Lancé pour durer du 9 au 17 janvier, le mouvement de grève des magistrats du Mali continue après avoir connu un succès en ses premiers jours. Réclamant plus d'indépendance du système judiciaire, le corps a reçu du soutien à l'international venant de l'Union internationale des magistrats.
Ce jeudi est le quatrième jour de la grève des magistrats maliens. Le mouvement de cessation des activités qui a démarré lundi, a été suivi par le corps des magistrats du pays, qui a opté pour cette option suite à l'échec des négociations avec les autorités maliennes. Selon un bilan sommaire des médias, dans la capitale, aucun tribunal n'a travaillé. Outre quelques greffiers et les services de sécurité, aucun signe de magistrat n'avait été signalé. Le Syndicat autonome des magistrats (SAM) et le Syndicat libre des magistrats (SYLIMA), s'était entendu sur la grève. Grâce à cette entente, tous les magistrats du pays étaient en état d'alerte. Dans les communes IV, V et VI, les portes des tribunaux étaient carrément fermés. Seule exception, la présence du procureur de la république à la cour d'appel de Bamako. Lui seul avait rejoint son bureau.
Ailleurs, dans les régions, les magistrats peuvent encore s'en réjouir, toutes les juridictions y étaient fermées.
« Le comité directeur sait compter sur l'engagement et la forte mobilisation de tous les magistrats pour assurer le succès de ses revendications dont la légitimité a été unanimement reconnue. Il remercie et exprime toute sa reconnaissance aux conciliateurs pour les efforts appréciables en vue d'un rapprochement des points de vue », avait déclaré le président du Sam, Cheick Mohamed Chérif Koné, la veille du début de la grève.
Cette nouvelle grève des magistrats est la deuxième en trois mois. Décembre 2016, le corps avait pourtant donné un préavis de grève et avait ainsi attiré l'attention du gouvernement. Des discussions ont alors été entreprises mais échoueront plus tard.
Les négociations mal parties
Les discussions entre les autorités maliennes et les syndicats des magistrats ont été considérées par certains d'entre eux, comme partant sur de mauvaises bases. En effet, alors qu'ils s'étaient rendus à la primature, croyant avoir été invités à échanger avec le premier ministre (PM), les représentants des magistrats se sont rendus compte au rendez-vous que le PM ne les recevrait pas. Au lieu de voir le chef du gouvernement, ils ont plutôt été reçus par un magistrat membre du cabinet du PM. Il s'est avéré que celui-ci avait organisé la rencontre sans en aviser même son patron. Un coup difficile à digérer pour le pouvoir judiciaire du pays qui réclame un peu plus d'autonomie et des conditions de travail beaucoup plus avantageuses.
Des revendications au-delà des conditions matérielles
Curieuses, les revendications des magistrats, pourrait-on dire, pour un pays d'Afrique noire, où généralement les chefs d'Etat phagocytent la justice avec la complicité de ses officiers. Les syndicats des magistrats du Mali, outre les questions d'indemnité et de primes, réclament plus d'indépendance vis-à-vis du pouvoir central et menacent d'être plus radicaux. « Le comité directeur [syndicats] se réserve le droit d'introduire une résolution contre l'Etat du Mali pour violation des éléments essentiels du principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire et pour non respect des engagements internationaux relatifs aux normes minimales internationales sur l'institution judiciaire et sur le traitement des magistrats », a laissé entendre Cheick Mohamed Chérif Koné, au sortir de la réunion à la primature.
On reproche aussi au gouvernement de bloquer les primes des magistrats. Justement, le décret N°0837/P-RM du 10 novembre 2014 qui a fixé les taux de certaines primes et indemnités des fonctionnaires et agents de l'Etat, en vue de la prise en compte des acteurs de la justice, est resté sans effet pour cause d'une fin de non recevoir opposée par le gouvernement. D'un autre côté, par exemple, les membres de la Cour d'assises de Bamako en transport à Sikasso se sont vus empêcher de bénéficier du décret N°0001/P-RM du 15 janvier 2016, qui fixe les conditions et les modalités d'octroi de l'indemnité de déplacement et de mission. Des revendications qui ont attiré l'attention à l'international.
Quand l'international s'en mêle
C'est Christophe Regnard, le président de l'Union internationale des magistrats (UIM), qui s'est intéressé aux magistrats maliens dans une correspondance adressée aux grévistes. « Pouvez-vous me dire plus précisément ce qui pose problèmes dans les dernières réformes au Mali ? N'hésitez pas à nous aviser des suites de ce mouvement et de vos éventuels besoins d'un soutien de l'UIM. Cordialement », a-t-il écrit.
Gardons à l'esprit qu'à l'issue de cette grève de 8 jours, qui a déjà paralysé le système judiciaire du Mali, le SAM menace que si rien n'est fait du côté du gouvernement, et que les magistrats ne sont pas satisfaits, il se « réserve le droit de reprendre son mouvement de protestation ultérieurement pour une durée illimitée ».