Le débat sur notre monnaie commune n’est pas nouveau. Les échanges qui sont en cours, constituent un épisode d’une polémique entre ses partisans et ses adversaires
Le FCFA et les mécanismes de fonctionnement de la zone franc sont parmi les principaux instruments par lesquels la France continue d’exercer sa tutelle sur les politiques économiques de certains pays en Afrique de l’Ouest et du Centre. Sans la rupture avec cette tutelle, les pays africains continueront d’hypothéquer toute possibilité de développement et de progrès social. Autrement dit, la souveraineté monétaire est une nécessité pour parachever leur indépendance politique et renforcer les bases d’une transformation structurelle de leur économie.
En effet, nulle part on n’a vu un pays se développer avec une monnaie contrôlée par un autre pays, comme c’est le cas du franc CFA. Dans les crises économiques et financières que traverse le monde, on voit toute la différence entre les pays qui sont sous tutelle, comme les pays africains de la zone franc, qui ont les mains liées, et ceux qui exercent la pleine souveraineté sur leurs monnaies et disposent ainsi d’instruments leur permettant de recourir à des ajustements dans leurs politiques monétaires (taux de change, taux d’intérêt, octroi de liquidités au système bancaire) pour mieux faire face à la crise.
Pourtant, les Constitutions africaines proclament que l’émission de monnaie relève de la « souveraineté » des pays africains. Encore faudrait-il que ce soit une monnaie qui leur appartienne et sur laquelle ils puissent décider en toute indépendance. Ce n’est pas le cas du franc CFA. La dévaluation de 1994, décidée par la France, et le statut des Banques centrales africaines confortent amplement ce point de vue.
Lors de la réunion destinée à informer les dirigeants africains de cette dévaluation, feu le président Bongo du Gabon et d’autres participants ont dit que les émissaires français n’avaient pas demandé leur avis aux chefs d’Etat réunis à Dakar et que tout ce qu’ils avaient à faire était de signer ce qui avait été décidé par Paris avec le soutien du Fonds monétaire international.
Les mécanismes de fonctionnement de la zone franc illustrent parfaitement la confiscation de souveraineté monétaire des pays africains. Depuis la dévaluation de 1994, les francs CFA des zones UEMOA (Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest) et CEMAC (Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale) ne sont plus convertibles entre eux par un taux de change fixe et les flux de capitaux entre les deux zones sont soumis à des restrictions, bien que théoriquement appartenant à la même zone monétaire !
Par contre, entre la France et les pays africains, il y a liberté totale des mouvements de capitaux. En outre, la « garantie » de convertibilité du franc CFA oblige la BCEAO (Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest) et la BEAC (Banque des Etats d’Afrique centrale) à suivre des politiques monétaires conformes à celles de la Banque centrale européenne (BCE), en donnant la priorité à la lutte contre l’inflation. Une telle politique est inappropriée et même absurde pour des économies en construction qui ont des besoins importants de financement pour développer leurs capacités de production.
Les « atouts » qu’était censée apporter cette monnaie unique comprenaient, entre autres, la « stabilité », illustrée par de faibles taux d’inflation et l’arrimage du franc CFA à une « monnaie forte » ; l’absence de risque de change entre les pays africains et la France et la « garantie » de convertibilité du franc CFA, promise par les autorités françaises. Ces « atouts » devaient permettre aux pays africains de connaître de forts taux de croissance économique, d’attirer des investissements privés et de faire des progrès significatifs dans le processus d’intégration économique sous-régionale.