La Maison de la presse a servi de cadre, mercredi dernier, à la présentation du livre ‘’Hollande l’Africain’’ de notre confrère de Radio France Internationale (RFI), Christophe Boisbouvier. Modérée par le journaliste Sékou Tangara de la chaîne de télévision Africable, la cérémonie de présentation a enregistré la présence du secrétaire général de la présidence et non moins journaliste, Soumeylou Boubèye Maïga, du patron de la MINUSMA, Mahamat Saleh Annadif, des anciens Premiers ministres Diango Cissoko et Moussa Mara, de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Pr Ali Nouhoum Diallo. Plusieurs anciens ministres, des hommes de culture, de la presse et le gotha du monde intellectuel y ont également pris part.
L’ouvrage de 335 pages de Christophe Boisbouvier révèle qu’avant son élection, François Hollande était l’un des hommes politiques français les plus étrangers à l’Afrique, même si depuis son arrivée à l’Elysée, il s’est pourtant inventé un destin africain. D’abord pour prendre ses distances avec la Françafrique version ‘’Sarkozy’’, puis en inventant sa propre politique africaine, mélange singulier de déclarations humanistes et d’interventions armées.
Le livre revient sur la décision du président Hollande de lancer les troupes françaises à l’assaut des djihadistes du Sahel en ce début d’année 2013. « Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique », avait-il lâché en février de la même année et le jour où il défile en « libérateur » dans les rues de Tombouctou, trois semaines après le déclenchement de l’opération Serval. Ce succès, aux dires de l’auteur, encouragera Hollande à aider ses ‘’amis africains’’ dans la lutte contre le terrorisme avec le redéploiement des moyens militaires français dans le cadre de l’opération Barkhane. En outre, un an après l’opération Serval au Mali, le dirigeant français lance l’opération Sangaris en Centrafrique, rappelle l’ouvrage.
Par ailleurs le journaliste – écrivain, avec des témoignages inédits, met en lumière la métamorphose de Hollande. De plus, analysant les rouages de la politique africaine de l’Elysée et identifiant les réseaux qui cherchent à l’influencer, l’auteur explique comment l’actuel président français s’est subitement entiché d’un continent qui est aujourd’hui au cœur des préoccupations politiques, économiques et sécuritaires internationales.
La deuxième séquence de la cérémonie a été marquée par l’intervention des grands lecteurs du livre ‘’Hollande l’Africain’’ qui, à l’unisson, ont reconnu la qualité scientifique de l’ouvrage et la démarche pédagogique avec laquelle il a été écrit. Comme on pouvait s’y attendre, les échanges ont essentiellement porté sur les sujets brûlants ou polémiques dans la gestion desquels la France est peu ou prou impliquée.
Après lecture, le juriste et politologue Amadou Kéïta retient de l’ouvrage qu’il y a un continuum entre tous les présidents français concernant la politique africaine. De son côté, le journaliste et l’éditorialiste Adam Thiam a, d’entrée de jeu, remercié Boisbouvier pour avoir dédié le bouquin à Ghislain Dupont et Claude Verlon assassinés à Kidal, en novembre 2013.
M. Thiam ajoute qu’il y a plusieurs ‘’Hollande’’ dans le livre, même s’il s’est dit intéressé par le ‘’Hollande‘’ qui est intervenu au Mali. Il avouera n’avoir toujours pas compris la stratégie différenciée de libération des régions du Nord du Mali par la France, faisant certainement allusion au cas particulier de Kidal.
Le journaliste Souleymane Drabo admet, qu’après avoir parcouru le livre, le mystère ‘’Hollande‘’ reste entier. Pour lui, le document analyse le poids de l’Afrique dans le destin des présidents français. François Hollande à l’Elysée ne pouvait pas échapper au syndrome africain qui a touché tous ses prédécesseurs, avec une gestion particulière notamment l’influence des conseillers de l’ombre, a indiqué M. Drabo.
Les invités, venus nombreux, ont aussi eu le temps de se prononcer. L’ancien Premier ministre Diango Cissoko a regretté les propos tenus par le président français en lien avec l’organisation des élections dans notre pays en 2013. L’ex-chef du gouvernement est catégorique sur un point : François Hollande n’a pas fixé la date des élections dans notre pays, celui-ci ayant parlé bien après les autorités maliennes. Respectant le sacro-saint principe du devoir de réserve, Diango Cissoko s’est gardé d’en dire davantage, pour le moment.
L’ancien président de l’Assemblée nationale, Pr Ali Nouhoum Diallo a affirmé que la France a perdu l’amour (ressuscité) des Maliens envers elle dès lors qu’elle a empêché l’armée nationale d’entrer à Kidal. Sans porter de gants, le doyen a déclaré que nos deux confrères de RFI sont morts dans des situations très suspectes. Il a voulu en savoir plus sur le rôle de l’armée française dans l’assassinat de Claude Verlon et Ghislain Dupont. A toutes ces interrogations, Christophe Boisbouvier a apporté des réponses. S’exprimant sur le cas Kidal, le journaliste – auteur dira ceci : « Il y a à l’intérieur de l’Etat français une double approche entre l’état-major et les services de renseignement. Mais certains Français soutiennent que ce sont les Maliens qui ont perdu Kidal en mai 2014 ». Sur l’assassinat de nos deux confrères, le journaliste de RFI et non moins collaborateur de l’hebdomadaire Jeune Afrique confie que les autorités de son pays ne leur disent pas tout. « Il y a un silence d’Etat autour de cette affaire, c’est un drame qu’aucun juge malien ou français ne se soit rendu à Kidal depuis leur disparition », a-t-il déploré.
Actualité oblige, Boisbouvier a sa perception sur l’organisation du 27è sommet Afrique France que notre pays vient tout juste d’organiser. « Il y a une part d’émotion parce que ce sont les adieux de François Hollande. C’est son dernier rendez-vous avec l’Afrique et peut-être même son dernier rendez-vous avec l’histoire. La présence de plus d’une trentaine de chefs d’Etat est importante, c’est le retour sensationnel du Mali sur la scène internationale. C’est un motif de fierté pour tous les Maliens, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition », a-t-il affirmé. De son point de vue, cette rencontre de Bamako est pour le président Hollande un jalon pour remettre le pouvoir à son successeur. Pour lui, Hollande a été pendant son quinquennat un homme d’influence en Afrique.
Paru aux Éditions Tombouctou, le livre ‘’Hollande l’Africain’’ est en vente à la librairie Ba du Grand Hôtel au prix de 5000 Fcfa.
M. SIDIBÉ