La question des accords de réadmission de nos compatriotes en situation irrégulière a envahi l’actualité malienne et, sur fond de dénégations, le Gouvernement n’arrive pas à satisfaire à la demande de vérité de la diaspora malienne aussi bien que de l’opinion publique domestique.
Mon sentiment est que cela est contre-productif. Le Gouvernement devrait reconnaitre qu’il y a bien un accord de réadmission entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest. Cela parce qu’ils sont inclus dans les Accords de Partenariat Économique que l’Europe a contraint les pays africains à signer.
Il devrait également, reconnaitre que depuis le Sommet de La Valette, sur l’immigration des engagements ont été imposés à nos pays. Ces mesures sont très claires et prévoient je cite « dans le cadre des accords déjà existants » :
« Renforcer la capacité des autorités des pays d’origine à répondre en temps utile aux demandes de réadmission, y compris au moyen de missions effectuées dans des pays européens par des agents de pays africains afin de vérifier et de déterminer, en vue de leur retour, la nationalité de migrants irréguliers. De telles missions d’identification auront lieu au premier trimestre de 2016 avec au moins dix pays africains, sur une base volontaire ».
Ce Plan d’action de La Valette permet de contourner une révision de l’article 13 de l’Accord de Cotonou en insérant « Une clause de réadmission contraignante et automatique, sans passer par des accords bilatéraux complémentaires ».
Cela signifie qu’un simple communiqué « volontaire » suffit à déclencher le processus. Aussi le Gouvernement peut nier avoir signé un accord, se faisant, il démontre qu’il n’a pas compris ce dans quoi il s’engageait depuis 2014. Et ceci n’est qu’un début au regards des conséquences économiques graves à venir des APE.
Le Ministre Néerlandais des Affaires Étrangères n’a pas trompé le Mali, il a juste saisi notre méconnaissance des engagements que nous avions accepté. La déclaration de La Vallette aurait pu rester lettre morte puisqu’adoptée sur une base volontaire. C’est ce communiqué conjoint qui fait du Mali le premier volontaire sur les dix prévus. Cela n’avait pas lieu d’être. Par conséquent, le tir doit être corrigé.
Le Mali doit avoir le courage d’affirmer à l’Europe, publiquement, qu’il ne peut poursuivre l’application de telles mesures, sans risquer d’exposer le pays à une préjudiciable instabilité politique et sociale. Cela ne veut pas dire, pour autant, que le Mali cautionne l’immigration illégale. Cela signifie simplement que pour satisfaire ses impératifs de politique interne l’Europe ne peut provoquer l’instabilité dans des pays amis.
Qu’elle ne peut railler l’Amérique de Trump de construire des murs, et elle même ériger des barrières invisibles tout aussi injustes.
Si l’on ne peut reprocher à l’Europe de protéger ses frontières, voire même de chercher à contrer la montée des populisme, elle devrait néanmoins être lucide quant au danger qu’elle encourt à trop caporaliser l’Afrique. L’expulsion de maliens ne résoudra ni les problèmes de chômage, ni la panne de croissance qu’elle connait. Or l’ostracisme à l’endroit des Africains ne fera que renforcer la fracture entre les peuples et fermenter les rancœurs.
Il revient au Président de la République, à l’orée de 2017, de rétablir le contrat de confiance socle de son avènement, comme il lui appartient de rassembler les maliens. Cela est évident pour les communautés du Nord au Sud, cela devient pressant pour les maliens de la diaspora, qui aujourd’hui réclament son intercession face aux tribulations que leur imposent aussi bien les administrations occidentales que les autorités consulaires plus soucieuses d’elles-mêmes que du service aux maliens de l’extérieur dont les efforts et les apports sont connus de tous.
Déjà des jeunes maliens courageux occupent le Consulat à Paris. Ce mouvement est loin d’être anecdotique. Il est l’expression d’une colère, d’une frustration et d’une dignité bafouée. Le balayer d’un revers, le considérer comme politisé ou penser qu’il s’agirait d’ennemis du peuple serait une erreur voire une faute politique.
Dieu veille.