Alors que l'accord de paix signé en juin 2015 peine à se mettre en place, la guerre continue dans le nord du pays. Elle a fait 332 morts en 2016, un chiffre en très forte hausse par rapport à l'année précédente.
Au Mali, les chiffres inquiétants de la guerre invisible
Pas un jour sans une attaque, quasiment pas un jour sans nouvelles victimes : la guerre dans laquelle est engagée la France au Mali a beau être invisible, elle n’en est pas moins réelle et violente.
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«En 2016, on a comptabilisé plus de 385 attaques, qui ont coûté la vie à 332 personnes dont 207 civils dans le nord et le centre du Mali. Soit une hausse de 121% des victimes pour la seule année 2016», révèle Florent Geel, directeur Afrique de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), qui a compilé les statistiques souvent éparses livrées par les Nations unies. «Par rapport à 2015, on estime ainsi que les attaques ont augmenté de 92%», souligne-t-il. En dehors des civils, les forces françaises ne sont pas les seules victimes de cette résurgence de violence (qui a fait 18 morts dans les rangs de l’armée française depuis 2013). «La Minusma [Mission des Nations unies pour le Mali, lancée en juillet 2013, ndlr] demeure une cible privilégiée des groupes armés puisqu’elle a fait l’objet d’au moins 64 attaques, lors desquelles 27 casques bleus et onze civils ont été tués en 2016», note également Florent Geel, présent à Bamako cette semaine.
Pas certain que ce sujet sensible soit évoqué lors du sommet Afrique-France organisé à Bamako vendredi et samedi. Côté malien comme français, le story-telling officiel s’attache plutôt à souligner les succès militaires d’opérations qui ont incontestablement réussi à déloger les groupes jihadistes des villes qu’ils occupaient au nord du pays depuis 2012. Mais la paix est loin d’être acquise.
«Intérêt à maintenir un climat d’insécurité»
La Minusma est ainsi «la mission de maintien de la paix de l’ONU la plus coûteuse en vies humaines», rappelle encore Florent Geel, «avec 90 casques bleus tués en opération depuis juillet 2013. Dont 27 en 2016». Au siège de la Minusma à Bamako, l’inquiétude s’exprime souvent sous couvert d’anonymat. «Le vide sécuritaire ne fait en réalité que s’élargir», confie ainsi un responsable qui rappelle que «la lutte contre le terrorisme ne peut se limiter à une solution militaire» : «Quand on se rend dans le Nord, on est frappé par l’immensité de ce désert désolant, parsemé de petits villages. Les conditions de vie y sont très rudes, depuis toujours. Mais aujourd’hui, les jeunes voient bien, grâce aux réseaux sociaux, qu’il existe ailleurs une opulence et une modernité dont ils sont exclus», constate notre interlocuteur. Les frustrations, ici comme ailleurs, favorisent la radicalisation. Parfois le simple appât du gain suffit : «C’est tentant pour un jeune sans horizon d’accepter 100 euros pour poser une mine sur le passage d’un convoi militaire», constate un habitant de Tombouctou, de passage à Bamako.
«L’autorité de l’Etat n’a pas été réinstallée au Nord, ajoute-t-il. En particulier dans les petites localités où ni l’administration, ni les écoles ne fonctionnent toujours pas car les fonctionnaires et les professeurs ont peur de s’y réinstaller. Résultat, les gens ne sont pas protégés face aux groupes armés, qui font des incursions et tuent ceux qui collaborent avec les forces armées, étrangères ou maliennes.»
Lors des élections communales du 20 novembre, les premières organisées depuis 2009, 32 communes sur 703 n’ont pu organiser de scrutin. Et tous les observateurs en sont convaincus : le vide institutionnel qui renforce l’insécurité de la région. «Le Nord est une zone de transit, où l’on trouve principalement des narcotrafiquants et des islamistes. Ces deux groupes, qui sont parfois les mêmes, ont tout intérêt à maintenir un climat d’insécurité», explique un député de Menaka, ville du nord où trois préfets sur quatre ne sont toujours pas revenus à leur poste.
Accord tripartite
Mais l’insécurité semble désormais se propager du nord au centre du pays : «Pour les jihadistes, le centre du pays est désormais un objectif. Ils espèrent ainsi relâcher la pression militaire qui s’exerce contre eux dans le Nord et ils savent que dans le centre du pays, ils auront face à eux, des populations bien plus perméables au discours religieux», explique Redouane, un Touareg qui participe à la mise en place de l’accord d’Alger.
Laborieusement signé en juin 2015, cet accord de paix tripartite associe le gouvernement malien, les forces locales qui lui sont favorables réunies au sein d’une «plateforme» et les mouvements rebelles touaregs non jihadistes. Parmi ces derniers, une partie avait conquis le nord début 2012, avant d’en être délogés par les islamistes quelques mois plus tard.