Il faut bien l’avouer. Il n’y a rien de plus désagréable que d’écrire sur la situation politique en général, et sur un régime en particulier, à cause des intentions présumées d’aigreurs, d’ambitions contrariées. Et au pire des cas, de mensonges et de calomnies d’hommes politiques viscéralement antipatriotiques. Mais, il faudra bien écrire et se persuader que l’histoire, elle, prononcera un jour son jugement. Elle sera, elle, science objective car fondant ses analyses et conclusions sur des faits rigoureusement concrets, réels, impartiaux, très éloignés des bas instincts de promotion éphémère, immoral, d’intérêts claniques sectaires.
Donc, le constat implacable depuis 2013 dans notre pays, est incontestablement la mauvaise préhension du pouvoir d’Etat par une catégorie de personnes dont des cadres longtemps considérés comme de consciencieux fils et filles de la Nation pour laquelle ils ont souvent consenti d’immenses sacrifices.
Le Mali : un bateau ivre
Disons- le, osons l’écrire. Le Mali, notre pays, aujourd’hui est un bateau ivre. Tous les jours qui passent, mettent en exergue la médiocrité politique des tenants du pouvoir, incapables d’inverser le cours fatigue d’une déchéance inexorable.
L’Armée malienne, engorgée depuis les années 70 par des contingents de jeunes gens haut diplômés, sans aucune envergure militaire et guerrière, plutôt soucieux des bénéfices dus au prestige qu’offrait le ” Kaki ” qui ont toujours su s’emparer du pouvoir, cette Armée – là est privée d’enrôlements des enfants du peuple, élevés dans le culte de l’honneur, de la digité, de la préférence de la mort à la honte. Ladite Armée est dépouillée de nos jours de toute substance vitale.
Dans un flash de l’imagination sur la situation du Mali, l’on verra bien que l’atmosphère généralisée du non – être de l’Etat date de façon irréfutable des années 80 quand la brusque disparition du 1er Président de la République et de quelques putschistes du 19 novembre 68 donnait aux dirigeants du parti unique constitutionnel (UDPM) l’impression de pouvoir régner sans partage, sans obligation de rendre des comptes.
Les mirages hideux d’un chaos étaient perceptibles devant le spectacle de l course des responsables politiques, gouvernementaux et administratifs vers plus d’argent, plus d’immeubles, plus de terres paysannes, plus de main mise sur le flux de l’Import – Export.
A cette époque, le Mali est devenu le théâtre obscène des profondes contradictions sociales avec la misère des fonctionnaires, s’abîmant des mois de travail sans salaires. Contradictions politiques, par l’anéantissement des libertés fondamentales reconnues à la personne humaine, des droits dont on n’avait pas le droit d’exiger le respect, leur application. Le marasme économique n’empêchait pas cependant des mises ostentatoires des dirigeants du parti unique, drapés dans des bazins brodés du cou au genou.
La détériorisation rapide de la situation économique marquée par la chute de la production industrielle sous les coups de butoir du FMI et de la Banque Mondiale, ruine et désespoir à cause des réformes, le dur exercice du retour au franc CFA, la spéculation financière, etc. Tout cela avait atteint des proportions incontrôlables. D’année en année, les discours politiques promettaient des jours dramatiques et distillaient des intimidations, des menaces d’hécatombes, des fourrées infernales.
Malgré les prédictions apocalyptiques, le peuple apparemment léthargique s’insurgea le 26 mars 1991. Comme en 1960 à l’avènement du pays à la souveraineté nationale et internationale, l’horizon s’est largement ouvert, éclairci par la démocratie.
Elle était comprise comme un socle qui devrait corriger, colmater les grandes fissures causées sur le tissu social national par 23 ans d’autocratie, de cécité politique, d’inintelligence dans la construction d’un avenir qui rendrait fier tout citoyen de la Nation. Le peuple a mis fin à l’essor du désastre inspiré par un part unique et dit constitutionnel, soutenu par quelques officiers (militaires, policiers, gendarmes) et de technocrates dont la science a miné la patrie.
Un tel tableau permet, à n’en pas douter, toutes les dérives. La gestion de la Crise du Nord l’illustre parfaitement. En ces temps où les peuples se prennent en charge, comment comprendre qu’un gouvernement – fût – il celui constitué par un homme venu au pouvoir, dans les conditions électoralement satisfaisantes mais très particulièrement et circonstanciellement favorables à tort ou à raison, puisse déterminer de la destinée du pays, de la Nation, sans avoir le souci de recueillir, de s’assumer de l’adhésion du peuple à sa politique ?
C’est cette façon cavalière de traiter la souveraineté du peuple qui est à la base des Accords dits d’Alger. Non ! Le peuple malien n’a pas été consulté. Oui ! Il y a eu des manœuvres, des manipulations pour faire passer des Accords concoctés loin même de l’Afrique.
Comme on le dit souvent, tous les sacrifices sont bons et nécessaires pour gagner la paix. Mais, il ne s’agit pas de sacrifices qui hypothèquent l’existence même de la Nation pour laquelle l’on imagine la paix. Ces Accords d’Alger ne sont rien d’autre qu’un plan de démembrement du pays en deux grandes régions naturelles (le Sud sahélo – soudanien, le Nord Sahélo – Saharien) érigées en entités politiques. Chacune aura un destin économique, une culture, une justice, mais sans possibilité pour l’une ou l’autre région de constituer un Etat militairement viable, économiquement et politiquement souverain. Reconnaissons au passage la faiblesse politique et diplomatique des dirigeants de notre pays.
Les Européens, le Canada, les Etats Unis ont tous, à un moment donné, été des acteurs du vaste complot contre le Mali. Que de fausses notes aient été produites contre une partition programmée, seulement avec des éléments non représentatifs des populations du Nord, est une bonne chose ayant contrarié les objectifs finaux, mais que l’on continue de saupoudrer la réalité, est et reste un entêtement, un machiavélisme à aller à l’encontre du droit international. D’où la situation particulièrement de Kidal.
Apathique, le peuple a laissé toute lattitude à un groupe de gens de décider à sa place.
Et pourtant, les grandes crises révèlent les capacités de résilience d’un peuple. Pour rappel, en 1870, il y a eu l’effondrement de la France face aux troupes prussiennes et la perte de l’Alsace. Lorraine qui ont configuré la Commune de Paris. C’était une réaction logique du peuple désireux de se débarrasser des mauvais dirigeants. L’occupation de Riga par les troupes allemandes en 1917 et la décision du Gouvernement provisoire de Russie de livrer Patersbomg aux envahisseurs a précipité la Révolution dite d’Octobre. C’était les Ouvriers qui étaient las des humiliations, des défaites infligées à leur pays, par des dirigeants incompétents, corrompus, peu patriotes, incapables d’insuffler une dynamique victorieuse aux armées à travers des mesures radicales.
Chez nous, le 26 mars 1991 apparait comme une révolte populaire contre un pouvoir carié par des insuffisances nombreuses.