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Cheick Mohamed Chérif KONE, président du Syndicat Autonome de la Magistrature: «Même les instructions et directives du président de la République, de qui il tient sa légitimité, n’ont pu tempérer les hostilités du gouvernement contre la Justice et les Magistrats»
Publié le dimanche 29 janvier 2017  |  Le Reporter Mensuel
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© aBamako.com par A S
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Depuis le mois de juillet 2016, les magistrats maliens sont en mouvement de grève. Après une grève de 72 heures en juillet 2016, puis 7 jours ouvrables en janvier 2017 (du 09 au 17 janvier), ils sont actuellement en grève illimitée depuis le 18 janvier 2017. Les deux syndicats de magistrats continuent à recevoir à leur siège des partis politiques, des associations de la société civile et même une délégation de l’Assemblée nationale conduite par son 1er vice-président Moussa Tembiné a été reçue. Le Réseau «Joko ni Maaya», qui a un cadre de concertation avec le SAM, a rencontré les magistrats grévistes. C’est dans cette foulée que nous avons eu un entretien avec le président du Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM), Cheick Mohamed Chérif Koné, il nous parle des raisons profondes de cette grève, sa gestion par le gouvernement et la détermination des magistrats.
Nous savons que depuis le 09 janvier 2017, les juridictions sont paralysées suite à une grève de sept jours ouvrables qui vient d’être convertie en grève illimitée. Pourquoi cette grève ? Pourquoi ce durcissement de position ? Comment est-elle perçue ?
Cheick Mohamed Chérif Koné : Lorsque le gouvernement, à travers le ministre de la Fonction publique, prend la responsabilité de faire fi du Statut autonome de la magistrature, pour prétendre pouvoir imposer aux magistrats le Statut général de la Fonction publique, il crée indiscutablement des problèmes. Cette grève légitime à tous points de vue, qui nous a été imposée par le gouvernement, est observée sur toute l’étendue du territoire national par l’ensemble des magistrats, et ce dans le respect strict de la loi. Il appartiendra donc au seul gouvernement de prendre la responsabilité des désagréments qui en résulteraient pour les populations. Le service minimum, c’est la loi qui l’impose. Ce n’est pas au gouvernement de nous le rappeler. Sans qu’il y ait violation des dispositions relatives au respect du service minimum dans le secteur de la justice, la grève paralyse toutes les juridictions de base et les cours d’Appel. Cela est réel. Devant initialement s’étaler sur une durée de sept jours ouvrables du lundi 09 janvier au Mardi 17 janvier à 00 heure, elle vient d’être convertie en grève illimitée jusqu’à satisfaction totale de nos légitimes revendications par l’assemblée générale extraordinaire des magistrats. Il appartiendra à ladite seule assemblée générale d’en décider autrement, en fonction de l’évolution des négociations. Ce durcissement aujourd’hui, parce que, nous sommes en face d’un gouvernement en déphasage tant avec notre constitution, qu’avec les engagements internationaux pris par le Mali tendant au respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire, dont l’indépendance économique des magistrats constitue un aspect essentiel. C’est dire que la décision prise pour la conversion de la grève prévue pour sept jours ouvrables en une grève illimitée, est la conséquence d’une série de facteurs, entre autres : le mépris du gouvernement pour les magistrats, la banalisation du mouvement syndical des magistrats, la fermeture de la porte du dialogue. À cela s’ajoute une inconstance du gouvernement qui n’a pu faire la moindre proposition après avoir reconnu le bien-fondé des doléances présentées. Certes, le magistrat rend la justice, cependant il importe de bien la rendre. C’est cette seule condition qui permet aux magistrats d’être en phase avec le peuple au nom duquel la justice est rendue. Tout cela nécessite des mesures d’accompagnement que le gouvernement du Mali refuse délibérément de mettre à la disposition des acteurs de la justice. Pourtant, aucune des mesures sollicitées ne se trouve au-dessus des capacités de notre pays qui se classe au 3ème rang dans l’espace UEMOA où tous les autres s’efforcent de s’harmoniser avec les instruments internationaux relatifs à l’Indépendance du pouvoir judiciaire. Il est aujourd’hui inconvenant et inadmissible que le gouvernement du Mali soit incapable de mettre à la disposition de ses juges, moins de la moitié de ce que d’autres pays du même espace, moins nantis que le nôtre, ont pu consentir pour les leurs. Notre cause est aujourd’hui soutenue, grâce à l’accompagnement de la presse sans lequel, nous resterions des éternels mal aimés de la nation, puisque incompris, du fait des manipulations orchestrées par le gouvernement qui se confond à tort au peuple. L’Union Internationale des Magistrats qui suit avec attention et intérêt l’évolution de la situation de leurs collègues du Mali, nous a témoigné de sa solidarité et de son soutien, comme elle l’a toujours fait. Au niveau interne, nous avons été réconfortés par des lettres de soutien de nos collaborateurs directs et immédiats que sont les avocats et les greffiers et secrétaires des greffes et parquets. La visite du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, récemment élu, à la tête d’une impressionnante délégation, au siège du SAM, qui honore toute la magistrature, a permis de mettre en place les jalons d’une collaboration loyale et confiante pour une justice de qualité dans l’intérêt de notre peuple. Ce jour même nous venons de recevoir une délégation de l’ordre des huissiers commissaires conduite par le président dudit ordre à la suite d’une forte délégation d’hommes politiques conduite par l’honorable docteur Oumar Mariko, tous venus nous témoigner leur soutien après s’être informés de toute la réalité. D’autres délégations annoncées sont attendues. Des messages de solidarité nous sont parvenus des syndicats partenaires et amis ainsi que de plusieurs autres organisations et personnalités. Que toutes ces bonnes volontés citées et non citées ici, en soient vivement remerciées.
Certains de vos collaborateurs vous reprochent le manque d’information préalable qui aurait pu éviter des désagréments causés aux justiciables et aux avocats, les premiers jours de la grève. Quelles sont vos réactions sur ce point en tant que premier responsable syndical ?
Je mesure les souffrances de toutes ces victimes innocentes durement pénalisées par cette rupture dans la distribution de la justice. La justice étant un service public, toute rupture à intervenir dans sa distribution doit nécessairement être portée à la connaissance du public, par les voies de communication appropriées. L’échec des négociations ayant été constaté, il nous revenait d’informer le public d’une part, et d’autre part d’inviter nos collègues à observer le mot d’ordre de grève dans toute sa teneur. Tout naturellement, nous avons eu recours aux services de l’ORTM qui a trouvé bon de mettre sous silence le communiqué préparé à cet effet, sans pour autant nous en dire la moindre raison. Tout ça, certainement par crainte de déplaire au gouvernement. Pour ce qui concerne donc le manque d’information du public avant le déclenchement de la grève, nous avons été l’objet d’un traitement trop sélectif de l’information, voire d’un traitement inéquitable ou discriminatoire entre usagers du service public dudit office. Pourtant, en tant que syndicat légalement reconnu et libre d’exercer ses activités conformément à la loi, nous n’avions demandé autre service que celui et le seul de diffuser un simple communiqué qui n’engageait que nous et non quelqu’un d’autre. Pour faute d’information, des justiciables et plusieurs de nos collaborateurs avocats ont eu du mal à se retrouver dans les juridictions, le premier jour de la grève. Le deuxième communiqué, suite à notre instance, a pu faire l’objet d’un bref survol qui a permis de porter à la connaissance du public, la conversion de la grève en une grève illimitée, décision consécutive à la fermeture du dialogue et à la banalisation du mouvement syndical des magistrats par l’exécutif. L’on ne pouvait pas attendre plus d’un office instrumentalisé, transformé en chantre entièrement dédié au gouvernement, au mépris de sa mission de service public de distribution de l’information. Restant avant tout le fruit des efforts des contribuables du Mali, l’ORTM gagnerait plus, en résistant à l’instar des autres organes de presse et de médias, aux pressions et à toutes formes d’instrumentalisation, s’il veut donner un sens et un contenu à sa devise de passion de service public.
L’on est surpris de constater la montée de la tension, voire un durcissement du bras de fer, dans la mesure où votre ministre, lui-même membre du gouvernement, semblait favorable à votre cause pour l’avoir défendue publiquement à plusieurs occasions. À quel niveau pourrait-on donc situer le blocage?
J’ai déjà eu l’occasion de dire que la solidarité gouvernementale au Mali, ne joue que lorsqu’il s’agit, soit de faire ou de vendre la peau du juge, soit de maintenir l’Institution judiciaire en état de dépendance perpétuelle vis-à-vis de l’exécutif, soit d’entretenir la précarité autour des magistrats. Même les instructions et directives du président de la République, de qui il tient sa légitimité, n’ont pu tempérer les hostilités du gouvernement contre la Justice et les magistrats. Une telle situation, qu’on ne verrait nulle part ailleurs, est malheureusement en train de devenir la règle au Mali. Les ministres successifs de la justice se sont tous buttés à des obstacles et contrevérités élevés et entretenus par des ennemis de l’indépendance du Pouvoir judiciaire, chaque fois qu’ils ont voulu mettre à nu la précarité des traitements accordés aux magistrats. Tout observateur de l’actualité sait que le ministre actuel, qui n’est pas étranger aux problèmes de la justice, est confronté à la même réalité sur le terrain. Il s’est lui aussi attiré des inimitiés au sein de l’équipe gouvernementale pour avoir publiquement rappelé avec instance que le Mali se doit de respecter la Constitution et ses engagements internationaux, relativement au traitement dus aux acteurs de la justice, à l’instar d’autres pays de l’espace UEMOA moins nantis que le nôtre.
Pour le ministre du Travail et de la Fonction publique, chargé des Relations avec les Institutions, vos revendications n’auraient pas résisté au mémoire en défense bien ficelé produit par le gouvernement. Qu’en dites-vous ?
Le Mali doit tenir ses engagements internationaux sur l’Indépendance du Pouvoir judiciaire qui implique de meilleures conditions de vie et de travail pour les acteurs de la Justice. Le Statut autonome de la magistrature, qui nous régit, nous place dans une position dérogatoire du Statut général de la Fonction publique. L’application du Statut général de la Fonction publique aux magistrats appartient à un passé révolu. Ne pas l’admettre pour s’y conformer, c’est aller à contre-courant de l’évolution. Je relève d’abord des glissements hasardeux du ministre de la Fonction publique sur un terrain qui n’est pas le sien et dont il n’a la moindre maîtrise. En effet, être en charge des relations avec les institutions, ne signifie nullement pas, qu’on doive nécessairement être partout et n’importe quand, au-devant de la scène. Dans la pratique que nous avons jusqu’ici connue, et qui a bien fonctionné, l’implication du ministre du Travail et de la Fonction publique, dans la gestion des préavis de grève des magistrats, se situe surtout au niveau de la mise en place des différentes commissions de conciliation, en sa qualité de ministre chargé des Relations avec les Institutions. Quant aux négociations proprement dites avec les magistrats, leur pilotage a toujours relevé du ministre de la Justice assisté de spécialistes d’autres départements, dont celui du Travail chargé des Relations avec les Institutions et celui de l’Economie et des Finances. À ma connaissance, aucun ministre de la Fonction publique ne s’est lancé dans de telles aventures qui alimentent la tension entre gouvernement et magistrats. Je ne vois pas dans nos revendications ce qui chagrine à tel point le ministre du Travail et de la Fonction publique, qui va jusqu’à se comporter en justicier contre les magistrats, avec tant de zèle ! Il n’a pas à nous opposer un statut qui n’est applicable aux magistrats que s’agissant des seuls avantages. Notre préavis lui a été adressé en sa qualité de ministre du Travail, en charge des Relations avec les Instituions, et non pas en sa qualité de ministre compétent pour piloter les négociations avec les magistrats. Il lui appartenait plutôt d’informer le gouvernement en vue de la saisine du ministre habilité et compétent. Il n’a pas à s’aventurer jusqu’à vouloir nous opposer mordicus, l’application du Statut général de la Fonction publique. Le jour où le ministère de la Fonction publique sera un ministère autonome détaché des autres, il comprendra qu’il n’a aucune compétence pour parler des questions se rapportant aux revendications des magistrats. Pour revenir au document communiqué par le gouvernement et qui serait à tort qualifié de mémoire en défense, il n’est ni plus, ni moins qu’un papotage dépourvu de tout intérêt. Il n’est respectable qu’en ce qu’il comporte le sceau de l’Etat. Dans la situation présente, le mémoire du gouvernement devrait être un document suffisant, consistant et exploitable, censé apporter des réponses aux différents points développés ou aux questions soulevées. Rien de tout cela. Le ministre du Travail et de la Fonction publique, sans contester le bien-fondé de nos doléances, s’embourbe précipitamment dans des comparaisons mécaniques, avec des arguments aussi absurdes qui se passent de tout commentaire. Le Statut autonome applicable aux magistrats, qui semble déranger ledit ministre, suppose des traitements particuliers ou spéciaux plus avantageux. Faire des amalgames en fournissant toute une liste d’agents de l’Etat dont les avantages spéciaux sont déterminés par d’autres textes législatifs ou réglementaires, pour se glorifier d’avoir donné des réponses aux revendications d’un corps régi par un statut autonome, est le signe parfait d’un manque de discernement dans la conduite des affaires publiques. Dans nos cahiers de doléances, aussi bien que dans nos mémoires au soutien desdites doléances, nous avons prouvé que les magistrats maliens vivent et travaillent dans la précarité, en opposant au gouvernement les instruments internationaux signés par le Mali et qui l’obligent à honorer ses engagements pris pour faire respecter l’Indépendance du Pouvoir judiciaire dont l’indépendance économique des magistrats constitue un aspect essentiel. Pour le ministre de la Fonction publique, les indemnités de judicature accordée aux magistrats, n’ont pas de fondement dès lors que les autres agents de l’Etat n’en bénéficient pas. Il est à rappeler que les indemnités de judicature, comme leur nom l’indique, sont liées aux charges qu’imposent les fonctions de rendre la justice ; elles ne sont dues qu’à des acteurs de la justice. Par leur faiblesse, les montants actuellement accordés aux magistrats du Mali, n’ont aucun sens. Nous n’avons demandé ni primes de ministre, ni d’indemnités de sessions parlementaires. De plus, nous n’avons pas demandé le bénéfice des primes que justifient les sujétions liées à d’autres professions aussi méritantes. L’Etat a le devoir de loger les magistrats de façon décente, à défaut, il leur doit des indemnités compensatrices. La défaillance de l’Etat sur ce point est sans commune mesure si l’on sait que le magistrat malien a, en tout et pour tout, la somme de 50.000 FCFA pour couvrir les frais de logement, eau et électricité. Le ministre devrait au moins le reconnaître. Il ne s’agit pas d’attribuer des montants manifestement bas et insuffisants pour dire que l’Etat a trop fait pour les magistrats en oubliant les autres travailleurs. Que dire de la dotation en carburant accordée aux seuls magistrats de la Cour suprême pour l’instant, qui est encore inférieure à deux litres d’essence par jour ? Je serais à l’aise s’il nous démontrait le bien-fondé d’une telle mesure, à la limite méprisante. Les mêmes engagements internationaux pris dans le cadre de l’indépendance économique des magistrats imposent aux Etats de leur verser des pensions suffisantes correspondant à leur niveau de responsabilité. Notre pays reste encore le seul dans la sous-région à n’y avoir même pas pensé, à fortiori l’appliquer. Quant à la part du ministère de la Justice dans le budget national, elle se situe à moins de 0,5 pour cent, contre un minimum de 3,5 pour cent conformément aux directives des chefs d’Etat de la CEDEAO. La comparaison que le ministre de la Fonction publique veut nous opposer, dans son semblant de mémoire, aurait sa place si les confrontations étaient faites entre des situations comparables, mais non pas entre celles qui ne le sont pas. Je serais d’accord avec lui d’une part, s’il comparait les traitements des magistrats du Mali à ceux de leurs homologues de l’espace UEMOA au sein duquel le Mali se classerait au 2ème ou 3ème rang d’après le gouvernement lui-même ; d’autre part, s’il comparait les traitements des magistrats de la Cour Suprême à ceux des membres des institutions de même niveau au plan interne. Si c’est sur la base de ce papotage aberrant, présenté par un ministre du Travail en dépassement de pouvoirs, que nos légitimes revendications ont été accueillies, je dirais que la gestion qui en a été faite, est une des plus malheureuses, catastrophiques et calamiteuses.
Des renseignements font état, tantôt d’incompréhensions entre le directeur de cabinet du Premier ministre et les magistrats, tantôt d’un malaise profond au sein du gouvernement, provoqué par un désaccord entre le ministre du Travail et son collègue de la Justice, relativement au traitement de vos revendications. Qu’en est-il ?
Nos relations avec le Directeur de cabinet du Premier ministre restent des plus fraternelles et des plus confiantes. Il n’y a aucune incompréhension, sous quelque forme qu’elle soit, ni à quelque niveau qu’il soit entre les magistrats et ce collègue et frère que je tiens à saluer ici. Il reste avant tout magistrat. Il l’a toujours dit et soutenu partout : hier quand il était à la Présidence de la République, et aujourd’hui encore étant au cabinet du Premier ministre. Ayant été lui-même syndicaliste, un des membres fondateurs du SAM, dont il reste membre, je ne vois pas ce qu’il pourrait entreprendre contre les intérêts des magistrats. Se trouvant dans une position délicate, il a souhaité apporter sa contribution dans la recherche de solution à la situation que nous connaissons tous. Il est vrai que nous n’avons pas accédé à sa sollicitation de suspension de la grève pour lui donner le temps de s’impliquer. Il nous a compris et il ne nous a pas tenu grief. C’est donc une rencontre informelle qui s’est déroulée dans la courtoisie et la fraternité. En d’autres circonstances et à d’autres occasions, son rôle avait été déterminant dans le dénouement de crises antérieures opposant magistrats et gouvernement. S’agissant de désaccord entre le ministre de la Fonction publique et celui de la Justice, à propos du traitement de nos doléances, je ne suis pas au courant et je ne le souhaite pas, même je sais que le pouvoir exécutif ne perd aucune occasion pour fragiliser la magistrature. Sans trop m’aventurer sur cette question qui ne concerne que l’exécutif, je sais que les deux personnages sont à des niveaux différents de compréhension et d’analyse sur les questions se rapportant à l’Indépendance du Pouvoir judiciaire, sur le sens du Statut autonome de la magistrature et sur tant d’autres encore. D’un côté, nous avons un ministre de la Justice avec une vue plus large sur les grandes tendances et exigences internationales. Il sait que le respect de l’Indépendance du Pouvoir judiciaire et du Statut autonome reconnu aux magistrats s’impose à tous, et que cela implique des traitements dérogatoires plus avantageux en faveur des acteurs de la Justice. De l’autre côté, nous avons un ministre du Travail et de la Fonction publique, accroché au statut général des fonctionnaires qu’il entend imposer aux magistrats ; lequel a du mal à admettre ou à comprendre que les magistrats, en tant qu’agents de l’Etat, soient autrement ou différemment traités.
Et du côté de l’Assemblée nationale, pourrait-on donc conclure que ses interventions et actions sont restées sans effet sur les conditions de la Justice et des magistrats ?
Comme je l’ai toujours dit et démontré, le déséquilibre reste très profond entre les traitements des acteurs de la Justice et le poids des charges que sont les leurs. Cela a été reconnu par les honorables députés qui ont fait des recommandations très pertinentes, suite aux missions parlementaires que nous avons eu l’occasion de saluer, en tant qu’une première et une avancée. Dans le même élan, le Programme d’Urgence sur la Justice a été adopté après un vote à l’unanimité. C’est aussi la même Assemblée nationale qui a eu le mérite de voter la dernière loi sur la Cour Suprême restée sans effet en dépit de sa promulgation par le président de la République en vue de son application immédiate. Le refus d’application par le gouvernement de cette loi, qui avait été tant attendue, aurait dû faire l’objet d’une interpellation. Deux grèves des magistrats en l’espace de six mois sans que notre Assemblée nationale ne se fasse voir ou entendre, est aussi une attitude critiquable qui ne répond à aucune logique, et qui conduit le magistrat à se questionner sur la vitalité de notre démocratie. La Justice étant rendue au nom du peuple, une simple interpellation du gouvernement aurait permis de se rassurer que les questions de Justice sont aussi au cœur des préoccupations de notre parlement. Je dirai que tous ces bonnes intentions et tous ces efforts législatifs risquent d’être peine perdue, si notre Assemblée nationale continue d’entretenir cette peur bleue qu’elle semble avoir vis-à-vis du gouvernement.
Quelles autres actions syndicales en cas d’insatisfaction ?
La grève est en cours et l’assemblée générale des magistrats reste seule souveraine pour décider toute autre démarche syndicale visant à la satisfaction totale de nos revendications dont la légitimité n’a fait l’objet d’aucune contestation sérieuse du gouvernement. Nous saurons trouver les moyens appropriés pour nous faire comprendre de nos concitoyens, afin qu’ils puissent adhérer à notre cause. C’est là un point essentiel pour nous. Quant au gouvernement, nous le ferons fléchir pour faute d’arguments sérieux ou respectables à nous opposer.
Réalisée par K .T et B.S
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