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Crise postélectorale en Gambie : Le Sénégal ne peut donner de leçon de démocratie en Afrique
Publié le lundi 23 janvier 2017  |  L’Inter de Bamako
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Il est de coutume en Afrique que les élections dites «démocratiques» donnent toujours lieu à des séances de réclamations le plus souvent conflictuelles sans que les peuples soient en possession des faits. Cela est d’autant exact que les crises post- électorales ont toujours et restent la propice occasion pour les charognards de la politique de brouiller les cartes pour se donner des dividendes nauséabondes.
Les scénarios de manipulations des résultats font légion en Afrique depuis le sommet de La Baule, en 1990, en France. Rappelons qu’à l’occasion dudit sommet, François Mitterrand s’est livré à une séance de diatribes diabolisant les chefs d’Etat et de gouvernement qui n’avaient pas encore pris le chemin de la «démocratie» à la française.
Oumar Bongo Odimba n’a-t-il pas majestueusement peint la couleur des élections en Afrique en affirmant qu’on n’organise pas une élection en Afrique et la perdre.
L’historique opposant sénégalais, Me Abdoulaye Wade, avait bien compris cette pitoyable leçon de Bongo. C’est pourquoi, après avoir été plusieurs fois disqualifié lors de joutes électorales dans son pays parce que victime de combines politiciennes, Wade avait averti qu’ils ont tous des enfants dans l’armée et que le temps était venu au Sénégal d’arrêter les mascarades électorales. Cette fois ci, il a été entendu : Abdou Diouf lui a ainsi cédé le trône. C’était en 2000.
Sans vouloir passer à la loupe de la raison, les élections pluralistes sur le continent africain, il semble nécessaire de rappeler quelques points saillants desdites élections :
Ainsi, faut-il le dire Paul Biya au pouvoir, depuis 1982, n’a jamais été inquiété quant à la problématique de sa succession au trône. Et depuis, il dort tranquillement au palais du Peuple à Yaoundé. Le Sénégal de Maky Sall le voit bien mais n’ose en dire mot ! L’homme des grands manguiers du Congo-Brazza est arrivé au pouvoir, en 1979, avant de le céder à la suite d’élection à Pascal Lissouba, en 1991. Mais pas pour longtemps. Une guerre civile a balayé celui-ci. Denis Sassou N’Guesso, à la parade, s’est confortablement réinstallé aux affaires en 1997. Dès lors, c’est lui qui dirige le Congo-Brazza sans autre forme de procès. Là aussi, le Sénégal de Maky Sall n’ose lever le petit doigt accusateur.
Idriss Deby Itno est arrivé au pouvoir par les armes aux dépens du président Hissein Habré. C’était en 1990.
En 2008, n’eût été le soutien décisif de l’armée française dans les combats de rue à N’Djamena entre les rebelles tchadiens venus de la frontière du Soudan et les troupes restées fidèles à Idriss Deby, celui-ci allait être chassé du trône. Pour légitimer l’intervention française au Tchad, le président français de l’époque Nicolas Sarkozy a qualifié les combats de rue de N’Djamena «d’agressions extérieures» du Tchad.
Le 3 février 2008, la France a pu obtenir une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU juste pour légaliser son soutien à Idriss Deby. C’est ainsi que Sarkozy a déclaré à la face du monde : «Si la France doit faire son devoir, elle le fera. Que personne n’a doute… Maintenant qu’il y a la décision du Conseil de sécurité il faut laisser le Tchad tranquille… On n’est plus dans ce qu’on appelait la Françafrique… C’est par les élections qu’on prend le pouvoir et pas autrement.»
Idriss Deby est arrivé au pouvoir par les armes et depuis il s’y maintient par une répression sanglante, par des élections truquées et par la modification de la Constitution de son pays pour se représenter à vie.
Le Sénégal qui se fait passer, hélas, pour le champion de la démocratie n’a jamais dénié lever le petit doigt accusateur contre Deby. Mais il ne peut en être autrement quand on sait que c’est le même parrain d’Idriss Deby qui est la conscience politique à lui et son bras armé en l’occurrence hier comme aujourd’hui.
L’on comprend donc que ni le Cameron ni le Congo ni le Tchad ne peuvent faire l’objet de la moindre critique du Sénégal parce que c’est bien sa conscience coloniale française qui y veille au grain. C’est bien le même Sénégal qui abrite le dictateur d’hier du Tchad Hissein Habré. Quel sens donne-t-il donc à la démocratie ? Quel sens de la démocratie guide Maky Sall pour loger chez lui comme un pacha ATT qui a été chassé du pouvoir sur fond de crimes contre son peuple et son armée ? Même si le sieur malien avait au préalable bénéficié du prix de la bonne gouvernance du Sénégal Kéba M’Baye !
Nous n’ignorons ici que des députés maliens l’ont blanchi dans cette affaire mais la roue de l’histoire. Mais il fallait consommer le coup de force de l’armée malienne contre le protégé malien de la France car la déraison du Sénégal lui sera fatale s’il se décidait à réinstaller ATT au pouvoir au Mali. L’armée malienne, même phagocytée par Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré (ATT) ne peut se laisser marcher dessus par le Sénégal.
L’implication totale et sans réserve de Maky Sall au côté d’Adama Barrow s’explique par un certain nombre de facteurs :
- Sur le plan territorial, la Gambie est une petite enclave de 11.295 km2 à l’intérieur du Sénégal, le protégé séculaire de l’armée française aux aguets sur le sol du peuple travailleur du Sénégal.
- Sur le plan militaire, la Gambie ne dispose pas que d’une petite armée en termes de nombre. Mais à ce niveau, il convient de rappeler que lorsque l’armée gambienne avait chassé du pouvoir le président Daouda Kaïraba Diawara, le Sénégal est intervenu pour le ramener au trône. La leçon, les militaires sénégalais ne l’oublieront pas de sitôt : plus de 150 soldats sénégalais tués lors des affrontements et plusieurs autres morts dans un accident d’avion de retour de leur fallacieuse expédition, à en croire nos sources. C’était en 1980. Cette fois-ci la protection, la protection de François Hollande disqualifié dans son propre pays ne fait l’ombre d’aucun doute. Il a profité du sommet Afrique-France de Bamako, les 13 et 14 janvier courant, pour dire que Adama Barrow doit être installé par tous les moyens au trône en Gambie.
Ainsi, les chefs d’Etat de la CEDEAO complices du Sénégal et comptant sur la protection de l’armée française n’avaient plus qu’à passer à l’acte. Mais ni Maky Sall ni Hollande ne pouvaient oser reconnaître que c’est seulement la Cour constitutionnelle de Gambie qui était juridiquement habilité à examiner tous les recours post-électoraux déposés par les partis.
Le parti de Yahya Jammeh ayant déposé son recours, il revenait à cette Cour de l’étudier. Mais en lieu et place de ce cadre juridique, le Sénégal et son parrain ne voulaient entendre qu’une seule chose : le départ de Yahya Jammeh du pouvoir, au motif qu’il a reconnu sa défaite avant la fin des décomptes. Il y a là un vil prétexte pour engager l’armée sénégalaise sous le couvert de la CEDEAO contre le peuple frère de Gambie.
Et pourquoi ne pas laisser donc la Cour constitutionnelle de Gambie statuer sur le recours du parti du président sortant ? Parce que cela ne permettrait pas à Maky Sall de régler ses comptes avec Jammeh qui a osé dire à la face du parrain français non ! La Gambie est un pays souverain ! Aussi il n’est un secret pour personne que la grosse bête noire de Maky Sall, c’est bien la Casamance qui entretient des liens cordiaux avec le président gambien.

De quel état de droit Maky Sall ne peut-il oser se prévaloir ?
En tous cas, hormis le colmatage politique et le maquillage juridiste, Adama Barrow ne peut se prévaloir d’être le président de Gambie en prêtant serment au Sénégal quand bien c’était dans l’enceinte de l’ambassade de Gambie sur le sol sénégalais et sous les yeux de l’ambassadeur gambien nommé par Yahya Jammeh qui n’a pas encore démissionné. Il n’est pas utile de rappeler que l’ambassadeur est un administrateur et non un juge.
Aussi, a-t-on respecté la légitimité et la légalité de la Cour constitutionnelle de Gambie en foulant au pied son serment de légaliser la présidence de Adama Barrow si c’est bien lui qui a gagné les élections.
C’est au regard de ce mutisme coupable de Maky Sall et dans les cas Paul Biya, Denis Sassou N’Guesso, Idriss Deby, ATT et du boucan d’ingérence dans les affaires intérieures de la Gambie qu’il faut dire que le Sénégal n’a aucune leçon de démocratie ni de bonne gouvernance à donner à quiconque en Afrique pas à la Gambie de Jammeh. Maky peut-il imaginer un coup d’Etat contre lui et compter sur le soutien de l’armée de la République sœur de Gambie ?
Si tout «droit» est un «non droit», on va dire que le Sénégal applique la raison du plus fort. En tout cas, Maky Sall n’a pas levé le doigt pour dire à Blaise Compaoré du Burkina Faso de ne pas modifier l’article 37 de la Constitutionnelle de son pays pour se pérenniser au pouvoir contre tous les principes démocratiques. Et qu’a-t-il fait dans l’affaire du général Gilbert Diendéré et de ceux des militaires du régiment de sécurité présidentielle qui voulait réinstaller Blaise aux affaires ?
En tous cas, le protégé de la France en la personne de Blaise se repose tranquillement dans le pays du monsieur France-Afrique de l’Elysée de Côte d’Ivoire de Houphouët Boigny. Mais la roue de l’histoire continue de tourner et la vérité finira par s’imposer.
Fodé KEITA
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