Tout le Mali, peut-on dire, est pratiquement en chantier. Dans la quasi- totalité des régions en effet, des infrastructures routières sont en train d’être réalisées ou en voie de l’être. Rien que le 13 novembre dernier, le Président IBK (dans le cadre du programme routier 8 de l’UEMOA) a procédé dans le cercle de Kolondiéba, au lancement des travaux de bitumage de la route Zantiébougou-Kolondiéba-frontière Côte d’Ivoire. Il y a donc une volonté politique manifeste de travailler au désenclavement du pays.
Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir le Plan national de développement économique et social. L’on peut saluer cette option affichée du gouvernement. Car, dit-on, « la route du développement passe par le développement de la route ». Mais dans le même temps, il sied d’ouvrir l’œil et le bon sur un certain nombre de tares qui, si on n’y prend pas garde, risquent de compromettre les objectifs pour lesquels les infrastructures routières sont construites. Et ces tares, le Mali les traîne depuis toujours. Le point culminant de ces défectuosités physiques dans la réalisation de nos pistes et routes, a été atteint sous le règne d’ATT.
À l’origine de ce triste constat, l’on peut pointer du doigt les accointances criminelles entre le monde politique et celui des affaires. De ce fait, les entreprises qui ont la responsabilité de construire nos routes, le font avec une telle légèreté que celles-ci commencent à se dégrader avant même d’être réceptionnées officiellement. Et quand on pense que tout au long de leur réalisation, des équipes de contrôle techniques ont été associées, il y a de quoi y perdre son latin. De deux choses l’une : soit les agents qui ont assuré le contrôle technique sont incompétents au point qu’ils ignorent les rudiments de leur métier, soit on leur mouille la barbe de sorte à ce qu’ils ferment, hermétiquement, les yeux pour ne pas voir les mauvaises pratiques des entreprises. Au regard du fait que la corruption était pratiquement érigée en sport national, et rien ne dit qu’aujourd’hui, la tendance a été vraiment inversée, l’on peut privilégier la deuxième hypothèse. Les infrastructures routières réalisées dans ces conditions, constituent une véritable entrave au développement.
Tant que les mauvaises pratiques ne seront pas énergiquement combattues, le Mali aura toujours mal à ses infrastructures routières
En effet, leur durée de vie est très éphémère. Dans le meilleur des cas, elles deviennent vétustes avant 10 ans. Et leur lot commun, ce sont ces nids-de-poules pour ne pas dire d’éléphant, qui causent d’énormes préjudices aussi bien aux engins qu’aux usagers. Et quand on sait que l’État les a réalisées en contractant des prêts que les générations présentes et à venir vont rembourser, l’on peut aisément mesurer l’ampleur du gâchis que cela représente. De manière générale, nos routes souffrent de 3 grands maux.
Le premier est lié à leur conception. À ce niveau, l’on peut avoir l’impression qu’elles sont construites sans tenir compte de la croissance démographique si fait qu’au bout de quelques années, elles sont dépassées. Quand on vise l’émergence, l’on doit développer la culture de l’anticipation et de la prospective dans tout ce que l’on réalise.
Le deuxième mal, c’est le manque de qualification de certaines entreprises qui officient dans le domaine. Mais comme c’est un domaine où en un tour de main, l’on peut devenir milliardaire, tout le monde est enclin à s’improviser entrepreneur de travaux publics. Il suffit, pour cela, de se faire enregistrer comme tel et la méthode des bras longs et des copinages se chargera de faire le reste.
Le troisième grand mal est lié à l’entretien. Là, l’on peut avoir l’impression que c’est le « laisse guidon » qui est de mise. La conséquence immédiate est que les petites crevasses qui font leur apparition sur les routes, ont tout le temps de se transformer en cours d’eau sans que personne ne lève le petit doigt pour arrêter les choses pendant qu’elles peuvent encore être rattrapées. Et l’éboulement de la route, longue de 40 Km, reliant les communes rurales de Faladié et de Néguala dans le cercle de Kati en 2013 pendant la saison des pluies, est l’illustration parfaite de ce laisser-aller. Le gouvernement avait promis des enquêtes et des sanctions. Mais jusque-là, des têtes ne sont pas tombées.
À ces trois grands maux, se greffent des actes inciviques des populations et des usagers, qui peuvent se décliner en termes de surcharges, de dégradation des routes via le ramassage des gravillons et le fait de brûler des pneus sur la chaussée. Tant que toutes ces mauvaises pratiques ne seront pas énergiquement combattues, l’on aura beau construire des routes, l’on peut être sûr que le Mali aura toujours mal à ses infrastructures routières. C’est pourquoi le gouvernement doit prendre la vraie mesure du péril afin de lui trouver des solutions idoines. C’est le prix à payer pour que le programme présidentiel, dans son volet désenclavement, soit à la hauteur des attentes de la population et des exigences du développement.
Mariam Konaré