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Communiqué Conjoint Mali-UE : Ce qui n’a pas été dit !
Publié le mardi 10 janvier 2017  |  L’aube
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Une rencontre entre le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop et son homologue néerlandais, Bert Koenders avait été sanctionnée, en décembre dernier, par un communiqué conjoint signé par les deux parties. Les domaines prioritaires sur lesquels celles-ci envisagent de renforcer leur collaboration sont la création d’emploi pour les jeunes dans les régions de départ et d’origine des migrants; le renforcement des systèmes cohérents et robustes de registres d’état civil, ainsi que la délivrance des cartes d’identité et passeports sécurisés et l’utilisation des passeports biométriques; la gestion des frontières et un meilleur contrôle du territoire; la protection des migrants en transit au Mali et la lutte contre la traite de êtres humains et les ¨passeurs¨; l’accompagnement des retours d’Europe des personnes en situation irrégulière.




Cette dernière partie (l’accompagnement des retours d’Europe des personnes en situation irrégulière) a ébranlé la République pendant plus de trois semaines. Le document est assimilé, à tort ou à raison, par les Maliens de l’intérieur et de la diaspora, à un accord de réadmission.
Toutes les procédures d’explications (démentis officiels, interpellation à l’Assemblée nationale, missions ministérielles à l’extérieur…) ont échoué.
Pour les autorités maliennes, un communiqué conjoint n’a aucune valeur juridique. Les Maliens de tous bords n’y croient pas. Dr Salifou Fomba, Professeur de droit international à l’Université de Bamako nous apporte les éclairages nécessaires. Un communiqué conjoint a-t-il une valeur juridique au regard du droit international ? Réponse !
Le 11 décembre 2016, un communiqué commun ou conjoint a sanctionné la visite de Mr Bert KOENDERS Ministre des Affaires Etrangères des Pays-Bas. Il agissait au nom de Madame Federica MOGHERINI, Haute Représentante de l’UE pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité et Vice-présidente de la Commission Européenne.
Cette visite s’inscrivait dans le cadre du dialogue de haut niveau entre le Mali et l’UE sur les questions de migration. Ce communiqué conjoint a conduit certains médias à donner dans la polémique en affirmant que le Mali a signé en catimini avec l’UE un accord de réadmission des Maliens en situation irrégulière en Europe. Cette affirmation a conduit le Ministère des Affaires Etrangères à y apporter un démenti formel. C’est ainsi que, le 12 décembre 2016, le Ministre en charge de la Diplomatie Malienne a clairement affirmé, entre autres, qu’ « un communiqué conjoint n’a pas la valeur juridique d’un accord en droit international ».
Cette affirmation appelle quelques remarques, à savoir :
1-Qu’on peut la tenir pour vraie lorsqu’on reste dans la logique primaire de la distinction doctrinale classique entre d’une part les traités, conventions ou accords, et d’autre part les actes dits concertés non conventionnels caractérisés par l’absence de valeur juridique obligatoire en principe, dont les communiqués conjoints font justement partie ;
2-Que, cette affirmation est quelque peu catégorique et a besoin d’être nuancée ;
3-Qu’il ne faut pas oublier que le droit international est un droit largement non codifié, qui comporte à la fois des certitudes et des zones d’ombre et par conséquent charrie beaucoup de problèmes d’interprétation;
4-Que, dans un système juridique décentralisé, lacunaire et sans législateur, un rôle central revient logiquement et de droit au juge international, qui est chargé de dire le droit international positif ;
5-Que, dès lors, il est important de connaitre la position de la Cour Internationale de Justice pour savoir si elle confirme ou infirme celle du Ministère des Affaires Etrangères.
Il faut savoir que la position du principal organe judiciaire des Nations Unies est claire sur la question de la valeur juridique du communiqué conjoint ; étant attendu qu’on peut toujours la critiquer ou l’interpréter autrement. Elle s’articule autour des points suivants :
1/il n’existe pas « de règles de droit international interdisant qu’un communiqué conjoint constitue un accord international » - Voir l’arrêt de la Cour Internationale de Justice du 19 Décembre 1978 dans l’affaire du plateau continental de la Mer Egée opposant la Grèce et la Turquie, Recueil 1978, paragraphe 39.
Cette position de la C.I.J vient ainsi carrément contredire l’affirmation sèche faite par le Ministère des Affaires Etrangères, en en relativisant la portée absolue ;
2/La question de savoir si un communiqué conjoint constitue ou non un traité, « dépend essentiellement de la nature de l’acte ou de la transaction dont il fait état », et il faut « tenir compte avant tout des termes employés et des circonstances dans lesquelles le communiqué a été élaboré » - Voir la même source.
Ainsi, pour savoir si le communiqué conjoint Mali-UE du 11 Décembre 2016 constitue ou non un accord international, il faut analyser ce texte en y appliquant les critères proposés par la Cour internationale de justice dans sa directive, à savoir la nature dudit texte ou la transaction dont il fait état, et, pour ce faire, recourir aux termes y employés et aux circonstances dans lesquelles le texte du communiqué a été élaboré. Telle est la méthode que l’interprète doit s’efforcer d’appliquer, un exercice qui n’est pas forcément facile, et auquel nous n’allons pas nous livrer ici et maintenant.
Il faut savoir que cette directive de la C.I.J ne permet pas de résoudre tous les problèmes. En règle générale, les formules utilisées dans les textes des communiqués conjoints sont floues et l’interprète doit donc faire preuve d’esprit de finesse.
Dans certains cas, le doute n’est pas permis quant à la portée juridique du texte. Il en va ainsi lorsque le texte en cause précise lui-même qu’il exprime la « volonté politique » de ses auteurs et n’est pas « un traité ou accord international » ; ou lorsqu’il précise que son respect est « volontaire et ne constitue pas une obligation sanctionnée juridiquement ».
Par ailleurs, il faut savoir que la Cour Internationale de Justice a considéré qu’un « procès-verbal » signé par les Ministres des Affaires Etrangères de Bahreïn et de Qatar et énumérant « les engagements auxquels les parties ont consenti (…), crée ainsi pour les parties des droits et des obligations en Droit International. Il constitue un accord international » - Voir arrêt C.I.J du 1er Juillet 1994, Rec, Page 121.
La C.I.J a adopté le même raisonnement à propos de « Déclarations », qui ont le « statut d’accord international » dans l’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria – Voir CIJ, arrêt du 10 Octobre 2002, Rec, Page 339, paragraphe 48, page 341, paragraphe 50 et page 429, paragraphe 263.
Par ailleurs, il faut savoir que le Tribunal International du droit de la Mer a adopté la même position que celle de la C.I.J dans son arrêt du 19 Décembre 1978, à propos d’un « procès-verbal » ou du « compte rendu d’une Commission mixte » - Voir TIDM, arrêt du 06 Août 2007, paragraphe 86, affaire du Hoshinmaru Japon contre Russie.
Quant à la question de savoir si le Mali a conclu avec l’UE un accord secret sur la réadmission des Maliens en situation irrégulière en Europe, la réponse de principe est non, pour la simple et bonne raison que la Charte de l’ONU interdit les accords secrets. En effet, il ressort de son article 102 que :
1/tout traité ou accord international conclu par un membre des Nations Unies sera, le plus tôt possible, enregistré au Secrétariat et publié par lui ;
2/ aucune partie à un traité ou accord international qui n’aura pas été enregistré, ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un organe de l’ONU.
Au-delà de la question de la nature juridique du communiqué conjoint Mali-UE, se pose plus fondamentalement la question des accords de réadmission des étrangers en situation irrégulière en Europe. Or, cette question soulève d’épineux problèmes à la fois sur le plan économique, politique, et juridique etc. Ce qui implique d’y consacrer un article de fond (à retrouver dans notre prochaine parution).
Dr Salifou Fomba
Professeur de droit international à l’Université de Bamako,
Ancien membre de la Commission du droit international de l’ONU à Genève,
Ancien membre et Rapporteur de la Commission d’enquête de l’ONU sur le génocide au Rwanda
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