A l’occasion de la sortie de son livre Révélations sur Amadou Hampâté Bâ, le visionnaire, le francophone, et le tradiféministe, nous avons tendu le micro à notre confrère Lanfia Sinaba. Sans faux fuyants, il décrypte l’œuvre d’un baobab disparu il y a plus d’un quart de siècle, dont les recherches guident et guideront des générations entières.
Le Point: Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Lanfia Sinaba, journaliste écrivain, directeur de publication du journal L’éveil Hebdo, correspondant de l’agence de presse Chine Nouvelles au Mali.
Vous venez d’écrire un livre sur Amadou Hampâté Bâ, quels sont les enjeux de votre ouvrage ?
D’abord c’est un hommage, une reconnaissance à Amadou Hampâté Bâ. Pour un petit rappel historique, le livre a une histoire qui débute en 2002, avec le prix littéraire Amadou Hampâté Bâ, un concours qui regroupait les meilleurs élèves de l’enseignement secondaire général. Le concours comportait également un prix décerné à la meilleure candidate. Le premier volet de mon livre fait ressortir un aspect particulier de la vie de Amadou Hampâté Bâ. Le second volet, quant à lui, traite des écrivains, hommes et femmes qui se sont engagés en faveur des femmes, la promotion de la paix et de la non-violence.
25 ans après la disparition Amadou Hampâté Bâ, que reste-t-il de son œuvre d’après vous ?
Il en reste beaucoup de son œuvre, dans la mesures où celle-ci nous aide, nous jeunes d’aujourd’hui africains du 21ème siècle, à faire face à certaines difficultés que nous vivons. Que ce soit l’exemple des changements climatiques, l’Afrique, le continent qui émet le moins de gaz à effet de serre, vit des difficultés en ce qui concerne la préservation de l’environnement. En suivant l’exemple de Amadou Hampâté Bâ, cette jeune génération pourra trouver des solutions à ses problèmes.
Révélations sur Amadou Hampâté Bâ, le visionnaire, le francophone, et le tradiféministe, a été réalisé sur la base des interviews que Amadou Hampâté Bâ a accordées à des journalistes, experts, entre 1969 et 1982.
Justement au cours d’une de ces interviews, il répondait à une question sur l’environnement en disant que la préservation de l’environnement était sacrée, car l’Africain traditionnel de base avait du respect pour le minéral, le végétal et l’animal. Par exemple, on n’écrasait pas n’importe comment une pierre. Il fallait d’abord s’adresser à celle-ci pour justifier les raisons pour lesquelles l’on s’en servait. C’était pareil pour les arbres, qu’on coupait uniquement dans le but de s’en servir, en utilisant par exemple les feuilles, les fruits ou les racines. C’est en cela que Amadou Hampâté Bâ a parlé de correspondances, en révélant que chacun avait son correspondant animal, végétal et minéral, d’où le respect du au sacré. Le respect du sacré aujourdh’hui nous aide à préserver l’environnement
Amadou Hampâté Bâ était également un fervent défenseur de l’intérêt de la femme. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est toute la particularité de mon livre, même si certains me reprocheront de ne pas être le mieux placé pour en parler. Les autres ouvrages jusque-là n’ont pas traité l’information sous cet angle. Amadou Hampâté Bâ était un féministe, je le dis et j’assume mes mots. Le féminisme, selon un dictionnaire, c’est l’attitude favorable à l’extension des droits de la femme. A mon avis, pour prétendre à cette extension, il est primordial de reconnaitre la grandeur de la femme, son rôle éminemment important au sein de la société que Amadou Hampâté Bâ a reconnu. Il a reconnu la grandeur de la femme de par sa constitution morphologique et physiologique. Selon Amadou Hampâté Bâ, tout être humain vient au monde avec 9 puissances que Dieu lui accorde, seule la femme en gagne 2 de plus au cours de sa vie, ce qui lui donne un total de 11 puissances contre 9 pour l’homme. Amadou Hampâté Bâ a également reconnu la grandeur de la femme à travers le cri du como qui, à sa sortie de la forêt pousse un cri imitant le cri du nouveau-né pour rendre hommage à son père, et sa mère en dernier ressort.
Un jour, Amadou Hampâté Bâ a répondu à une question lorsqu’on lui avait posée de savoir quel était l’avenir de la femme africaine ? Sa réponse : « Il n’y a pas de problème de femme africaine, il y a tout simplement un problème de la femme. L’avenir de la femme africaine, c’est l’avenir de la femme du monde entier. Raison pour laquelle les Africains doivent tenir compte des interférences internationales ». Il a ajouté : « il est temps que la jeune fille aille à l’école au même titre que le jeune garçon, afin que les différences qui existent entre les deux puissent être nettoyées d’ici quelques générations », en interpellant les gouvernements, le politique sur la cause de la femme. Cela est d’autant plus marquant dans les esprits dans la mesure où Amadou Hampâté Bâ lui-même a éprouvé des difficultés pour aller à l’école. En effet, il est allé tardivement à l’école compte tenu du contexte dans lequel les parents refusaient d’envoyer leurs enfants préférés à l’école. Après l’obtention du certificat d’études primaires et l’entrée en 6ème à William Ponty, une référence à l’époque, sa mère avait estimé qu’il avait assez appris à l’école du Blanc et qu’il lui fallait apprendre l’initiation. D’où la punition du gouverneur de l’envoyer à Ouagadougou plutôt que dans la prestigieuse école William Ponty à Gorée.
Quelles sont les raisons qui vous ont motivé à vous intéresser à la vie de Amadou Hampâté Bâ, en lui consacrant tout un livre ?
C’est le destin et Dieu qui a voulu que je sois l’initiateur d’un tel projet. J’ai rencontrés des difficultés lorsque j’avais initié le prix littéraire Amadou Hampâté Bâ en 2002. Il m’a fallu attendre 2010, année du cinquantenaire pour organiser véritablement une édition de ce prix, qui avait été parrainé par le ministre de l’Education d’alors, le professeur Salikou Sanogo. J’avais déclaré dans le projet de prix littéraire que Amadou Hampâté Bâ était en avance sur son temps, et le livre m’a permis de justifier ces déclarations, avec preuves (P. 7 du livre). En se référant à l’évolution du monde aujourd’hui, on se rend bien compte que ce qui était la préoccupation Amadou Hampâté Bâ est aujourd’hui celle d’un peuple, d’un continent, de l’humanité toute entière.
Combien coute votre livre et où peut-on s’en en procurer ?
En Europe le livre coute 13,5 euros, 10 000 f CFA à la Maison de la presse, et 12.000 à la Librairie Bâ. Il est également disponible sur le site web de mon éditeur à l’adresse suivante : www.edilivres.com