Il réclame un interprète en langue tamasheq, mais "il est un peu tard, il est déjà rentré chez lui", explique un gendarme.

"La population d’Ansongo l’a dénoncé. Selon la clameur publique, c’était lui le commandant de cercle du Mujao" (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest), un des groupes armés qui ont occupé le Nord en 2012, raconte le colonel Maïga.

L’homme nie de la tête. "Il dit que c’est pas vrai.... Mais on va le déférer à Bamako pour qu’il soit présenté à un juge qui décidera".

Le colonel Maïga fait ensuite chercher "Ousmane", un Nigérien de 23 ans qui s’est présenté samedi avec son arme à la gendarmerie.

"Il nous a dit qu’il voulait abandonner le Mujao pour se rendre", explique l’adjudant Mohamed Ibrahim qui a procédé à son audition.

Le jeune homme, efflanqué, porte une profonde marque violette autour du cou, comme s’il avait été attaché ou pendu. "Il est arrivé comme ça, peut-être a-t-il été pris par des villageois. Il disait seulement qu’il avait faim", dit
l’adjudant.

"Au Niger, il a apris que le Mujao recrutait des gens qui étaient très bien payés. Alors, il est venu, mais en deux mois il n’a pas touché un sou", affirme le colonel Maïga.

"Ils viennent pour mourir"

Le jeune homme aux immenses yeux sombres participait aux patrouilles du Mujao. Comme tous les suspects de "terrorisme", il devrait être présenté à un juge, à Bamako ou Sévaré (centre).

En attendant, Ousmane rejoint la "cellule" d’un pas vacillant. "C’est une cellule de fortune", dit un peu gêné le colonel Maïga. A l’intérieur du réduit de moins de 4 m2, éclairé par une minuscule fenêtre à barreaux, huit hommes, jeunes pour la plupart, assis à même le sol.

La chaleur est étouffante, l’odeur d’urine suffoquante.

Les prisonniers y sont enfermés depuis au "maximum trois, quatre jours", selon les gendarmes.

Depuis son arrivée le 27 janvier à Gao, au lendemain de l’entrée dans la ville des forces françaises et maliennes, le colonel Maïga a fait déférer une trentaine de détenus: "C’est peu mais c’est que les autres sont morts! Il faut bien comprendre que ces gens ne viennent pas pour combattre et se replier. Ils viennent pour mourir".

Selon le témoignage d’Ousmane, de nombreux combattants du Mujao ont déserté le mouvement depuis qu’il a fui devant l’avancée des forces françaises et maliennes. "Il nous a dit que certains avaient été rattrapés et sont maintenant prisonniers du Mujao", précise l’adjudant Ibrahim.

Un autre détenu nie avoir appartenu au Mujao. "J’ai jamais été Mujao! On m’a arrêté pour rien", hurle-t-il. Selon les gendarmes, l’homme était pourtant connu à Gao pour être le "petit" (proche collaborateur) de "Yoro", un des cadres du Mujao dans la ville.

Dès son arrivée, le colonel Maïga a expliqué les "règles" à ses hommes. "A Bamako, j’étais formateur des officiers de police judiciaire".

"Dans cette gendarmerie, il n’y pas eu une seule exaction. Nous n’avons frappé, ni insulté personne. Nous faisons notre travail dans le respect des valeurs républicaines", dit-il.

"Nous n’avons pas le droit aux exactions et nous sommes là aussi pour que les militaires n’en fassent pas", assure-t-il.

Interrogé sur les accusations portées par des organisations de défense de droits de l’homme, le colonel Maïga affirme que "s’il y a des preuves", il n’hésitera pas à poursuivre des militaires.

"Même après une rébellion, même après une situation insurrectionnelle, il faut respecter le droit!", martèle-t-il avec conviction.

Par Anne LE COZ

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