La décision prise avant-hier par les Chefs d’Etat et de gouvernement des trois pays membres du Liptako-Gourma, de se doter d’une force tripartite de lutte contre le terrorisme, bien que salutaire et encourageante, est insuffisante et même utopique. Une bien triste réalité, dès lors qu’il n’est pas possible que le Burkina, le Mali et le Niger, compte tenu de la porosité des frontières qu’ils partagent d’ailleurs avec d’autres pays du Sahel, puissent à eux seuls garantir la sécurité de leur espace.
Il est évident que la sécurité des trois pays est incluse dans celle de l’espace géographique du grand ensemble sahélien. Pour lutter alors efficacement contre le terrorisme au Sahel, il faut plus que cette force tripartite. C’est pourquoi la zone du Liptako-Gourma, à cheval entre les trois pays, demeurera le sanctuaire des groupes terroristes si elle n’intègre pas les autres pays. Une évidence, si l’on reconnaît que la force mixte instituée par le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun pour combattre le groupe Boko Haram depuis 2015, malgré ses nombreux succès, n’est jamais parvenue à anéantir totalement celui-ci.
Par conséquent, la mutualisation des moyens et des forces des pays du Sahel pour lutter contre le terrorisme, plusieurs fois souhaitée par les experts militaires, doit cesser de rester lettre morte pour se transformer en une réalité si les dirigeants des pays sahéliens veulent que leur espace géographique redevienne le havre de paix d’antan. Il urge plus que jamais d’aller dans ce sens, car la sécurité du Mali ou du Niger dépend aussi de celle de l’Algérie ou de la Libye.
Ce qui implique qu’il faut forcément intégrer tous les pays de la sous-région sahélienne au sein d’une force mixte. Mais aussi, puisque certains pays de l’Europe partagent également la mer méditerranée comme frontière naturelle avec les pays du Sahel (l’Algérie, la Tunisie, la Libye et le Maroc), il est alors évident que leur sécurité soit étroitement liée à celle du Sahel. Ainsi, si ces pays doivent aider financièrement et en matériels cette future force sahélienne, ils devront notamment privilégier une franche coopération militaire et respecter leur souveraineté nationale.
Ce qui voudrait dire en substance que la mission française Barkhane de lutte contre le terrorisme doit évoluer aussi de statut, pour permettre à une force essentiellement sahélienne de prendre désormais en charge les problèmes sécuritaires de l’espace sahélien. Cela, même si sa présence a, à un moment donné, contribué à priver les terroristes des sanctuaires stables pour y exécuter leur sale besogne.
L’histoire du monde contemporain a prouvé que la meilleure sécurité n’est procurée que par soi-même. Une maxime qui s’avère bien vérifiée si l’on reconnaît que la force Barkhane a aujourd’hui atteint ses limites dans la lutte contre le terrorisme dans l’espace sahélien.