Le sanglant épisode dramatique du camp du MOC à Gao pourrait avoir marqué un tournant important dans le processus de paix. Non seulement par la méfiance qu’il instaure entre les protagonistes, mais aussi par le malaise déclenché par les arrestations et perquisitions massives dans les rangs de mouvements alliés de l’Etat.
Suite à l’attaque terroriste des plus sanglantes perpétrée récemment contre le camp du Mécanisme Opérationnel de Coordination, la Cité des Askia s’est retrouvée dans les vagues d’un nettoyage sans précédent et qui prouve à tout le moins que la ville nageait naguère dans une véritable mare de bombes. Engagée contre les auteurs du forfait ayant occasionné plus d’une centaine de victimes dont 77 morts parmi les Maliens, la traque n’est point conduite par des forces nationales mais étrangères. Il s’agit de Barkhane qui mène dans la zone une opération assimilable à un véritable coup de pied dans la fourmilière, à en juger par l’ampleur des perquisitions et des arrestations, mais aussi de quelques moissons auxquels la population de Gao assiste avec grande stupéfaction. Depuis une semaine, en tout cas, pas un jour ne se passe sans entendre courir le bruit d’une saisie massive d’armes, de munitions ou de liquidités suspectes appartenant principalement à des membres d’une communauté arabe longtemps stigmatisée comme la plaque tournante du narcotrafic. Un secteur entier de la ville est même identifié comme la Cité Cocaïne.
Parmi la dizaine d’arrestations qui confirment les soupçons, on peut citer le Pdg de Nour Voyage répondant au nom de Cherif Ould, Attacher Ould Baba, fils de Baba Ould Cheick dont le nom était souvent cité dans le célèbre scandale de Air Cocaïne. Les sources font état également de saisies effroyables d’armements lourds et de munitions dans les véhicules de transport sur le tronçon Gao-Kidal, de quoi en rajouter forcément aux soupçons quoique la détention d’arsenaux puisse être mise au compte des préparatifs du désarmement dans le cadre de la démobilisation et du désarmement qu’implique la dynamique de cantonnement des mouvements armés.
Les forces Barkhane ne l’entendent certainement pas de cette oreille car, selon nos sources, la vague pourrait ne pas épargner le principal représentant du MAA au MOC. Yoro Ould Daha – c’est de lui qu’il s’agit – n’en sera pas à sa première expérience d’arrestation si cela intervenait pour être en son temps passé une éprouvante interpellation par les forces Serval au plus fort des affrontements entre son groupe armée et le Mnla. Un précédent qui incite d’ailleurs nombre d’observateurs à subodorer une manœuvre d’affaiblissement des forces loyalistes au profit des séparatistes, tandis que d’autres par contre s’étonnent du fait que les cantonnés du Mouvement Arabe de l’Azawad ne comptent aucune victime dans l’attaque terroriste de Gao. De là à leur attribuer le forfait il n’y a qu’un pas que d’aucuns n’hésitent pas à franchir, justifiant notamment les arrestations par un lien quasi incontestable avec le forfait du camp du MOC. Vrai ou faux ?
Quoi qu’il en soit, l’épisode marque un tournant très négatif du processus de paix et d’application de l’Accord qui le sous-tend, au regard d’un malaise évident qu’il crée entre les loyalistes et les autorités maliennes, lesquelles pourraient se retrouver isolés avec une stigmatisation de leurs alliés comme présumés djihadistes doublés de la marque de narcotrafiquants, un cliché qui les exclut du processus. Il faut dire que le scénario était bel et bien prévisible pour qui se rappelle les insinuations des États-Unis d’Amérique sur les tribunes de l’ONU où les officiels maliens ont été clairement invités à prendre leurs distances vis-à-vis du Gatia, dont certaines composantes étaient déjà taxées d’entretenir des liens avec le terrorisme et les trafics illicites.