Bamako abrite pour 48 heures à partir de demain, le 27è sommet Afrique-France. Perçue par certains comme simple formalité, cette grand-messe contient pourtant bien d’enjeux aussi bien pour la France que les pays africain, singulièrement le Mali. Il y a surtout les grands enjeux politiques que sont: la paix, la sécurité, le développement et l'émergence.
Bamako accueillera, outre que le président François Hollande et sa délégation, une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement du continent, et à peu près autant de membres dans les délégations des différents pays, soit 2 500 à 3 000 participants attendus. Lors de ce rendez-vous placé sous le signe de la paix et de la sécurité, les deux maîtres mots seront la paix et l'émergence. Mais pour développer, il faut sécuriser, conviennent les organisateurs de cette grand-messe. Ce programme est en fait révélateur du double enjeu que contient cet événement. D’un côté : la paix et la sécurité. Et de l’autre : le développement et l'émergence. Des grands enjeux politiques qui reviennent d’ailleurs à chaque tenue de ce sommet.
Cap sur la sécurité !
Les questions de sécurité seront donc au cœur des discussions. La situation dans laquelle se trouve le pays hôte, l’impose. En effet, au Mali rien ou presque n'est réglé, quatre ans après le lancement de l'opération Serval contre les terroristes qui écument le Nord du pays. Certes, à la faveur de ladite opération, les groupes terroristes ont été en grande partie chassés, mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, régulièrement visées par des attaques meurtrières.
D’ailleurs, après l'attentat du 20 novembre 2015 de l'hôtel Radisson Blu, l'organisation du sommet a failli échapper au Mali en faveur de la Côte d'Ivoire, jugée plus stable. Mais Hollande et IBK ont tenu bon, car organiser ce sommet est avant tout stratégique pour les deux pays. Pour le Mali, qui veut revenir dans le concert des grandes nations, ce sommet est une opportunité à saisir pour démontrer qu’il reste une destination fréquentable malgré l’image déplorable véhiculée par la presse internationale. Et de son côté, François Hollande, pour lequel ce sommet représente le dernier rendez-vous africain, veut faire du Mali une vitrine pour le bilan de sa politique africaine.
Il faut dire que ce sommet est aussi économique pour la France dont les entreprises, selon des observateurs, sont de plus en plus absentes du jeu économique sur le continent africain. Paris chercherait donc à dépoussiérer ses rapports avec le continent, en réponse à la forte intrusion d'autres poids lourds de l'économie mondiale qui menacent ses intérêts. Ainsi, une forte délégation du Mouvement des entreprises de France (Medef) fera le déplacement au Mali.
Au-delà de ces principaux enjeux, de nombreux Maliens attendent qu'on aborde avec courage certaines questions délicates de la relation franco-africaine. Comme l'immigration, la monnaie, les dettes des pays pauvres…
Que dire des préparatifs du sommet ? Aéroport plus performant, sécurité renforcée, environnement sain…tout semble fin prêt pour gagner le pari de la bonne organisation.
Depuis maintenant six mois, les derniers chantiers d’extension et de modernisation sont achevés à l’aéroport international Modibo-Keïta – qui a officiellement pris le nom du père de l’indépendance le 31 décembre 2015. Interrompus après le coup d’État de 2012, les travaux ont été relancés fin 2014 et confiés à l’entreprise de construction chinoise Sinohydro Corporation pour un coût total de 18,2 milliards de F CFA (près de 28 millions d’euros), financés par le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe (49,3 %), le Fonds de l’Opep (26,3 %), la Banque islamique de développement (10,8 %) et l’État malien (13,6 %). Passant de 2 700 m à 3 180 m, la piste peut désormais recevoir de gros-porteurs de type A 380. La rénovation de l’ancienne aérogare et la construction du nouveau terminal de 15 000 m2 vont permettre d’accueillir 1,5 million de passagers par an, contre 600 000 actuellement.
Sur le plan sécuritaire, le dispositif déployé est impressionnant. Plusieurs milliers de policiers et gendarmes sont visibles sur le bord des routes. Au total, près de 10 000 hommes sont mobilisés pour sécuriser le sommet, dont 180 forces spéciales antiterroristes (Forsat), une unité créée au lendemain des attentats du Radisson Blu. Un dispositif spécial est déployé à travers les points sensibles de Bamako, notamment au niveau de l’aéroport international Modibo Keita, les deux ponts du centre-ville et sur le fleuve. Aussi, le dispositif sécuritaire est renforcé au niveau des hôtels. Notamment à Radisson Blu qui, après l’attentat du 20 novembre 2015, a réformé son système de sécurité, avec le bouclage de la rue principale, le recrutement d’une quinzaine d’agents de sécurité supplémentaires et l’installation de nouveaux scanners de sécurité.
Côté hébergement, si tous les membres des délégations ne peuvent dormir dans le centre de Bamako, les chefs d’État et de gouvernement seront logés dans les grands hôtels de la capitale, principalement à ACI 2000 et dans le quartier du Fleuve, près du CICB, où se tiendra la majeure partie du sommet. Comme le Laico-Amitié (où la Minusma avait établi son QG depuis 2013), l’Onomo ou encore l’Hôtel Salam Azalaï, qui s’apprête à recevoir l’essentiel des délégations. Ce dernier, a réalisé de gros œuvres dont une nouvelle aile latérale de six étages, à côté de l’ancien bâtiment (lui-même rehaussé d’un étage) qui va permettre de faire passer la capacité d’accueil de l’établissement de 124 à 144 chambres et de 25 à 42 suites.
Début juin, le gouvernement a par ailleurs conclu une convention de maîtrise d’ouvrage avec l’Agence de cessions immobilières (ACI) pour la construction de 14 villas modulaires de haut standing dans la zone de l’ex-base aérienne B, pour un coût total de 3,8 milliards de F CFA, système de vidéosurveillance inclus.
Pour ce sommet, 2198 chambres d’hôtels et de villas ont été aménagées dans une soixantaine d’hôtels et une trentaine d’établissements pour loger les hôtes de marque, les invités spéciaux et les autres participants.
En enfin, soucieuses d’améliorer l’image de Bamako, les autorités maliennes ont mis l’accent sur la propreté de la capitale. Le gouvernorat a récemment enclenché l’opération « Bamako, ville propre » qui vient renforcer l’action quotidienne de la société marocaine Ozone dont les escouades aux uniformes jaune et orangé assurent, depuis des mois, la collecte des ordures ménagères, le curage des égouts et le nettoyage des rues… Aussi, plusieurs concours de propreté ont été organisés dans et entre les quartiers. Ne reste plus qu’à espérer que ces bonnes habitudes perdurent.
IBD