C’est une forte clameur sur fond d’appel mondial à la mise à mort du franc CFA, qui s’est fait entendre le samedi dernier au-dessus de nombreuses capitales tant du Sud que du Nord.
En effet, sur initiative d’Organisations de la société civile (OSC), se sont tenus des rassemblements, des manifestations et des conférences destinés à déverser dans les égouts de nombreuses métropoles mondiales, les vomis des Africains et autres amis du continent, contre ce qui apparaît aujourd’hui comme une survivance de la colonisation française en Afrique et une servitude monétaire.
Créé en 1945, le franc CFA tient en dépendance par un lien ombilical, les 15 pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) plus les Comores et la France.
L’appel du 26 décembre contre le franc CFA avait succédé à la dernière visite du président sénégalais Macky Sall à l’Elysée. Ce-dernier avait déclaré en effet lors de sa visite que « le franc CFA était stable » et qu’il n’y avait pas de meilleure monnaie pour l’instant. « Le Franc CFA est une bonne monnaie à garder », avait ajouté le président sénégalais dans son allocution à Paris. « C’est un terrain assez périlleux, ce qui est important c’est de trouver les voies pouvant nous permettre de fortifier notre zone monétaire ».
Ces déclarations en France ont probablement joué comme une étincelle mettant le feu aux poudres en Afrique et dans la diaspora africaine en Europe, qui rejettent de plus en plus l’usage de cette monnaie. En effet nombreux sont les économistes qui évoquent de plus en plus la sortie des pays africains du Franc CFA, créé en 1945 et arrimé à l’Euro, jugé « colonialiste ». Ils soutiennent notamment que cette monnaie freine le bon développement économique des pays africains et surtout maintient une dépendance de ces derniers vis à vis de l’ancienne métropole.
Ainsi à Abidjan, Bamako, Bologne, Bruxelles, Dakar, Haïti, Kinshasa, Londres, Ouagadougou et Paris, des conférences et des manifestations coordonnées par l’ONG Urgence Panafricaniste, auront lieu pour « sonner le glas du Franc CFA » selon les mots des organisateurs.
Il est impératif de mettre fin à la procrastination qui frappe le projet de monnaie unique africaine
Toutefois, la question du francs CFA pose le problème même de la dignité et de la souveraineté de nos États. Le combat est donc juste et noble et comme tel, il faut se rendre bien vite à l’évidence qu’il n’y a pas de place pour un optimisme facile. D’abord parce que Paris, au-delà du discours lénifiant visant à lier l’avenir du franc CFA au bon vouloir des Chefs d’État africains, ne voit pas d’un bon œil cet appel à une deuxième mise à mort après qu’il a perdu son autorité politique (du moins dans la forme).
Car, non seulement le système est conçu de manière à donner à la France dans les pays de la zone francs, une longueur d’avance sur ses concurrents, mais aussi il est un moyen de contrôle politique de son pré-carré africain. C’est dire à quel point il sera difficile pour la France de se faire hara-kiri. Mais le plus dur cependant ne sera pas de contraindre la France à lâcher prise, mais de construire, après la mise à mort du CFA, des économies stables. Le pari n’est pas gagné d’avance quand on voit les problèmes économiques que vivent certains pays qui disposent de leur propre monnaie.
À titre d’exemples, le Nigeria et l’Afrique du Sud font face à une dépréciation sans précédent de leurs monnaies, plongeant leurs économies respectives dans de profondes crises. C’est dire que la revendication pour la fin du franc CFA, n’est pas la panacée et doit, de ce fait, aller de pair avec une gouvernance économique vertueuse, qui devra voir disparaître cette génération de chefs d’État ou de hauts responsables administratifs qui confondent allègrement leurs poches avec le budget de l’État. Mieux, les États doivent faire preuve de pro-activité pour ne pas se réveiller au lendemain des funérailles du CFA, avec la gueule de bois. Il est impératif donc de mettre fin à la procrastination qui frappe le projet de monnaie unique africaine, qui peu à peu, a pris les contours d’un véritable serpent de mer.
L’enjeu est donc de taille et le défi est plus lancé à l’Afrique qu’à la France. C’est en cela que le mouvement du 7 janvier ne devrait pas être l’affaire des seules OSC. Les politiques et les peuples doivent leur « acheter la bagarre » et la gagner.
A. Diallo