Rarement, une retrouvaille d’hommes et de femmes de divers horizons aura accouché de choses sérieuses dans notre pays. Juste après la tenue du Conseil Central du 27 décembre, les responsables et délégués de l’UNTM se retrouvèrent en congrès extraordinaire. C’était le mercredi 28 décembre. A l’issue des travaux, ont noté les observateurs, la Centrale syndicale s’est dotée de nouveaux instruments en harmonie avec l’évolution de la société et du monde. Point de surprise car en 2013, M. Yacouba Katilé et ses camarades du nouveau Bureau Exécutif avaient fait le pari d’apporter du sang neuf dans l’animation syndicale. Or, cela passait forcément par un toilettage des textes.
Aujourd’hui, c’est donc chose faite. Le pari est gagné. L’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) fonctionnera désormais avec de nouveaux instruments. Autrement dit, de nouveaux Statuts et Règlement intérieur. Ainsi, en ont décidé les responsables et délégués du Congrès Extraordinaire du 28 décembre 2016, le 15ème du genre. C’est le contraire qui aurait étonné.
Déjà dans son discours d’investiture en avril 2013, le nouveau Secrétaire général de l’UNTM, M. Yacouba Katilé, déplorait l’obsolence des Statuts et Règlement intérieur de la Centrale. Car, ces derniers dataient en partie de juillet 1963. L’on comprend donc que trois ans après, une retrouvaille historique vienne entamer le changement tant attendu. Hommes et femmes, responsables et délégués, ont au sortir de leurs travaux doté l’UNTM d’un nouveau Statut. Peut-on alors parler d’une renaissance ? D’une nouvelle UNTM ?
En tout cas, le préambule du nouveau Statut consacre le retour au vieux système d’orientation syndicale qui fixait la vision du syndicat sur tous les problèmes, depuis le monde du travail jusqu’à la scène internationale, en passant par les données sous-régionales et continentales.
Aussi, il ressort de sa nouvelle orientation que l’UNTM ne concevrait les intérêts des travailleurs que très intimement liés à ceux de l’ensemble du peuple entier. C’est en cela que les questions d’ordre politique ne sauraient être étrangères à l’activité syndicale tant qu’elles concerneraient la vie des citoyens. La nouveauté est que l’UNTM se détermine désormais à nouer des alliances stratégiques avec le ou les partis désireux d’avoir le suffrage du monde du travail. Ces alliances intégreront les problèmes des travailleurs et leurs solutions, selon la vision des responsables syndicaux. En s’engageant à donner des consignes de vote et de se donner les moyens de veiller à leur respect, l’UNTM s’achemine vers une dimension plus grande dans la détermination du pouvoir.
Si l’on sait que par le passé, l’Union Nationale des Travailleurs du Mali avait contribué largement à l’accession de notre pays à l’Indépendance, à la relance de l’économie nationale à travers la politique de création des sociétés et entreprises d’Etat, au retour à une vie constitutionnelle normale après le coup d’Etat du 19 novembre 1968 et enfin à l’avènement du pluralisme démocratique, l’on peut aisément comprendre et expliquer le choix de la Centrale syndicale. Il ne s’agirait ni plus, ni moins que de jouer à fond la carte de la démocratie participative. C’est dire qu’à l’UNTM, il ne sera plus question d’être absent de la conquête du pouvoir, sous prétexte d’un apolitisme de parti.
Une autre dimension de la mutation de l’UNTM, c’est la volonté affichée de sortir du cadre étriqué des travailleurs salariés (environ 1% de la population) pour un regroupement plus large, plus doux avec les possibilités d’associations et de partenariat, sans occultation de la spécificité des associations partenaires. Par ce biais, les associations de retraités pourront, par exemple, être sur le champ de bataille pour une meilleure promotion sans être forcément des élus de l’exécutif. En clair, la présence des retraités dans les bureaux élus du syndicalisme, se passe dans un carriérisme syndical qui ne repose sur aucun droit.
Or, le syndicat est et reste l’instrument des travailleurs en activité. Et un retraité n’est pas un travailleur. Ce qui est passé inaperçu, c’est l’apparente ambivalence dans l’orientation puisque dans bon nombre d’organisations syndicales au plan international, le phénomène existe sous d’autres appellations.
En effet, l’UNTM demeure comme par le passé dans une orientation de syndicalisme révolutionnaire. Aux revendications professionnelles, sociales et culturelles, à défendre par tous les moyens, y compris la grève et la participation à la gestion du pouvoir, s’ajoute l’activité de développement. Faire, en clair, le syndicalisme de développement. Qui dit développement dans un pays comme le Mali, dit investissements, créations d’emplois, distribution et répartition équitable des bénéfices, etc.
Bravo à l’audace du 15ème Conseil central
Peut-on dès lors être un syndicat de revendications, en exigeant du gouvernement des satisfactions des besoins dont le plus ardu est le renforcement du pouvoir d’achat, donc des salaires, et être entrepreneur ? Dans quel camp l’on se situerait dans le monde des travailleurs ?
Il s’agira pour la Centrale à l’image des Syndicats au Canada, en Israël et même en Europe, d’avoir des unités de production et de services. Ainsi, la Centrale syndicale contribuera à la production, à la lutte contre le chômage, à la création des emplois, et à se muer en modèle d’un entreprenariat plus humain, plus attentif aux aspects sociaux de la croissance et de développement.
Comment y parvenir ? N’est-il pas trop tard pour l’UNTM de faire un tel syndicalisme ? Un syndicalisme qui s’est illustré au Cap-Vert, en Tanzanie, dans la foulée des réformes économiques connues sous le nom d’ajustement structurel. En effet, dans ces pays, les entreprises privatisées ou à privatiser furent récupérées par des syndicats qui étaient alors uniques de fait. Il y a eu autogestion par les travailleurs. La réussite de l’autogestion a ainsi sauvé des emplois, permis la production, assuré une plus grande aisance des salariés.
Au Mali, l’on sait que l’UNTM a longtemps lorgné du côté du secteur agricole en cherchant 2000 hectares à l’Office du Niger. Et compte tenu de l’échec de HUICOMA, une volonté de cet outil fut évoquée en 2012.
En tout cas, l’UNTM ambitionne de créer, selon les possibilités qu’elle aura, une boulangerie ici, une imprimerie là, des services de transport des travailleurs, etc. Nous savons tous que des syndicats ont géré des Assurances au Ghana, en Côte d’Ivoire, au Togo, et même une banque au Kenya. L’UNTM ne ferait-elle pas mieux ? Son ambition est aujourd’hui grande, vaste, légitime mais la faisabilité semble soumise à des hypothèques dans un pays dont les dirigeants ont peu connu les apports d’un syndicalisme que l’on respecte, que l’on concerte dans un dialogue social bien conçu au profit de l’intérêt général.
B.Koné