Le mercredi 18 janvier 2017, à la veille de son 56ème anniversaire, l’armée malienne a vécu le plus sanglant attentat terroriste de son histoire qui a transformé Gao en ville martyre. Le dernier bilan annonce 77 morts, 120 blessés mais surtout de nombreuses familles endeuillées et désintégrées.
La situation sécuritaire au nord semble totalement hors de contrôle malgré la présence massive des forces internationales et il convient désormais de poser les vraies questions sur le rôle des uns et des autres.
POURQUOI LA FRANCE A-T-ELLE CREE L’ENCLAVE DE KIDAL EN 2013?
Un attentat de l’ampleur de celui perpétré dans un camp militaire à Gao ne peut être le fait d’un individu isolé. Des complices connaissant les lieux et les habitudes sont nécessairement à rechercher. Devant cette tragédie, on ne peut s’empêcher de revenir aux opérations de reconquête du nord lancées en janvier 2013 et au sort réservé à Kidal par la France, qui a tout mis en œuvre pour que l’Etat malien ne prenne pas le contrôle de cette ville. Ce faisant, elle a créé de fait une enclave qui ne permet pas au Mali de garder l’essentiel des cartes et donc la main. Après l’euphorie de Konna, ce sera le début du désamour entre les populations maliennes et la France de Hollande, parce qu’elles ont compris que la France n’était pas là pour aider le Mali à recouvrer l’intégrité du territoire mais pour protéger des alliances pouvant lui permettre d’assurer son positionnement dans le nord. L’histoire de la cache d’armes françaises découverte plus tard à Ménaka n’arrangera pas les choses. Naturellement, cette posture française ne contente personne : ni les Maliens, ni les Algériens, ni les différents groupes armés, ni les narco- trafiquants. Voilà en réalité de quoi se nourrit le terrorisme actuel et comment le Mali se trouve pris en otage par un partenaire qui était censé le tirer d’affaire. Comme l’avait dit Manuel Valls lors de sa visite dans notre pays, la France joue une grande partie de son destin en Afrique et elle cherche des opportunités pour poser ses valises. La rébellion du MNLA, allaitée et bien nourrie dans certaines officines d’Europe, a été le cheval de Troie qui a porté les groupes djihadistes dont les visées expansionnistes justifieront l’intervention française, mais la partie est loin d’être gagnée car la résilience du peuple malien est légendaire.
COMMENT L’ALGERIE VIT- ELLE LA PRESENCE FRANÇAISE ET QUEL ROLE EXACT JOUENT LES FAMA AU NORD?
L’Algérie est incontestablement une alliée de longue date du Mali et une puissance militaire régionale incontournable qui n’apprécie pas la présence de troupes étrangères, notamment françaises dans ce qu’elle considère comme sa zone d’influence. Pour l’histoire, le président Modibo Kéita avait permis au Front de Libération Nationale (FLN) en lutte contre la France coloniale d’installer une base à Gao, base dans laquelle le président algérien actuel Bouteflika séjournait. La France sait l’armée malienne mal équipée parce que régulièrement vidée de son essence à partir de mars 1991 par des hommes politiques qui se sont convaincus avant de convaincre les autres que cela était nécessaire pour renforcer la démocratie. Le Mali est ainsi passé d’une armée crainte et respectée de vaillants sous-officiers dirigée essentiellement par des lieutenants et des capitaines, à une armée des ombres constellée d’officiers supérieurs, avec le résultat humiliant de troupes sous équipées et démotivées, condamnées aux replis stratégiques face à un ennemi bien connu dont les ardeurs bellicistes avaient toujours été contenues. L’escalade entamée par les djihadistes à la fin de l’année 2012 a provoqué l’appel aux forces étrangères, organisées via les Nations Unies par la France. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que les pays occidentaux en général et la France en particulier ont été fortement impliqués ces dernières années dans des guerres qui ont fait près de 4.000.000 de morts au sein des populations en Afghanistan, en Iraq, en Libye, au Mali et en Syrie. La France est ainsi devenue une cible déclarée du terrorisme djihadiste et, à ce titre sa présence à la pointe du combat donne à la crise malienne une dimension singulière. En plus de l’opposition du terrorisme djihadiste, il existe également tant au Mali qu’en Algérie des résistances farouches à la présence militaire française dans la zone. C’est pourquoi, aussi longtemps que les FAMA aidés par les anciens groupes armés ne joueront pas les premiers rôles sur le théâtre des opérations, la paix restera loin des dunes.
L’assistance militaire internationale doit épauler les forces armées maliennes et non les devancer et les tenir à l’écart des décisions opérationnelles. La présence peu discrète de l’armée française dans le nord est devenue un facteur aggravant de la violence.