PolitiqueIbrahim Sysawane. Influenceur malien: AQMI et les autres mouvements djihadistes veulent montrer qu’on ne peut pas appliquer l’accord de paix sans eux
L’année commence mal pour le Mali. Mercredi, une attaque d’AQMI contre un camp de combattants signataires de l’accord de paix a fait au moins 70 morts. Un attentat de plus après une année de violences que ni la Minusma ni le gouvernement ne sont en mesure d’enrayer.
- L’attaque de Gao est un nouveau coup porté à l’accord de paix et l’opération Barkhane...
Cette attaque met en lumière l’inefficacité de l’opération Barkhane et de la Minusma, sous-équipée. Une fois encore, AQMI et les autres mouvements djihadistes veulent montrer qu’on ne peut pas appliquer l’accord de paix, déjà très fragile en raison de blocages, sans eux.
- A quoi est liée cette inefficacité ? Au fait qu’une présence militaire ne sert à rien si elle ne s’accompagne pas d’une politique de développement économique ?
L’inefficacité de la force internationale et de Barkhane est surtout liée à la non-maîtrise du terrain et de l’environnement saharien. On parle là de très vastes territoires. La question du développement économique est un autre débat plus compliqué et difficile à mettre en œuvre. La communauté internationale avait promis 3 à 5 milliards d’euros d’aide économique au Mali, en particulier le Nord, mais les promesses n’ont jamais été tenues.
Les populations du Nord le voient bien, pendant que les groupes armés, eux, posent des actes. Il faut écouter les témoignages des habitants du Nord qui disent que quand ils étaient occupés par les djihadistes, ils avaient la sécurité et l’aide aux personne démunies ! Dans le village de Kadji, presque tous les jeunes ont rejoint le Mujao.
- Tous les rapports montrent qu’en 2016, la situation sécuritaire au nord du Mali s’est détériorée. Comment voyez-vous 2017 se dessiner ? La pression des djihadistes peut-elle remettre en question l’accord de paix ?
La semaine dernière, lors d’une rencontre à Kidal, le patron de la Coordination des mouvements de l’Azawad, Alghabass Ag Intalla, a fait part de son pessimisme et a menacé le gouvernement malien si l’accord n’était pas respecté. Son discours, trop guerrier, démontre qu’il n’est pas du tout prêt pour l’application de l’accord de paix. Il a aussi, de son côté, la pression de son mentor Iyad Ag Ghaly qui, pour rappel, avait posé une condition pour le retour de la paix, à savoir l’application stricte de la charia et le retour d’une république islamique au Mali.
- A quoi mesurez-vous son influence ?
A la libre circulation des combattants d’Ansar Eddine, à l’échange d’informations, au ravitaillement, etc. Toute personne qui coopère avec des «étrangers» est également éliminée par une fawta d’Iyad Ag Ghaly. C’est la raison pour laquelle je pense qu’Alghabass Ag Intalla n’est qu’une marionnette entre les mains d’Ag Ghaly.