Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les accords de défense “françafricains” furent renouvelés avec la promesse de “faire en sorte que les Africains aient les moyens d’assumer leur propre sécurité”.
Normal, après 50 interventions militaires françaises en Afrique subsaharienne en cinquante ans, il était temps que “l’omni-président” imprime sa marque sur la conduite des affaires militaires entre la France et ses anciennes colonies du continent noir. Dans la foulée, ce que son gouvernement, en 2008, désignait comme “l’arc de crise” allant de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique, avec l’actuelle équipe au pouvoir, se nomme “zone d’intérêt prioritaire”. L’ambitieux “plan Sahel” du gouvernement Sarkozy, sous la présidence de François Hollande, s’est transformé en projet de “régionalisation de l’action” dans une vaste zone de conflit qui est — on le sait très bien — la conséquence de la catastrophique intervention libyenne.
Comme on le voit, le lexique et la sémantique ont beau avoir changé, mais l’analyse stratégique de la France reste la même : la bande sahélienne comporte des territoires avec des ressources stratégiques importantes, mais ces vastes territoires hors de contrôle sont la propriété d’États faibles, dans lesquels la criminalité alliée au terrorisme islamiste sont porteurs de menaces pour l’Europe et pour le golfe de Guinée, un pôle de développement économique jugé “majeur” qu’il s’agit de protéger.
Après la Côte d’Ivoire, la Libye et le Mali, place à la République centrafricaine
Tout le monde sait que sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, la politique française en Côte d’Ivoire et en Libye, en dépit des justifications qui ont entouré ces aventures militaires, était une politique décomplexée et assumée de la “Françafrique”. Peu importe l’inventivité lexicale dont ont su faire preuve les organes de communication à leur service. Des amis de Nicolas Sarkozy — le Président de la “rupture” – se sont, plusieurs fois, essayés à de petites affaires en RCA, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Gabon, au Congo-Brazzaville et au Tchad. Au hasard: Claude Guéant, Henri Guaino, Robert Bourgi, Bolloré, etc.
Les erreurs d’hier n’ayant pas servi de leçon, la France, sous François Hollande, reprend son bâton de pèlerin, enfourche son cheval de bataille et s’en va sauver le Mali dont la situation sécuritaire n’est que la conséquence de l’intervention armée de la France dans la Libye de Kadhafi. Pompier pyromane, la France l’aura été aussi dans son traitement des rébellions au nord du Mali et dans les déclarations de victoire infondées de François Hollande.
Aujourd’hui, en République Centrafricaine, après avoir tardé à sonner l’alarme au niveau international, alors que la situation en RCA se détériorait depuis le mois de septembre, Paris semble ignorer que cette intervention — en l’état — répète avec les mêmes risques d’échec une action entreprise dans le même pays en 1997.
L’absence de vision de la stratégie française est un problème sérieux pour la sécurité dont la France dit se soucier. La gestion à la petite semaine, où les priorités affichées se confondent en petits arrangements entre amis pour payer les services rendus ou renvoyer la gestion des grands problèmes à des dirigeants africains déresponsabilisés et à une communauté internationale nébuleuse en est un autre.
S’il faut ajouter à tout cela l’arrivée en fanfare de la Chine et des autres pays émergents, pour avoir une part dans la croissance économique de l’Afrique, l’on se rend vite compte que l’influence de la France sur le continent noir, face à l’épaisseur du chéquier des nouveaux partenaires de l’Afrique, n’est plus qu’une peau de chagrin. Une peau de chagrin qui ne tient plus que grâce aux accords de défense renouvelés sous l’ère Sarkozy.
Aujourd’hui, François Hollande essaie de rattraper le coup en RCA. Il y a envoyé 1600 hommes alors que les journées de jeudi 5 et vendredi 6 décembre 2013 ont été d’une rare violence. La capitale Bangui et le reste du pays sont livrés au chaos, à la terreur et aux haines religieuses.
La France, l’Union Africaine (6 000 hommes sur le terrain) et le conseil de sécurité doivent agir. Ils s’y engageront lors du sommet prévu le 14 au 15 janvier 2017 à Bamako.
Jean Pierre James